Algérie: un universitaire poursuivi pour offense à l’islam

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(Rome le 11 février 2021). L’islamologue Saïd Djabelkhir s’est déjà retrouvé au centre de plusieurs controverses avec des religieux ayant une vision « rigoriste » de l’islam.

Saïd Djabelkhir, universitaire et islamologue algérien de 53 ans, va être jugé le 25 février pour offense à l’islam, a-t-on appris mercredi 10 février auprès de ce spécialiste du soufisme connu en Algérie. Saïd Djabelkheir, qui a recueilli le soutien d’universitaires et de certains hommes politiques, est accusé par sept avocats et un autre universitaire d’«offense aux préceptes de l’islam». « J’assume ce que j’ai écrit sur ma page Facebook. Je n’ai jamais porté atteinte à la religion ou au Prophète », a déclaré à l’AFP l’islamologue, estimant que « certains de (m)es propos ont été intentionnellement mal interprétés dans le but de me nuire ».

«Je suis surpris de faire l’objet d’une telle procédure parce que les juges ne sont pas compétents en matière de religion. Par exemple en Egypte, quand il s’agit de ce genre d’affaires, les magistrats demandent toujours des rapports détaillés sous forme d’éclairage de l’institution d’El-Azhar. Le juge n’est pas formé dans le domaine religieux». Saïd Djabelkhir, islamologue, à Liberté

 

« Aucune compétence »

Diplômé en sciences islamiques, auteur de deux ouvrages traitant de la religion, Saïd Djabelkhir considère qu’il est « accusé par des personnes qui n’ont aucune compétence en matière de religion ». Il sera jugé le 25 février au tribunal Sidi M’hamed à Alger. Les plaignants et leurs témoins ont déjà été auditionnés début février, contrairement à lui qui n’a pas été entendu par le juge d’instruction. L’universitaire affirme qu’on lui reproche d’avoir rappelé que le sacrifice du mouton, tradition musulmane, a préexisté à l’avènement de l’islam, et avoir critiqué certaines pratiques comme le mariage précoce des jeunes filles dans certaines sociétés musulmanes. Ses détracteurs ont estimé qu’il visait le prophète Mahomet qui se serait marié avec Aïcha, son épouse favorite, quand elle avait seulement 9 ans. Sur les réseaux sociaux, des publications lui reprochent d’avoir dénigré des versets du Coran et des piliers de l’islam comme le pèlerinage à La Mecque.

« Criminalisation de la pensée »

La loi punit de trois à cinq ans d’emprisonnement et/ou d’une amende de 50.000 à 100.000 dinars (309 à 618 euros) « quiconque offense le Prophète ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen ». L’universitaire a reçu un élan de solidarité. « L’affaire de l’islamologue Saïd Djabelkhir est une judiciarisation et une criminalisation de la pensée et du débat », s’indigne Mohcine Belabbas, président du parti Rassemblement pour la culture et la démocratie.

«Le plus grand obstacle que je rencontre personnellement est la réaction de l’orthodoxie, c’est-à-dire les tenants de la lecture traditionaliste, qui prétend détenir la vérité absolue dans la lecture et l’interprétation des textes religieux, alors que nous savons tous qu’il n’existe pas de vérités absolues dans le domaine de la recherche». Saïd Djabelkhir, islamologue, à Liberté

L’islamologue, âgé de 53 ans, a déjà été au centre de plusieurs controverses avec des religieux ayant une vision rigoriste de l’islam. Très actif sur Facebook et souvent invité sur les plateaux de télévision, M. Djabelkhir se dit défenseur d’un « islam des Lumières » contre « les tenants d’une lecture traditionaliste prétendant détenir la vérité absolue dans l’interprétation des textes religieux ».

(France TV Info)

(Image Tribunal de Sidi M’hamed, Alger, le 3 août 2020-Ryad Kramdi/AFP . France Info TV)