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La doctrine sur la guerre hybride est-elle en train d’évoluer entre l’OTAN et la Russie ?

(Rome, 02 décembre 2025). Alors que les tensions entre l’OTAN et la Russie s’intensifient, les déclarations de l’amiral Cavo Dragone sur une possible stratégie plus proactive face aux cybermenaces de Moscou ravivent le débat sur un changement de doctrine occidentale dans la guerre hybride. Entre avertissements du Kremlin, manœuvres diplomatiques autour du conflit ukrainien et nouvelles négociations internationales, le climat géopolitique semble entrer dans une phase délicate et décisive

Les propos de l’amiral Cavo Dragone, haut résponsable de l’Alliance atlantique, sur la nécessité d’une approche «proactive» face aux menaces russes, rappellent les précédents coups de force en matière de cyber-sécurité du Kremlin.

Il fallait remonter à l’époque de Mario Draghi pour retrouver un Italien recevant un concert d’éloges de la part des médias et de l’opinion publique à Kiev. Hier, le nom de l’amiral Cavo Dragone circulait sur tous les écrans. Pendant ce temps, la Floride attendait les premières impressions de la délégation ukrainienne envoyée aux États-Unis à la veille de la rencontre à Moscou entre Vladimir Poutine et l’envoyé américain Steve Witkoff. Depuis Paris, le président Zelensky a réaffirmé les conditions des négociations, résumées en quatre mots : «Pas de concessions pour Moscou». Mais Donald Trump a clairement fait savoir dans la soirée qu’il était «très optimiste», écrit Nello Scavo dans le quotidien italien «Avvenire».

La journée avait commencé par des déclarations de l’amiral Cavo Dragone, au nom de l’OTAN, au Financial Times. «Nous étudions tout… Sur le plan cybernétique, nous sommes plutôt réactifs. Être plus offensifs, voire proactifs, est une option que nous envisageons», a déclaré le président du Comité militaire de l’OTAN. Autrement dit, un changement de doctrine. Une «attaque préventive» qui pourrait être considérée comme «une action défensive», a-t-il ajouté. Une hypothèse toutefois «plus éloignée de notre façon habituelle de penser et d’agir». En d’autres termes, un message adressé à Moscou, qui a réagi par la voix de la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, qui a qualifié cette déclaration d’«acte extrêmement irresponsable, qui témoigne de la volonté de l’Alliance de continuer à avancer vers l’escalade». Pour Zakharova, il est trop facile d’y voir «une tentative délibérée de saper les efforts déployés visant à surmonter la crise ukrainienne». Enfin, un avertissement adressé à l’amiral italien : «Ceux qui tiennent de tels propos devraient être conscients des risques et des conséquences possibles, y compris pour les membres de l’Alliance eux-mêmes».

Les propos de l’amiral rappellent une série de précédents imputables au Kremlin, qui a ordonné des opérations hybrides contre des cibles occidentales durant la guerre en Ukraine. Plus précisément, des attaques et des intrusions ont été menées contre des sites gouvernementaux en Italie, en Pologne, en Lituanie, en Lettonie, en Estonie et en Allemagne. Sans oublier les tentatives de piratage des réseaux électriques en Pologne, en République tchèque et en Allemagne ont également été perpétrées. Le 24 février 2022, aux mêmes heures où était donné l’ordre d’envahir l’Ukraine, des attaques ont été lancées contre le réseau satellitaire européen. Parmi les cibles figuraient des parlements nationaux, des ministères de la Défense, des portails de santé et des aéroports. Les groupes de pirates informatiques et de cyber-terroristes impliqués se sont avérés liés à des agences contrôlées par le Kremlin.

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Hier, le président Volodymyr Zelensky est arrivé à Paris pour discuter des prochaines étapes avec Emmanuel Macron. Cette visite était prévue quelques heures seulement après des entretiens entre responsables ukrainiens et américains en Floride, dans une tentative de réécrire la proposition américaine initiale en 28 points, que Moscou avait vivement saluée. «La paix doit devenir véritablement durable. La guerre doit prendre fin au plus vite», a déclaré Zelensky, qui a salué les pourparlers en Floride avec la délégation ukrainienne, les qualifiant de «constructifs», même s’il reste «des points difficiles à régler».

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Selon certaines informations, l’administration Trump serait également disposée à céder à Poutine des portions de territoire non encore conquises militairement. Le président ukrainien souhaiterait aborder la question personnellement à la Maison Blanche. «Nos représentants rentreront en Europe dans les prochains jours et, après leur avoir parlé et avoir reçu un compte rendu complet de l’avancement des négociations, nous déciderons de la suite des opérations», a expliqué Zelensky, précisant toutefois qu’il ne souhaite pas entendre parler de concessions territoriales. Avec Macron ils ont ensuite parlé avec Premier ministre britannique Keir Starmer, l’envoyé spécial américain Steve Witkoff et Rustem Oumerov, secrétaire du Conseil ukrainien de sécurité nationale et de défense, qui dirigeait la délégation de Kiev aux États-Unis. «Nous avons convenu d’en discuter plus en détail en personne», a annoncé Zelensky, souhaitant attendre la rencontre d’aujourd’hui entre Witkoff et Poutine avant de faire tout commentaire. Mais il a également formulé une autre exigence non négociable : «Sans l’Europe, les négociations n’iront pas loin».

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L’Ukraine se trouve dans une situation de plus en plus difficile, aux prises avec le scandale de corruption qui a précédé la démission d’Andriy Yermak, principal conseiller de Zelensky. Toute hypothèse de négociation doit se mesurer aux initiatives du Kremlin, qui, ces derniers mois, est parvenu à contourner les ultimatums vides de sens de Donald Trump, gagnant du temps et du terrain sur le champ de bataille. Hier encore, cinq civils ont perdu la vie et de nombreux autres ont été blessés lors de frappes de missiles et de drones en plein jour sur la ville de Dniepr. Cette ville se situe à proximité de la région où se déroulent les combats les plus sanglants.

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Au moment où Kiev cherche désespérément des garanties et où Moscou teste les limites de l’Occident, l’allusion de l’OTAN à une posture plus offensive révèle un paysage stratégique en pleine reconfiguration. Entre pressions diplomatiques, menaces hybrides et redéfinition des lignes rouges, chaque déclaration devient un levier d’influence autant qu’un risque calculé.

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Reste à savoir si ce durcissement annoncé marquera le début d’une nouvelle phase de confrontation, ou s’il constituera l’ultime signal destiné à prévenir une escalade encore plus périlleuse.

«Les propos de l’amiral Cavo Dragone marquent un signal rare et potentiellement explosif dans un équilibre déjà fragilisé par la guerre en Ukraine et les tensions croissantes entre Washington, Moscou et les capitales européennes», nous confie une source militaire italienne. «Face à une Russie toujours plus offensive dans le champ hybride, l’OTAN laisse entrevoir un possible tournant stratégique : passer de la réaction à l’action», a-t-elle ajouté.

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