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Le plan pour instaurer la paix : ce que stipulent les 28 Points

(Rome, 22 novembre 2025). Les contours d’un accord de paix entre Washington, Moscou et Kiev se dessinent à travers un projet controversé en 28 points. Présenté comme une feuille de route pour un cessez-le-feu durable, le plan prévoit à la fois des concessions territoriales majeures à la Russie, la réintégration de Moscou dans l’économie mondiale et une garantie de sécurité sans précédent pour l’Ukraine. Entre compromis forcés, intérêts géopolitiques et calculs économiques, ce document esquisse une paix fragile où chaque camp obtient quelque chose, mais où Kiev semble payer le prix le plus fort. Reste à savoir si ces propositions trouveront un écho auprès des acteurs concernés

Il s’agit d’un plan d’armistice rédigé principalement par les Américains et les Russes, et cela se voit. Les aspirations légitimes de l’Ukraine, le pays envahi en février 2022, cèdent la place à ce que le projet de 28 points, dont le site Axios a eu un aperçu, semble être une paix «Poutine-Trump». Moscou est réhabilitée au niveau international (levée des sanctions économiques, réintégration au G8) et acquiert de facto un territoire plus vaste que celui déjà occupé, en s’emparant des régions entières de Donetsk et de Louhansk. Les États-Unis, quant à eux, se posent en maîtres de la reconstruction et garants de l’accord par le biais d’un Conseil de paix dirigé par Trump. Un scénario déjà vu à Gaza, écrit Fabio Tonacci dans «La Repubblica».

Et c’est un plan concocté par des hommes d’affaires chevronnés, habitués à sacrifier torts et raisons au nom d’un bon deal : le promoteur immobilier Steve Witkoff, envoyé spécial du président américain, et Kirill Dimitriev, administrateur du fonds souverain russe. Pour la Maison-Blanche, c’est une bonne affaire, ne serait-ce que parce que les États-Unis perçoivent 50 % des profits générés par les avoirs russes gelés (d’une valeur de 100 milliards de dollars), qui seront investis dans la reconstruction. C’est aussi une bonne affaire pour le Kremlin qui, si les clauses restent inchangées, obtiendra l’amnistie pour tous les crimes de guerre, y compris le massacre de Boutcha, et un engagement de l’OTAN à ne pas s’élargir davantage. Pour les Ukrainiens, c’est un désastre : souveraineté limitée (l’armée sera limitée à 600.000 soldats) et mutilation de leur territoire.

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Cependant, pour Kiev, ce n’est pas le pire accord possible. Grâce à une intégration au texte discuté entre Witkoff et Oumerov, conseiller de Zelensky, la sécurité est garantie comme jamais auparavant, sur un modèle inspiré de l’article 5 de l’OTAN. Ce document stipule que, pendant les dix prochaines années, toute attaque armée de la Russie contre l’Ukraine «sera considérée comme une attaque contre la communauté transatlantique», et engage donc les États-Unis et leurs alliés «à répondre en conséquence, y compris par la force militaire». Cela revient à ouvrir le parapluie de l’OTAN au-dessus de Kiev, sans pour autant l’admettre formellement au sein de l’Alliance. Reste à savoir si des troupes seront effectivement envoyées.

