(Rome, 27 juin 2021). Les formations proches d’al-Sadr et d’al-Sistani ne participent pas à l’initiative des factions fidèles à Téhéran
La division entre les groupes armés chiites en Irak est désormais certifiée par l’absence d’un grand nombre d’entre elles lors de la célébration organisée par l’UMP (Unités de mobilisation populaire) irakienne. En effet, un défilé militaire organisé par les Forces des UMP a eu lieu hier matin, dans la province de Diyala, à l’occasion du septième anniversaire de leur naissance.
Plus de vingt mille membres de la milice, fondée par une fatwa du leader chiite Ali al-Sistani pour combattre l’État islamique, ont participé au défilé militaire qui s’est tenu au nord de Diyala montrant divers types d’armes, de missiles, de lanceurs et d’avions de fabrication iranienne. La plupart d’entre eux sont des équipements qui ont été transportés depuis l’Iran ces dernières semaines.
Pour l’occasion, comme le rapporte Massimiliano Boccolini dans «Formiche», la ville de l’Est irakien a connu un déploiement massif des forces de sécurité pour assurer le succès du défilé, après avoir été plusieurs fois reporté en raison de désaccords entre ses dirigeants sur les détails de son organisation et les armes à exposer. Le Premier ministre irakien, Moustafa Al-Kazemi, était présent pour l’occasion, ainsi que les dirigeants de la Défense et d’autres dirigeants chiites et des UMP dont Abou Fadak al-Mouhammadawi, chef d’état-major des Forces, et Faleh al-Fayyad.
Des drones Saya de fabrication iranienne, importés à l’époque du gouvernement Adel Abdel-Mahdi, sont apparus lors du défilé dans le cadre de l’armement fourni aux UMP irakiennes. Ce sont des drones similaires à ceux baptisés «Sammads» utilisés au Yémen par les Houthis, et sont à voilure fixe avec un moteur, appelés drones bombardiers. Lors du défilé, des drones utilisés pour la reconnaissance ont également été montrés lors de la parade, ainsi que des clones iraniens assemblés avec du matériel chinois. En outre, des chars de fabrication russe et iranienne et des véhicules militaires iraniens ont été présentés, y compris le véhicule Toufan. Le camp d’Abou Mountazer al-Mouhammadawi, qui a accueilli cette parade, relève des Brigades du Hezbollah irakien.
Les Forces de mobilisation populaire, poursuit le journaliste Massimiliano Boccolini, ont été créées en juin 2014 après que l’État islamique a pris le contrôle de la ville de Mossoul, la capitale du gouvernorat de Ninive. Si le choix du mois pour ce défilé est symbolique, puisqu’il commémore l’anniversaire de l’émission par al-Sistani de la fatwa contre l’Etat islamique, celui du lieu l’est tout autant. La province de Diyala, notoirement sunnite, abritait également le camp d’Achraf. C’est le camp où le groupe d’opposition iranien des Moudjahidine du peuple résidait depuis les années 1980 avec le soutien du régime de Saddam Hussein, avant d’être évacué en 2013.
Cependant, ajoute M. Boccolini, l’initiative a immédiatement montré les fissures et les divisions qui existaient au sein du camp chiite irakien. Des sources au sein des factions sadristes ont expliqué à «Formiche.net» que l’initiative devait initialement se tenir le 14 juin, date anniversaire de la promulgation de la fatwa d’al-Sistani qui a conduit à la naissance de cette formation, mais qu’en raison des différences entre les groupes armés chiites, il a fallu reporter la date de l’événement au 26 juin. À la fin du défilé, les participants ont scandé des slogans en faveur de l’ayatollah iranien Ali Khamenei et du «regretté» général Qassem Soleimani. Il s’agissait d’une réponse à la position prise par le leader chiite Moqtada al-Sadr et les milices fidèles à al-Sistani qui, à la dernière minute, se sont retirées de l’initiative.
