Liban: une lettre ouverte qui met des points sur les i. L’espoir n’est pas mort

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(Roma-16 juillet 2020). «Très cher Dr Geagea (oui très cher)».

Après tant de moments de réflexions personnelles ainsi qu’après plusieurs discussions et analyses avec des dizaines d’anciens combattants ou de personnes profondément attachés aux principes et valeurs des Forces libanaises, j’ai senti que je suis dans l’obligation de vous adresser ces quelques mots.

En premier lieu, je vous prie de bien vouloir excuser ma franchise crue dans ce texte.

Nous avons vécu au temps de Jean-Paul II qui nous a appris à ne pas avoir peur. « N’ayez pas peur » : ce sont ces trois mots qui ont été le prélude à la chute de l’Empire soviétique.

Très cher Dr Geagea, vu que vous considérez que le patriarche Youhanna Maroun était le premier résistant maronite (comme vous l’avez mentionné à plusieurs reprises), vous êtes donc son successeur. Vous êtes de même le successeur de feu le président Bachir Gemayel dont les discours et paroles restent bien ancrés dans nos mémoires collectives jusqu’à ce jour. Par conséquent, les objectifs et attentes du peuple libre dépassent de loin vos actuelles actions. Vous voyez le peuple libre du Liban subir des épreuves sans que vos actes soient à la hauteur des circonstances délicates et dangereuses.

Votre rôle et votre position vous imposent d’agir différemment ou même beaucoup plus fermement. Après 15 ans de guerre et plus de 100 000 morts, dont 10 000 martyrs des rangs des Forces libanaises, vous ne pouvez pas assister à la fin de l’existence de ce pays à son 100e anniversaire sans aucune réaction de votre part. Est-ce possible que nous disparaissions comme entité libre de cet Orient après tant de luttes et de sacrifices depuis plus de 1.600 ans ? Le Liban est déclaré mort cliniquement. Du moins le Liban qu’on connaissait, pour lequel des milliers de jeunes ont combattu pour le sauvegarder. L’expression politiquement libre des chrétiens n’est plus qu’une chimère. Vous avez conclu le deal du siècle fatidique pour élire le général Aoun, président de la République. Quelle erreur monumentale. Et l’histoire ne pardonne pas.

Et maintenant, vous ne voulez plus discuter des armes du Hezbollah. Vous déclarez que ce n’est pas le moment de le faire. Vous dites que quelques mesures ou réformes prises d’ici ou de là peuvent redresser la situation économique, sociale, financière et politique du pays.

Peut-on dire que c’est une insulte à notre intelligence ?

– Vous ne voyez pas les tentacules du parti non pas pro-iranien mais iranien du pays qui détient tout ce qui reste comme ressources du pays ?

– Vous ne voyez pas que l’existence d’une milice armée qui prend ses ordres d’un autre pays est la cause principale de tous les maux du pays ?

– Vous ne voyez pas qu’aucune de vos remarques ou de celles de votre parti n’est même plus entendue ou prise en considération ? (Le dernier exemple en date qui a blessé à vif l’honneur des maronites est la dispute sur les terrains de Lassa. Quelle humiliation ! ) ?

– Vous ne voyez pas que sayyed Hassan, notre guide suprême, décide et dicte les moindres actions du gouvernement du pays du Cèdre (sauf si vous ne considérez plus que les cèdres font toujours partie du Liban libre) ?

– Vous n’êtes pas mis au courant par vos cadres et conseillers que les vrais résistants ne peuvent plus supporter les exactions et provocations qu’ils subissent quotidiennement ?

– Ne voyez-vous pas que nous vivons une époque totalement différente de celle que nous avons connue durant notre glorieuse Résistance des années 1975-1990, durant laquelle le monde entier, arabe et occidental, était ligué contre nous, alors qu’actuellement ce même monde est ligué contre nos ennemis ?

– Pourquoi donc cette impuissance de votre part ?

Nous sommes le noyau dur de ce pays et nous sommes prêts à le rester mais que faites-vous pour préserver ce droit sacré ?

Une affiche vous représentant dans votre cellule mentionnant «4.114 jours, et la volonté d’affronter n’a pas changé» a attiré mon attention l’autre jour. Il faut que vous sachiez que nous comptons pleinement sur cette volonté car dans quelques jours, même pas quelques semaines, le Liban n’existera plus et ce serait vraiment malheureux de se désister aussi facilement. Le combat s’arrêtera faute de combattants.

Par ailleurs, je crois absolument que vous allez resurgir pour protéger ce Liban que nous voulons, et soyez sûr et certain que des milliers de jeunes et moins jeunes seront encore prêts à verser leur sang pour ce Liban.

En conclusion, je pense au traité de Munich que Chamberlain a signé avec Hitler croyant éviter la guerre, et Churchill qui lui dit : « Monsieur, vous avez voulu éviter la guerre au prix du déshonneur. Vous avez le déshonneur et vous aurez la guerre. »

Il faut bien souligner que loin de nous l’idée de vouloir la guerre, il est impératif que nous soyons prêts pour pouvoir dissuader ceux qui ne veulent que la guerre.

Sincèrement,

(OLJ/Par Hortense BEJJANI). (L’article)