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Le Sahel entre mafias et djihad. Les plans de Paris et de Rome

(Rome, 31 mai 2021). Avec Mario Draghi, l’Italie tente de relancer la collaboration avec la France au Sahel, une terre tourmentée par le Jihad. L’expérience de la lutte contre la mafia peut devenir un atout. Comme pour la « Cosa Nostra », les groupes terroristes prospèrent là où l’État n’existe pas. Une boussole dans l’analyse de Leonardo Bellodi

La passe de Salvador est un point de passage situé à environ 1.000 mètres d’altitude dans la région d’Agadez au Niger qui donne accès au plateau de Manguéni. Un lieu au centre d’un triangle géographique entre l’Algérie, le Niger et la Libye qui est le carrefour des trafics d’armes, de drogue et malheureusement aussi d’êtres humains alimentés par le crime organisé et les extrémistes islamiques du Mali et du Tchad.

Au Mali, en 2012, une rébellion touareg à la suite d’un coup d’État a conduit le pays à l’effondrement et a ouvert la voie à des groupes liés à Al-Qaïda pour pénétrer dans le pays et conquérir le nord.

La France, toujours très attentive à cette région du monde, est intervenue par une opération militaire d’envergure, impliquant dans un second temps d’autres pays (comme l’Allemagne) et obtenant du Conseil de sécurité des Nations unies la création d’une mission de stabilisation (Minusma). La France a également été le promoteur du G5, un groupe de cinq pays du Sahara. En 2020, une force de l’Union européenne est créée et l’opération Takuba a été lancée pour soutenir l’armée malienne dans la lutte contre les extrémistes islamiques.

Cela semble être une région avec laquelle l’Italie n’a pas grand-chose à voir. Mais en réalité, ce n’est pas le cas. La situation crée en effet des tensions au Fezzan, la partie sud de la Libye, où les voies des migrants arrivant d’Afrique subsaharienne empruntent cet axe, et sont de plus en plus contrôlées par des terroristes et des criminels.

Malheureusement, les efforts militaires et économiques français n’ont pas donné les résultats escomptés. Les organisations extrémistes liées à Al-Qaïda et à l’Etat islamique ont exploité le mécontentement populaire au Burkina Faso, au Niger et au Mali en recrutant des jeunes mécontents de leurs gouvernements.

Au niveau national, il y a souvent peu de différence entre les milices gouvernementales et les gangs locaux, où de nombreux épisodes de violence contre la population civile sont perpétrés par les deux parties. Au Mali, la Minusma a documenté des centaines d’exécutions commises par les forces gouvernementales.

Même les Etats-Unis, toujours attentifs aux phénomènes terroristes en Libye et dans les pays voisins, sont plutôt inquiets et ont apporté aux Français une assistance logistique, des renseignements et un soutien aérien.

Mais la situation ne s’est certainement pas améliorée. En 2005, la région du Sahel qui comprend le Mali, le Niger et le Burkina Faso a connu 10 épisodes de violence perpétrés par des terroristes ou des criminels. En 2013, ils sont passés à un peu moins de 300. En 2020, le chiffre dépasse le nombre de 2.000.

Il est clair que la stratégie militaire n’a pas fonctionné.

Hier, le président de la République française Emmanuel Macron a déclaré, à la suite du deuxième coup d’État au Mali en neuf mois, avoir l’intention de retirer les quelque 5.000 soldats présents dans la région. Une nouvelle qui aura certainement plu aux criminels et aux terroristes.

La déclaration de M. Macron intervient quelques jours après sa rencontre avec le Premier ministre Mario Draghi qui a déclaré : «Nous avons franchi une nouvelle étape importante dans nos relations internationales, une collaboration dans une partie du monde qui nous avait toujours vus dans des camps différents, voire en conflit. L’intention est de travailler ensemble dans cette partie de l’Afrique».

Oui mais comment ?

Peut-être que notre expérience dans la lutte contre la mafia et d’autres organisations criminelles peut nous montrer la voie. Celles-ci prospèrent là où l’État n’est pas en mesure de garantir à ses citoyens les besoins fondamentaux : un logement (ou la possibilité d’en reprendre possession), la justice, un emploi.

L’Etat islamique (EI) a réussi à conquérir Syrte parce que le gouvernement libyen n’avait pas réussi à garantir les conditions précitées. Et il existe de nombreux exemples qui montrent que les djihadistes luttent pour saboter les initiatives sociales et économiques qui bénéficient du soutien de la population locale.

Les États du Sahel consacrent actuellement plus de 40% de leur budget à la sécurité. La voie militaire a montré toute sa faiblesse. Peut-être que celle de la reconstruction de la société civile qui passe par des investissements dans l’éducation, la création de réalités économiques et donc d’emplois, aurait plus de chances de réussir. Ce n’est pas facile, ce n’est pas évident, c’est un long chemin mais cela vaut la peine de commencer à parcourir.

Leonardo Bellodi. (Formiche)

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