En particulier, la brigade « Ansar al-Marja’iya » et la brigade « Imam Ali » se sont retirées du défilé, sur fond d’une décision déjà prise par deux autres formations de la soi-disant «Hashd al-Marji’iyya», les factions fidèles à l’autorité religieuse chiite irakienne, Ali al-Sistani. Peu de temps auparavant, les forces des « Brigades de la paix » de Moqtada al-Sadr avaient également annoncé qu’elles ne participeraient pas à ce défilé. Les sources ont également expliqué que la décision des factions pro « Marja’iya » de s’abstenir de participer à l’initiative est due aux mêmes raisons qui les poussent à se séparer des UMP.
Il y a déjà eu des conflits antérieurs entre des formations fidèles à al-Sistani et d’autres formations pro-Téhéran au sein des UMP, sur la question de l’indépendance de ces factions vis-à-vis de l’Iran et leur engagement à respecter les lois irakiennes, les décisions du commandant en chef de la Forces armées de Bagdad et leur loyauté garantie exclusivement au gouvernement irakien. En effet, quatre factions des UMP qui appartiennent au clergé chiite irakien de Najaf et Karbala : la division de combat « Imam Ali », la division de combat « Abbas », la brigade « Ali al-Akbar » et la brigade « Ansar al-Marji’iya ». Les autres factions des UMP sont accusées par des activistes et des politiciens irakiens d’être dépendantes de l’Iran et de privilégier les intérêts étrangers sur les intérêts de l’Etat irakien. Ils sont également accusés de contrôler certains postes-frontières, des services publics et un certain nombre d’institutions de l’État afin d’étendre leur autorité et leur influence sur les citoyens.
En raison de ce qui s’est passé ces dernières semaines à Bagdad, ajoute M. Boccolini dans «Formiche», lors de la préparation de ce défilé, les factions pro-al-Sistani en plus de ne pas participer au défilé ont également décidé de ne plus recevoir d’ordres des UMP mais de passer directement sous le commandement des forces armées irakiennes. Cette décision a provoqué la colère des dirigeants pro-iraniens des UMP tels que Hadi al-Amiri, chef de l’Organisation Badr et de l’Alliance Al-Fateh à la Chambre des représentants de Bagdad. Ce dernier s’est tourné vers les dirigeants des sanctuaires chiites de Karbala et Najaf, tels que Cheikh Abdel Mahdi al-Karbalai et Sayyid Ahmed al-Safi, pour apaiser les tensions, mais en vain. Les sanctuaires religieux chiites affiliés à l’autorité religieuse d’Ali al-Sistani gèrent directement les 4 factions (Brigade « Ansar al-Marji’iya », Brigade « Ali al-Akbar », Division de combat « al-Abbas » et Division de combat « Imam Ali ») en versant des salaires à leurs affiliés. La différence entre les formations qui suivent le clergé chiite irakien et les autres (celles) des UMP pro-iraniennes apparaît également sur des questions de politique internationale. Ali al-Hamdani, un responsable de la brigade « Ali al-Akbar » affilié au sanctuaire de l’imam Hussein, a expliqué aux médias irakiens que «nos unités militaires sont loin de la politique et des partis et nous nous engageons à imposer la sécurité comme le recommande l’autorité religieuse suprême de Najaf. Nous sommes différents des autres factions affiliées à l’Iran, qui ont toujours pris position sur les développements politiques et sécuritaires en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen, ainsi qu’en Arabie saoudite et à Bahreïn conformément aux politiques iraniennes dans la région».
Et M. Boccolini d’ajouter que l’escalade et la division entre les factions irakiennes et celles fidèles à Khamenei et aux Gardiens de la Révolution iranienne, ont atteint leur apogée le 20 février dernier, avec la nomination à la tête des UMP d’Abdel Aziz al-Mouhammadawi (Abou Fadak), l’un des membres du Conseil de la Choura de Brigades du Hezbollah, qui a succédé à Jamal Jaafar Mouhammad (Abou Mahdi al-Mouhandés), ayant péri avec le général iranien Qassem Soleimani à Bagdad début janvier 2020, lors du raid aérien américain. La nomination d’al-Mouhammadawi à la tête de l’autorité de mobilisation populaire, à un moment où ses brigades étaient chargées du renseignement au sein des UMP, a renforcé l’influence de l’Iran au sein de la Force de mobilisation populaire.