(Rome, 17 décembre 2025). Vladimir Poutine durcit le ton sur l’Ukraine et avertit qu’en cas d’échec des négociations avec Washington, Moscou est prêt à poursuivre la guerre jusqu’en 2026 pour s’emparer de l’ensemble du Donbass et élargir une zone de sécurité à plusieurs régions ukrainiennes. Le président russe revendique une supériorité militaire et rejette toute solution pacifique avec l’actuelle «élite européenne»
Alors que l’administration Trump fait pression sur Kiev pour qu’elle accepte un compromis qui amènerait les Russes à la table des négociations, le président russe Vladimir Poutine a annoncé être prêt à poursuivre les combats en 2026 pour conquérir l’ensemble du Donbass et créer une zone de sécurité dans trois autres régions ukrainiennes au cas où les négociations de paix avec les États-Unis échoueraient. «Nous n’avons pas déclenché la guerre en 2022… C’est l’Occident qui l’a déclenchée. Nous essayons seulement d’y mettre fin», a déclaré Poutine lors d’une rencontre avec les chefs des forces armées russes et du ministère de la Défense, écrit Marta Allevato dans l’agence italienne «AGI».
Le chef du Kremlin a salué la volonté du président américain Donald Trump de parvenir à une solution négociée au conflit, mais a jugé «improbable» que les questions en suspens puissent être résolues «de manière pacifique» avec l’élite européenne actuelle. Et à l’égard de l’Union européenne, Poutine a réservé des propos particulièrement agressifs, confrontée à la décision cruciale d’utiliser ou non les avoirs russes gelés pour soutenir Kiev : «Les porcelets européens» étaient persuadés de pouvoir détruire rapidement la Russie et en tirer profit, mais ils ont échoué. «Ils se sont immédiatement rangés aux côtés de l’administration Biden dans l’espoir de profiter de l’effondrement de notre pays», a dénoncé le président russe.
Les positions de Kiev et de Moscou
Bien qu’il n’ait pas fait référence aux pourparlers de cette semaine à Berlin, Poutine a répondu directement à l’affirmation du président ukrainien Volodymyr Zelensky selon laquelle Kiev ne renoncerait pas à son territoire, ni de jure ni de facto.
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«Nous préférerions éliminer les causes profondes du conflit par la voie diplomatique. Si l’adversaire et ses soutiens étrangers refusent d’en discuter, la Russie obtiendra la libération de ses territoires historiques par la force, a-t-il assuré. Toujours en sa qualité de commandant suprême des forces armées, le Tsar a indiqué que les troupes russes avaient libéré plus de 300 localités cette année, bien que des experts indépendants estiment que ces gains représentent moins de 1 % du territoire ukrainien.
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La stratégie militaire russe
Ces dernières semaines, le chef de l’État russe a porté à un niveau record ses rencontres publiques avec les chefs militaires. Les analystes y voient une stratégie visant à convaincre Washington d’une défaite ukrainienne certaine sur le champ de bataille. Poutine a vanté les «capacités de combat élevées» des soldats russes («il n’existe pas d’armée comparable dans le monde») malgré le fait que Kiev dispose «du potentiel des pays membres du plus grand bloc politico-militaire du monde : l’OTAN». «L’année écoulée a constitué une étape importante dans la réalisation des missions de cette opération militaire spéciale. L’armée russe conserve l’initiative stratégique sur toute la ligne du front», a-t-il assuré par la suite.
Les déclarations de Belousov
Le président russe, qui tiendra sa conférence de presse de fin d’année vendredi, a assuré que Moscou continuerait d’«étendre» la zone de sécurité dans les régions ukrainiennes de Kharkiv, Dnipropetrovsk et Soumy. Dans son rapport, le ministre de la Défense, Andreï Belousov, a déclaré que les conditions étaient réunies pour que la guerre en Ukraine se poursuive jusqu’en 2026.
«Les forces de l’OTAN ont accéléré leurs préparatifs en vue d’un affrontement avec la Russie dans les années 2030. Cette politique crée les conditions d’une poursuite des opérations militaires l’année prochaine, en 2026», a-t-il averti. Belousov affirme que les forces russes «ont réduit à un tiers le potentiel militaire de l’armée ukrainienne».
Les dépenses de défense
Économiste nommé à la tête du ministère de la Défense pour gérer les vastes ressources d’un ministère miné par la corruption, Belousov a reconnu une augmentation des dépenses de défense à 7,3 % du PIB, soit un point de pourcentage de plus qu’en 2024, dont 5,1 % seront alloués aux opérations militaires. C’est la première fois que Moscou rend public son budget pour la guerre en Ukraine.
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D’ici 2026, la Russie pourrait se retrouver contrainte de financer d’importantes opérations militaires sur un front de plus de 1.000 kilomètres, où l’économie stagne et les recettes publiques ont drastiquement chuté en raison de la baisse des exportations d’hydrocarbures provoquée par les sanctions américaines.
La souveraineté russe
Quoi qu’il en soit, le président Poutine est resté ferme sur sa position. «La chose la plus importante qui soit survenue lors de cette opération militaire spéciale, c’est que la Russie a pleinement retrouvé sa souveraineté», a-t-il souligné, en rappelant qu’après la chute de l’URSS, la Russie n’a jamais été considérée comme une nation «égale» au sein de la famille des nations occidentales.
Selon les analystes, derrière le discours de souveraineté et de revanche historique, le Kremlin parie sur l’usure de l’Ukraine, la lassitude occidentale et la peur d’une escalade. Une stratégie du bras de fer permanent qui enferme l’Europe dans un face-à-face durable, et fait de la guerre non plus un moyen, mais un horizon politique.
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Le président russe, en se disant prêt à prolonger le conflit au-delà de 2025, il ferme la porte à une désescalade rapide et transforme les négociations en simple levier stratégique. Derrière l’invocation de la souveraineté retrouvée, le Kremlin assume désormais une guerre longue, coûteuse et risquée, faisant du temps et de la force militaire ses principaux arguments face à Kiev, à Washington et à l’Europe.