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Après le séisme du 4 août, le Liban vit au rythme des secousses secondaires. Les révolutionnaires sonnent le glas de l’occupation iranienne

(Montréal, Beyrouth, 08 août 2020). Alors que le Liban ne s’est pas encore relevé du séisme qui a terrassé Beyrouth le 04 août, les secousses secondaires se multiplient et, selon des sources libanaises, risquent d’emporter le gouvernement dans les prochaines heures ou au plus tard au cours des semaines qui nous séparent du 1er septembre, date de la prochaine visite du président français à Beyrouth pour constater la réalité des réformes promises par le président Michel Aoun.

Les révolutionnaires dopés à la colère « rouge sang »

Le séisme qu’a provoqué l’explosion du port a certes ébranlé tout le pays, mais pas la détermination de la population à en finir avec le système politique corrompu et responsable de la descente aux enfers du Pays du Cèdre. La mobilisation de ce samedi en atteste. Des milliers de Libanais manifestent en ce moment et, malgré le cordon de sécurité et le déploiement des forces anti-émeutes, les révolutionnaires ont investi le siège du ministère des Affaires étrangères, décroché et piétiné le portrait du président de la République, et déployé sur la place des Martyrs des potences pour pendre symboliquement les responsables politiques. En tête de la mobilisation, des officiers à la retraite affirment que « l’occupation du ministère des Affaires étrangères et sa transformation en QG du Hirak est un message adressé à la communauté internationale pour lui rappeler que le Liban est occupé depuis 30 ans par une mafia politico-financière, et qu’il était temps que le monde libre nous en débarrasse ». La détermination de la population est aussi dopée par la démission des députés du Parti Kataëb, du député Marwan Hamadé, et de la député Paula Yacoubian. Samir Geagea, chef des Forces libanaises, menace aussi de demander à ses 15 députés de démissionner, à tout moment. La visite surprise de Samir Geagea, à Achrafieh, cet après-midi, semble en effet avoir surchauffé les esprits des manifestants. Selon les dernières informations, ils auraient investi d’autres ministères (Justice, Economie, Environnement) et le siège de l’association des banques. Les récolutionnaires parlent désormais de ministères libérés.

 

L’occupation iranienne en question

Si ces officiers prétendent dire tout haut ce que pensent les Libanais tout bas, ils n’osent cependant pas dénoncer l’occupation du Liban par l’Iran, à travers le Hezbollah. Pourtant, les Libanais osent dénoncer cette occupation et redoutent ses conséquences. Ils craignent d’autres catastrophes liées au stockage de munitions et d’armes par le Hezbollah dans des zones résidentielles. Le premier ministre israélien avait cité plusieurs sites de stockage, dont le port (hangar N° 12, qui a explosé), et dans le périmètre de l’aéroport. Le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Gebran Bassil, s’était alors chargé de démentir les accusations israéliennes et inocenter le Hezbollah, son allié. Il avait organisé une visite guidée aux ambassadeurs occidentaux, en bus, pour constater l’inexistence de missiles.

Les manifestants tentent d’investir le parlement ils sont violemment réprimés par la « police du Parlement », qui n’est que la « milice de Nabih Berri ». Selo nla Croix Rouge libanaise, le bilan des affrontements devant le parlement est de 117 blessés, dont 55 sont hospitalisés. Un policier anti-émeute est mort en chutant dans la cage d’un ascenseur.

Selon un officier à la retraite de l’armée libanaise, « le séisme du 04 août et les secousses qui lui succèdent doivent servir de catalyseur aux révolutionnaires du 17 octobre (le Hirak) pour renverser le système ». Notre source se veut ainsi positive et optimiste, et ajoute que « la tension qui augmente tous les jours d’un cran, à Beyrouth, et la violence des événements qui s’y déroulent ce samedi, sont indispensables pour débloquer la situation. Le Liban est malade. Il est gangréné et le seul remède est désormais l’amputation ». C’est aussi l’avis d’un ancien député, qui affirme que « quand un abcès ne réagit plus aux antibiotiques, il faut le crever ».

Notre source ajoute que « la solution de plus en plus évoquée porte sur la démission du gouvernement et la formation d’un cabinet militaire restreint provisoire, chargé d’organiser de nouvelles élections législatives ». Notre interlocuteur estime que « le Hezbollah n’est plus aujourd’hui en mesure d’empêcher un tel scénario. Il est en difficulté politique, financière et militaire et mis à nu par l’explosion du port. Car, quelle que soit l’origine de l’explosion et l’issue de l’enquête, il a une part importante de responsabilité. Tous les indices convergent vers la présence d’armes, de munitions et d’explosifs dans des entrepôts gérés par le Parti de Dieu dans l’enceinte du port ». L’officier précise que « de ce fait, la formation d’un gouvernement militaire provisoire permettrait de résorber la colère populaire et de restaurer la confiance à l’intérieur du pays, mais surtout avec les pays donateurs ».

Les semaines de tous les dangers

Mais en attendant la concrétisation de cette solution, le Liban est ouvert à tous les risques. Une enquête indépendante, sérieuse et transparente sur les origines de l’explosion du port sera sans doute rejetée par le Hezbollah. D’où la nécessité de confier l’enquête à une commission internationale. Mais justement, le président Aoun le refuse au nom de la souveraineté. L’ancien ministre de la Justice et ancien commandant des Forces de Sécurité Intérieure, Ashraf Rifi, a affirmé ce matin sur la télévision Al-Hadath, que « les enquêteurs ont peur pour leur sécurité et celle de leurs familles. Craignant que son rôle dans l’assassinat de Rafic Hariri soit révélé, le Hezbollah a assassiné deux principaux responsables de l’enquête, Wissam Eïd et Wissam Al-Hassan, et a tenté d’assassiner Samir Chehadé ».

La gravité de la situation est proportionnelle à l’irresponsabilité des dirigeants, à la volonté de la population de renverser le système et de se libérer du contrôle du Hezbollah, et à la détermination de ce dernier à prendre le Liban en otage pour le compte de la République islamique d’Iran. Le glas de cette occupation semble avoir sonné et la réaction du Hezbollah risque d’être violente et suicidaire.

Sanaa T. et Léa P.

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