Israël est prêt à frapper de la mer

0
589

(Rome le 30 janvier 2021). Israël regarde de plus en plus vers la mer. Ces dernières années, la marine israélienne a pris une importance croissante avec l’expansion des intérêts maritimes de l’Etat hébreu. Un choix dicté par les découvertes de gaz en Méditerranée orientale mais aussi par d’autres besoins vitaux du pays. Israël vit grâce au commerce maritime, puisque le commerce terrestre est pratiquement impossible depuis des années en raison des relations avec les voisins. Le port de Haïfa gère environ la moitié des importations israéliennes, 43% passent par Ashdod et un peu moins de 4% des importations de l’État juif atteignent Eilat. En outre, les usines de dessalement jouent un rôle central dans l’approvisionnement en eau, ce qui fait de l’accès à la mer et de la sécurité pratiquement un pilier de l’existence de l’État d’Israël.

Cette expansion des intérêts d’Israël vers la mer correspond également à une augmentation des dangers provenant des eaux qui baignent le pays. Des menaces impliquant non seulement les plates-formes gazières, mais aussi les gazoducs, les câbles sous-marins et les principales voies de communication par eau, jusqu’à la possibilité que les attaques des rivaux historiques d’Israël arrivent directement de la mer. Le Moyen-Orient, qui ces dernières décennies semblait s’orienter vers une guerre terrestre ou aérienne, a ainsi également découvert le monde naval, ses immenses ressources et, inévitablement, le risque de conflits dans les eaux de la Méditerranée, de la mer Rouge et le Golfe persique.

S’il s’agit de l’évolution du Moyen-Orient, il n’est donc pas étonnant qu’Israël ait précisément visé la mer. Et le signal arrivé ces dernières semaines de l’Etat juif est très clair: avec l’arrivée à Haïfa de la nouvelle corvette de classe Sa’ar 6, Ins Magen, Israël a en effet entamé un renforcement de la flotte qui vise non plus à éviter toute attaque de la mer ou aux infrastructures présentes en mer, mais qui a également un objectif supplémentaire, celui d’améliorer les capacités d’attaque de la mer vers la terre. Fondamentalement, comme l’explique une étude du Centre «Besa», les nouvelles classes Sa’ar 6 sont le symbole d’une nouvelle doctrine stratégique d’Israël.

Israël opte donc pour deux voies. D’une part, les F-35, qui dans la version israélienne ont pour objectif de conférer à Jérusalem la suprématie de la zone sur le Moyen-Orient. D’autre part, l’objectif israélien est aussi de permettre à la marine de défendre les intérêts stratégiques en mer, d’entrer dans la course au réarmement impliquant toute la Méditerranée et de pouvoir frapper les avant-postes ennemis sur les côtes. Un choix également dicté par des besoins tactiques: le Hezbollah, le Jihad islamique, le Hamas mais les mêmes Iraniens présents en Syrie sont tous situés soit sur la côte du Levant, du Liban à la bande de Gaza, soit juste un peu plus loin à l’intérieur du territoire syrien. Tous les objectifs qu’Israël pourrait ainsi atteindre par voie maritime, évitant l’escalade terrestre.

Si frapper des cibles en territoire ennemi reste un pilier de la stratégie militaire israélienne – démontré par les raids continus dans les cieux syrien et libanais, mais aussi par certains vols menés jusqu’en Irak – le cœur de la stratégie israélienne est désormais aussi de protéger ce qui peut se produire sur son territoire et dans ses eaux. Pour cette raison, les corvettes de classe Sa’ar 6 ont également été équipées de deux systèmes de défense aérienne d’une importance particulière, l’Iron Dome et le Barak 8, des systèmes de guerre électronique parmi les plus modernes au monde, des radars pour contrôler tout type de mouvements suspects et intercepter les missiles lancés contre des plates-formes offshore mais aussi contre des cibles au sol. Le tout avec des systèmes israéliens: «seul» le navire est entièrement fabriqué en Allemagne.

En substance, la nouvelle doctrine israélienne stipule que le navire n’est plus un moyen de combattre un autre navire, mais un système d’armes complexe qui peut frapper et protéger à la fois en mer et sur terre. Un thème qui n’est pas seulement opérationnel, mais qui change radicalement la stratégie d’un pays. Il modifie les investissements de guerre, les objectifs diplomatiques, les choix dans les domaines économique et industriel et oriente également les nouveaux choix stratégiques d’Israël. L’engagement pour la mer équivaut à un engagement renouvelé non seulement en Méditerranée, mais aussi en mer Rouge et dans le golfe Persique. La guerre qui était auparavant représentée par les attaques aériennes et terrestres peut désormais être également menée depuis la mer, impliquant ainsi plus de zones de conflit, plus de cibles et plus d’ennemis. Et cela démontre également une nouvelle vision du Moyen-Orient lui-même par Israël, qui à ce stade considère la mer comme un nouveau champ de bataille.

Cela signifie clairement aussi, revoir les plans stratégiques des autres forces impliquées dans la région, qui changent déjà leurs objectifs et leurs capacités opérationnelles par hasard. La nouvelle doctrine israélienne nécessite avant tout une réflexion sur l’Iran, qui jusqu’à présent a eu une attention continue vers les eaux du golfe Persique, d’Ormuz et du golfe d’Aden, mais avec un regard de protection des grands navires ou du contrôle du trafic marchand et pétrolier. La défense de Téhéran en mer était principalement orientée vers les «essaims» des petits et nombreux bateaux Pasdaran, des capacités de missiles et de l’exploitation des forces spéciales. Le tout avec le corollaire de pouvoir contrôler Ormuz et le trafic vers le Yémen. Un discours qui vaut également pour le Hezbollah, qui devra revoir les plans de défense des sites de missiles s’ils sont trop proches des côtes, donc découverts face à une attaque venant de la Méditerranée. Et il en va de même pour l’Égypte et la Turquie, qui, bien que possédant des flottes supérieures en nombre et en expérience à celle d’Israël, savent maintenant qu’ils devront également faire face à un élément de plus dans les eaux déjà bouillantes du Levant. La mer qui intéresse Israël, étant donné que le projet de gazoduc Est-Med passe par ces fonds marins, ainsi que les câbles sous-marins du réseau Internet qui sont aujourd’hui l’une des principales pierres angulaires de toute stratégie nationale.

Lorenzo Vita. (Inside Over)

(Photo-Inside Over)