(Rome 28 décembre 2020). Demain, Londres et Ankara signeront un accord commercial post-Brexit. C’est le «Global Britain»: les affaires d’abord, la politique étrangère viendra d’elle-même. Gardez un œil sur la Méditerranée et la Libye …
Paix conclue entre Boris Johnson et Recep Tayyip Erdogan ? Il y a quatre ans, le premier ministre britannique, alors chef du Brexit, a remporté un concours de l’hebdomadaire Spectator (dont il était rédacteur en chef entre 1999 et 2005) pour « le poème le plus offensant » sur le président turc avec une histoire dans laquelle il le définissait comme « un onaniste qui aime avoir des relations sexuelles avec des chèvres ».
Les tensions entre les deux – même les plus récentes sur la Méditerranée orientale – semblent être derrière nous. En effet, Ankara est sur le point de devenir la première capitale à signer un accord de libre-échange avec Londres après la conclusion de l’accord post Brexit avec l’Union européenne. Demain, en effet, le Royaume-Uni et la Turquie signeront un accord qui devrait plus ou moins reproduire celui déjà en vigueur entre la Turquie et l’Union européenne et couvrirait des échanges d’une valeur de 19 milliards de livres en 2019 (plus de 21 milliards d’euros).
COMMERCE ENTRE LES DEUX PAYS
Comme le rappelle l’Agence Nova, le Royaume-Uni est le deuxième marché de destination des exportations turques, mais le régime d’union douanière qu’Ankara partageait avec l’Union européenne n’a pas permis à l’accord d’être signé avant qu’un autre (l’actuel, ndlr) accord ne soit conclu avec Bruxelles. La ministre turc du Commerce, Ruhsar Pekcan, a confirmé dimanche qu’un projet d’accord (appelé «continuité» par le Financial Times) était «prêt à être signé». Son homologue britannique Elizabeth Truss, a réaffirmé que l’accord « produira la certitude pour des milliers d’emplois au Royaume-Uni dans les secteurs de la fabrication, de l’automobile et de l’acier ».
LA RELATION LONDRES-ANKARA …
Il ne semble pas y avoir de place à Londres pour les inquiétudes des dirigeants européens concernant l’autoritarisme croissant dans leur pays et la politique étrangère de plus en plus agressive du dirigeant turc. Un responsable britannique cité par le Financial Times a parlé d’une approche « pragmatique » avec la Turquie, ajoutant qu’un accord de libre-échange mis à jour serait « gagnant-gagnant ».
… ET LA MÉDITERRANÉE
Patrick Wintour, correspondant diplomatique du Guardian, a inclus le dossier turc – comme celui de la Libye – parmi les dossiers sur lesquels le Royaume-Uni a lentement trahi ses promesses de resserrement des liens sécuritaires avec l’Union européenne. Dans le cas du forage gazier de la Turquie en Méditerranée orientale, l’Union européenne a présenté certaines sanctions et pourrait en présenter d’autres en mars; le Royaume-Uni, en revanche, est resté au-dessus des parties. Il a fait de même en Libye, où il a été décisif dans la révolution de 2011: il a laissé à l’Union européenne le dossier des migrants et celui contenant les sanctions pour violations par la Turquie de l’embargo sur les armes des Nations Unies.
CE QUI PEUT CHANGER POUR L’ITALIE
Londres essaie de bouger de façon indépendante depuis des mois en se préparant au « Global Britain »: business first (affaires d’abord), convaincue que la politique étrangère viendra d’elle-même. Et il n’échappe pas aux observateurs que la Turquie soit le principal soutien militaire du gouvernement d’accord national libyen dirigé par Fayez Al Serraj. Le tout alors que la France tente d’exploiter les espaces et d’utiliser l’Égypte par rapport à l’Italie sur la Méditerranée. Comment le nouveau sentiment entre Ankara et Londres (qui a toujours entretenu d’excellentes relations avec le « Libyan Sparta » Misrata, dont le représentant, le vice-Premier ministre Ahmed Maitig, a été au cœur des derniers développements dans la région) affectera-t-il l’Italie ? Difficile à prévoir. Il est possible, cependant, que l’approche « Global Britain » puisse également signifier de nouveaux équilibres en Libye: le Royaume-Uni et l’Allemagne avec la Turquie aux côtés de Tripoli; La France et la Russie font équipe avec Benghazi.
Gabriele Carrer. (Les Fourmis)