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Analyse / Liban: accusé de détenir des ADM, le Hezbollah se moque du Président et menace le Patriarche

(Montréal, 27 août 2020) A peine la presse s’est-elle emparée de l’interview accordée par le président Michel Aoun à « Paris Match« , dans laquelle il défend le Hezbollah et l’innocente, et dément toute implication de ses proches dans la corruption, que le Parti de Dieu a repris la déstabilisation du Liban et la démolition de l’Etat. Dans un contexte marqué par une très forte tension, des miliciens de Hassan Nasrallah ont en effet provoqué de violents accrochages, à l’arme lourde, à Khaldé, au sud de Beyrouth. Ce jeudi soir, on déplore déjà au moins trois morts et plusieurs blessés.

Les accrochages ont opposé des groupes armés chiites – bien que le mouvement Amal ait démenti toute implication – et des résidents sunnites quand ces derniers ont tenté d’empêcher les premiers de déployer des banderoles à l’occasion de la fête de Ashoura. Comme ils l’avaient fait dans les régions sunnites détruites et conquises en Syrie, les miliciens du Hezbollah cherchent non seulement à s’imposer et à terroriser la population pour la soumettre, mais surtout à humilier les sunnites qui n’ont toujours pas oublié l’humiliation subie en mai 2008.

Selon les dernières informations en provenance de Beyrouth, la situation semble dégénérer malgré le déploiement en force de l’armée libanaise pour s’interposer entre les deux camps. Mais la tension se répand plus au sud, vers Naahmé, où des sunnites ont coupé la route côtière vers le sud dans les deux sens, ainsi qu’à Beyrouth et dans la région du Akkar (Nord).

Explosion du port: des composants d’ADM ?

Selon plusieurs sources, cette tension était prévisible, car le Hezbollah cherche à détourner l’attention de l’opinion publique à travers une « mini-guerre civile contrôlée », destinée à faire oublier l’explosion apocalyptique du port (du 04 août) et occulter son rôle dans ce crime du siècle. En effet, après la découverte de tunnels sous le port, et les révélations sur des galeries souterraines sous la ville de Beyrouth, dans le Sud et dans la Montagne, des informations très sérieuses font état de nouvelles découvertes particulièrement inquiétantes qui embarrasseraient le Hezbollah et son parrain iranien.

En effet, les enquêteurs ont noté la présence d’importantes quantités d’acide picrique et d’autres produits chimiques qui peuvent servir à fabriquer du combustible à missiles et/ou de produits explosifs beaucoup plus puissants que le TNT ou le C4. Certains évoquent des composants d’Armes de destructions massives, livrés par l’Iran pour un assemblage au Liban loin des yeux de l’AIEA et des Américains. Ce qui explique le rejet par le Liban officiel de toute idée d’une enquête internationale, alors que la population, plusieurs partis politiques et la diaspora libanaise notamment aux Etats-Unis, particulièrement active, persistent à la réclamer. Une « mini-guerre civile devient ainsi une planche de salut pour le Hezbollah« , affirme un observateur libanais. D’autant plus qu’à Washington, des voix s’élèvent pour demander le déploiement de la FINUL au port, à l’aéroport et sur la frontière avec la Syrie pour mieux appliquer la résolution 1559. Or, un tel scénario serait un arrêt de mort du Hezbollah.

L’alliance CPL-Hezbollah: de l’opportunisme à la conviction!

Selon un ancien cadre du Courant Patriotique Libre (CPL) qui est entré en dissidence, « le CPL, Gebran Bassil et le président Michel Aoun sont désormais de véritables marionnettes entre les mains de Hassan Nasrallah« . Il regrette que leur alliance qui devait être opportuniste, pour permettre à Michel Aoun de devenir président, s’est transformée en une alliance idéologique mortifère pour le Liban.

Aussi, le Hezbollah redoute l’effritement de la popularité du CPL et exploite toutes les opportunités pour retourner l’opinion publique chrétienne contre le Patriarche Bechara Raï, devenu lui « la nouvelle icône des souverainistes et le défenseur de la neutralité du Liban », seule à même de le sauver du naufrage et de le libérer des griffes du Parti de Dieu.

Daech, un outil de travail du Hezbollah

De fait, Bechara Raï n’a rien inventé. Il a juste repris le combat de ses prédécesseurs à la tête de l’Eglise maronite, qui ont fondé le Liban moderne, défendu sa souveraineté, sa liberté et qui ont historiquement lié le sort du Liban à celui de la communauté. Après plusieurs années de patience, Bechara Raï peine à présent à contenir la colère de ses ouailles face à l’incompétence des dirigeants, à leur complicité avec le Hezbollah et à leur grande corruption. Il a donc décidé de reprendre le bâton du berger, de veiller sur son troupeau, et de sauver le pays. Mais dire la vérité a un prix. Plusieurs sources médiatiques libanaises craignent pour la sécurité du Patriarche, d’autant plus que la propagande du Hezbollah est déjà entrée en action et fait état d’une menace de Daech.

Aussi, les médias du Hezbollah et du CPL exploite l’homélie du père Danny Nouh, un curé libanais né en Australie, pour convaincre les chrétiens de ne pas s’engager dans les partis politiques. Ils accusent également le Patriarche d’avoir menacé de suspendre le prêtre à la demande du souverainiste Samir Geagea, chef des Forces Libanaises, critiqué par Nouh. Bien que ce dernier ait présenté des excuses et affirmé avoir été mal compris, et bien que Geagea ait mis les points sur les « i » à travers une vidéo adressé au curé australien, le Hezbollah et le CPL persistent à vouloir diviser, pour mieux régner.

Si aujourd’hui, il est peu probable d’assister à un scénario similaire à celui qui avait marqué la communauté chrétienne du temps du Patriarche Sfeir, notamment entre 1989 et 1990, il est fort à parier que le Patriarche Raï réussisse à reproduire la politique souverainiste de son prédécesseur, notamment entre 2000 et 2005. C’est ce qui alimente la crainte d’une réaction violente du Hezbollah à l’instar de ce qu’il avait commis depuis octobre 2004 (tentative d’assassinat de Marwane Hamadé) jusqu’à cette fin août 2020 (accrochages de Khaldé) en passant par les assassinats de Rafic Hariri, Gebran Tueini, Antoine Ghanem, Georges Haoui, Samer Hanna, Wissam Al-Hassan, Wissam Eïd, François Hage, Walid Eïdo, Pierre Gemayel, Mohamed Chatah, Khaled Salmane… entre autres personnalités souverainistes.

Le comportement du Hezbollah démarque et met à nu Michel Aoun et Gebran Bassil et confirme les avoir exploités pour régner. Pourront-ils échapper à son emprise et sauver la face, à défaut de sauver le pays? Rien n’est moins sûr car ils semblent lui être totalement soumis par conviction.

Sanaa T.

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