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Le Liban peut-il éviter la banqueroute ?

Selon des informations crédibles, la Banque du Liban (Banque centrale) dispose de près de 8 milliards de dollars de réserves mobilisables, alors que son Gouverneur les situe autour de 30 milliards. Qui dit vrai ? La crise du secteur bancaire et les mesures restrictives prises par les établissements semblent démentir le Gouverneur. Les Libanais retiennent leur souffle en attendant la faillite de leur Etat.

Selon des informations issues du secteur bancaire libanais, la Banque centrale ne dispose que de 8 milliards de dollars de réserves disponibles, qui doivent servir à payer 2,3 milliards de créances (service de la dette, Eurobonds…) dans les semaines à venir. Le Liban a en effet trois échéances à respecter avant juin prochain. Après le versement de ces montants, la Banque centrale ne disposerait que de 5,7 milliards, un montant insignifiant et insuffisant pour financer les importations de fuel (pour l’électricité), les carburants, les médicaments et autres équipements liés à la santé, et les produits alimentaires. Autant dire que le Liban frôle la faillite à très court terme.

C’est le résultat d’une politique irresponsable menée par la classe politique depuis trois décennies, malgré les mises en garde et les alertes lancées régulièrement par les économistes, mais aussi par certains partis politiques, dont notamment les Forces Libanaises. Depuis 1994, les gouvernements successifs avaient décidé de soutenir la Livre libanaise face au dollar et de maintenir la parité du dollar à 1507 Livres. Or, cette décision a été très coûteuse pour l’économie libanaise. A cela se sont ajoutés le problème de la dette publique qui dépasse désormais 150% du PIB, avec un service de la dette de près de 5 milliards de dollars par an, et la corruption devenue un sport national.

Ce cercle infernal s’est accéléré grâce à la complicité des partis proches de la Syrie, comme le Hezbollah et le Courant Patriotique Libre, qui ont autorisé et cautionné l’ouverture de la frontière pour permettre au régime de Bachar Al-Assad de contourner les sanctions et l’embargos à travers le Liban, et au détriment de son économie. Le Liban est ainsi devenu le poumon économique de Damas. Pire encore, le président Michel Aoun a naturalisé plusieurs hommes d’affaires syriens proches d’Assad qui avaient placé leurs fortunes dans les banques libanaises. Au cours de l’été 2019, ces derniers ainsi que le Hezbollah, qui cherchait à mettre ses avoirs à l’abri des sanctions américaines, ont rapatrié vers la Syrie entre 4 et 7 milliards de dollars. Ce qui a provoqué l’effondrement de la Jammal Trust Bank, l’établissement proche du Hezbollah, victime de sanctions américaines. Depuis cet épisode, la Livre s’est effondrée. Le Dollar s’échange entre 2.100 et 2.400 Livres selon les bureaux de change, d’autant plus que la Banque du Liban avait limité les retraits en devises et les transferts vers l’étranger pour protéger les réserves.

Avec l’éclatement de la révolution le 17 octobre 2019, c’est tout le système politique, économique et financier qui est mis à nu, et l’ampleur de la corruption est révélée au grand jour. La crise a contraint les banques à réduire encore davantage les retraits, désormais limités à 150 dollars par personne par quinzaine de jours. Selon plusieurs économistes, le Liban doit racler les fonds de caisses pour pourvoir honorer les prochaines échéances, mais n’aura plus les moyens de subvenir à ses besoins élémentaires dans quelques semaines. Va-t-il renégocier un rééchelonnement de sa dette ? Se placera-t-il sous la coupe du FMI ? Quelle que soit l’option retenue, le système libanais s’effondrera comme un château de carte. C’est l’heure de la facture et les tous les complices qui ont mené le pays à la ruine devront rendre des comptes.

Sanaa T.

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