Les 28 points

  1. La souveraineté. La souveraineté de l’Ukraine sera confirmée.
  2. L’accord global. Un accord global de non-agression sera conclu entre la Russie, l’Ukraine et l’Europe.
  3. Halte à l’expansion. La Russie s’engage à ne pas envahir les pays voisins et l’OTAN ne procédera à aucun nouvel élargissement.
  4. La désescalade. Un dialogue entre la Russie et l’OTAN, sous l’égide des États-Unis, sera engagé afin de créer les conditions d’une désescalade.
  5. Les garanties de sécurité. Kiev bénéficiera de garanties de sécurité, notamment une garantie inspirée de l’article 5 de l’OTAN, qui engage les alliés à considérer toute attaque comme une attaque contre l’ensemble de la «communauté transatlantique».
  6. L’armée ukrainienne. L’effectif de l’armée sera limité à 600.000 hommes.
  7. Pas d’adhésion à l’OTAN. L’Ukraine inscrira sa non-adhésion à l’OTAN dans sa Constitution et l’OTAN inclura dans ses statuts une clause stipulant que l’Ukraine ne sera pas intégrée à l’avenir.
  8. Pas de troupes alliées. L’OTAN ne déploiera pas de troupes en Ukraine.
  9. Les avions de chasse en Pologne. Des chasseurs européens seront basés en Pologne.
  10. En cas de nouvelles attaques. Les États-Unis recevront une compensation pour leur garantie de sécurité. Si l’Ukraine envahissait ou lançait des missiles contre la Russie, elle perdra cette garantie. Si la Russie envahissait l’Ukraine, elle s’exposerait à une riposte militaire coordonnée et décisive, et tous les avantages de cet accord seraient annulés.
  11. L’adhésion à l’UE. Dans l’attente de son adhésion à l’UE, l’Ukraine bénéficiera d’un accès préférentiel au marché européen à court terme.
  12. La reconstruction. Un ensemble de mesures robuste et complète sera mis en œuvre pour la reconstruction de l’Ukraine, comprenant la création d’un Fonds de développement et d’un programme spécial de la Banque mondiale.
  13. Le retour de la Russie. La Russie sera réintégrée dans l’économie mondiale. Des discussions sont prévues concernant la levée des sanctions, la réintégration au G8 et un accord de coopération avec les États-Unis.
  14. Les biens gelés de la Russie. Cent milliards de dollars d’avoirs russes gelés seront investis dans des projets menés par les États-Unis pour la reconstruction et l’investissement en Ukraine, avec 50 % des bénéfices allant aux américains. L’Europe ajoutera 100 milliards de dollars pour la reconstruction. Les fonds européens gelés seront débloqués et les fonds russes restants seront investis dans une batterie d’investissement russo-américain commune.
  15. Le groupe de travail. Un groupe de travail russo-américain conjoint sera créé afin de promouvoir et de garantir le respect des dispositions.
  16. Loi de non-agression. La Russie inscrira sa politique de non-agression dans la loi.
  17. Les armes nucléaires russes. Les États-Unis et la Russie s’engagent à prolonger la validité des traités de non-prolifération et de contrôle nucléaires, y compris le traité START I.
  18. Les armes nucléaires ukrainiennes. L’Ukraine s’engage à ne pas devenir un État doté de l’arme nucléaire, conformément au Traité de non-prolifération nucléaire (TNP).
  19. La centrale nucléaire de Zaporizhia. La centrale nucléaire de Zaporizhia sera placée sous la supervision de l’AIEA et la production d’électricité sera divisée à parts égales entre la Russie et l’Ukraine.
  20. Les programmes scolaires. Les deux pays mettront en œuvre des programmes éducatifs dans les écoles et au sein de la société civile afin de promouvoir la compréhension mutuelle.
  21. La reconnaissance des territoires. La Crimée, Louhansk et Donetsk seront reconnues de facto comme territoires russes, y compris par les États-Unis. Kherson et Zaporizhia seront gelées le long de la ligne de contact, constituant une reconnaissance territoriale de facto de cette ligne. La Russie renoncera aux autres territoires sous son contrôle en dehors de ces cinq régions. Les forces ukrainiennes se retireront de la région de Donetsk, qu’elles contrôlent actuellement et qui deviendra une zone tampon.
  22. Respect des dispositions. En cas de violation des dispositions territoriales, les garanties seront annulées.
  23. Le Dniepr et la mer Noire. L’Ukraine pourra utiliser le Dniepr à des fins commerciales et des accords seront conclus concernant le libre transport de céréales via la mer Noire.
  24. Le comité humanitaire. Un comité humanitaire traitera les questions relatives aux prisonniers et aux dépouilles à rapatrier.
  25. Les élections en Ukraine. L’Ukraine organisera des élections dans un délai de 100 jours.
  26. L’amnistie totale. Toutes les parties bénéficieront d’une amnistie totale pour leurs actions durant la guerre.
  27. Le Conseil de paix de Trump. La mise en œuvre sera supervisée et garantie par le Conseil de paix, présidé par Donald Trump.
  28. Le cessez-le-feu. Le cessez-le-feu entrera en vigueur immédiatement après le retrait des deux parties des positions convenues.

A lire aussi : Donald Trump invite l’Ukraine à accepter le plan de paix avant le 27, faute de quoi l’assistance militaire sera suspendue. Moscou s’en félicite

Pour conclure, il est important de savoir si une telle paix, façonnée davantage par les intérêts de Washington et de Moscou que par les aspirations de Kiev, pourra réellement tenir face aux tensions, aux mémoires blessées et aux incertitudes géopolitiques.

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