(Rome 27 novembre 2020). Le directeur du programme nucléaire iranien et membre des Gardes de la Révolution islamique, Mohsen Fakhrizadeh-Mahabadi, a été tué dans la province de Damavand, près de Téhéran, lors d’une fusillade.
La nouvelle a d’abord été rapportée par les agences officielles iraniennes, qui ont signalé une fusillade, des assaillants inconnus et une hospitalisation d’urgence. Puis il a été confirmé par les autorités iraniennes, avec le commandant en chef des pasdaran Hossein Salami, publiant un tweet sur la mort de Fakhrizadeh et en parlant du meurtre de « scientifiques nucléaires », donc au pluriel, commis « pour empêcher l’Iran d’accéder à la science moderne ». Ligne également partagée par le ministère de la Défense de la République islamique. Dans un communiqué publié sur le site Internet du ministère, la Défense iranienne parle de « terroristes » qui ont attaqué le véhicule dans lequel le physicien voyageait, escorté. Le ministère parle, avec emphase mais aussi avec une signification politique précise, de «martyre», écrit Lorenzo Vita dans «Inside Over».
Fakhrizadeh était largement considéré comme le grand architecte derrière le programme nucléaire iranien. C’est lui qui a dirigé le plan secret Amad («Hope» en persan), qui pour Téhéran était un programme de développement énergétique pacifique tandis que pour Israël et de nombreux services de renseignement occidentaux, il s’agissait d’un programme de guerre. L’AIEA s’est toujours souvenue que le programme Amad avait pris fin au début des années 2000. Mais ces explications n’avaient jamais trouvé une grande acceptation en Israël, à tel point que le gouvernement de Benyamin Netanyahu a toujours eu le physicien iranien comme l’une des principales cibles de sa liste noire.
Une liste noire qui vient désormais à l’esprit chez beaucoup, notamment en Iran, qui pointent justement vers une implication présumée du Mossad. Implication manifestement non confirmée, alors qu’Israël reste silencieux face aux accusations sur Fakhrizadeh, demandant de « se souvenir de ce nom ». La condamnation a déjà été prononcée par le Premier ministre israélien lorsqu’il a lui-même confirmé au monde que l’agence secrète israélienne, le Mossad, avait réussi à s’introduire dans l’un des gisements les plus importants de la capitale iranienne en accédant aux archives du programme nucléaire. Une archive qui aurait révélé, selon Netanyahu, que les accusations portées par Israël et les États-Unis sur le programme nucléaire iranien étaient valables: ce plan était là pour avoir un but de guerre, dissimulé pour empêcher l’Agence atomique de condamner le pays. Selon Netnayahu, Amad n’était en aucun cas un programme pacifique mais un plan secret visant à produire des armes nucléaires pour devenir inattaquables ou à frapper ses ennemis au Moyen-Orient. «Souvenez-vous de ce nom, Fakhrizadeh», a déclaré Netanyahu. Et maintenant, ces mots sonnent comme un sinistre présage après la fusillade près de Téhéran.
Israël est-il derrière cette mort ? Impossible pour le moment d’avoir une quelconque information ou certitude. Ce qui est certain, c’est qu’Israël n’a jamais voulu nier complètement ses opérations secrètes. Une sorte de politique qui sert aussi de propagande: ne jamais nier les actions dont il est accusé, laisse Israël avec une sorte de renommée sinistre qui terrifie ses adversaires. Et après tout, les assassinats ciblés sont l’une des armes adoptées par les services du monde entier depuis de nombreuses années. Et de nombreux morts illustres à Téhéran sont attribuables à l’action des agents secrets de l’Etat Hébreu. Aussi pour les accusations portées par les Iraniens eux-mêmes, qui à plusieurs reprises pour la politique intérieure, ont exploité ces meurtres pour accuser l’ennemi de tous les temps.
La mort de Fakhrizadeh fait donc partie d’une longue liste de morts suspectes ayant impliqué le programme nucléaire de la République islamique d’Iran. En janvier 2010, Massoud Ali Mohammadi, professeur de physique des particules à Téhéran, est décédé des suites de l’explosion d’une moto près de son domicile. Le doigt a aussitôt été pointé vers Israël et les Etats-Unis, accusés, quelques mois plus tôt, d’avoir enlevé Shahram Amiri, un scientifique nucléaire disparu en mai 2009. En novembre 2010, un autre scientifique, Majid Shahriari, a été tué. En novembre 2011, cependant, lors de l’explosion d’un dépôt d’armes appartenant aux Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), le général Hassan Moghadam, chef des programmes d’armement du Pasdaran, a été tué – parmi près de 40 victimes. Une série de morts sans trace de la main qui les a frappés. Ainsi que les explosions qui cet été ont provoqué des incendies et des explosions mystérieuses dans les différents sites du programme nucléaire iranien, désaffectés ou encore utilisés.