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La feuille de route de la Russie et de la Chine sur l’Afghanistan

(Rome, 17 juillet 2021). A mi-chemin entre un dilemme et un piège, l’Afghanistan suscite l’appréhension de la Chine. Que va-t-il se passer à Kaboul maintenant que les États-Unis ont retiré leurs troupes et que l’ombre des talibans s’étend sur les institutions nationales très fragiles ? Le risque d’une instabilité sans fin, de surcroît à quelques pas du Xinjiang, la région chinoise déjà dans le collimateur de Pékin en raison des mouvements séparatistes ouïghours, ne laisse pas le Dragon dormir paisiblement.

Dans le même temps, selon Federico Giuliani dans son analyse sur «Inside Over», la Russie observe elle aussi avec un certain intérêt l’évolution de la situation afghane. L’impératif de Moscou est unique : empêcher que son arrière-cour post-soviétique (caractérisée par divers –stans : un ensemble de pays dont le nom se termine par le suffixe «stan», ancien mot persan signifiant pays, nation ou terre. Il y a sept « Stan » dans le monde, mais l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan, le Kazakhstan et le Tadjikistan se distinguent par ce qu’ils ont en commun, ndlr) ne soit régie par l’anarchie. Une anarchie qui dans ces régions rime avec crises transfrontalières, réfugiés, radicalisation religieuse et terrorisme.

Puisque la plupart des intérêts géopolitiques de la Chine et de la Russie par rapport au chaos afghan coïncident, il serait raisonnable de s’attendre à ce que la coopération sino-russe débloque un contexte très dangereux. Il n’est pas surprenant qu’il y a une semaine, à Douchanbé la capitale du Tadjikistan, une réunion sur l’Afghanistan se soit tenue à laquelle ont participé les ministres des Affaires étrangères de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

Les priorités de Pékin

Comme l’a souligné Asia Times, le ministre chinois Wang Yi a présenté une feuille de route de base à son homologue afghan, Mohammad Haneef Atmar. En supposant que la Chine n’a pas l’intention de s’ingérer dans les affaires intérieures des autres nations, Wang a identifié trois priorités :

  1. La mise en œuvre de négociations inter-afghanes capables de parvenir à la réconciliation nationale et à une solution politique durable. De ce point de vue et afin d’éviter une éventuelle guerre civile, Pékin est prêt à faciliter le dialogue ;
  2. La lutte contre le terrorisme, comme les vestiges de l’EI, d’Al-Qaïda et d’Etim (Mouvement islamique du Turkestan oriental). La Chine veut alors éviter à tout prix qu’un Afghanistan à la merci du chaos ne devienne un refuge pour les différents groupes terroristes actifs dans la région ;
  3. Enfin, les talibans devraient définitivement rompre les liens avec toute organisation terroriste. Les propositions de Wang auraient touché une corde sensible d’Atmar, ainsi que du ministre tadjik Siroj-eddin Mouhriddin. Atmar, quant à lui, a promis de collaborer avec Pékin pour réprimer Etim.

L’axe avec Moscou et le rôle du Pakistan

Pour sa part, la Russie estime que Kaboul et les talibans devraient au moins essayer de former un gouvernement de coalition intérimaire pour les deux ou trois prochaines années. En attendant, les parties devraient négocier un accord permanent capable de mettre fin à toute instabilité. De ce point de vue, l’OCS, notamment à travers le rôle joué par Moscou et Pékin, devrait « faciliter » (avec une attention particulière aux termes : faciliter ne signifie pas «médiation») le processus afghan. Les pourparlers organisés à Douchanbé, ajoute Federico Giuliani, ont clairement montré que l’approche adoptée par l’axe stratégique sino-russe en Afghanistan est non seulement réaliste mais également souhaitable pour les deux puissances.

Et M. Giuliani de conclure que la reconstruction afghane impliquera toutefois d’autres acteurs, dont le Pakistan, membre de l’OCS et considéré par de nombreux analystes comme la clé de la résolution du dilemme afghan. La raison est simple : la Chine a besoin d’un Islamabad stable pour mener à bien tous les projets à long terme de l’initiative BRI «Belt and Road Initiative/la ceinture et la route» et intégrer l’Afghanistan dans la BRI elle-même. « La Chine, le Pakistan et l’Afghanistan ont convenus d’approfondir leur coopération dans le cadre de l’initiative « Ceinture et Route », en soutenant son expansion substantielle et en renforçant le niveau d’interconnexion entre les trois pays », a expliqué Wang il y a quelques semaines à l’issue d’une réunion avec son homologue afghan Atmar et le chef de la diplomatie pakistanaise, Shah Mahmood Qureshi. Maintenant que Pékin et Moscou ont élaboré leur feuille de route idéale commune, il ne reste plus qu’à voir si tout se déroulera comme prévu.

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