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Ahmad Al-Charaa reçu par Donald Trump, une rencontre confidentielle sur la levée progressive des sanctions

(Rome, 10 novembre 2025). Dans une atmosphère étonnamment sobre, Donald Trump a accueilli à la Maison-Blanche le président syrien par intérim Ahmad Al-Charaa. Ce premier tête-à-tête entre un chef d’État américain et un dirigeant syrien depuis l’indépendance du pays levantin, marque un tournant : Washington suspend pour six mois les dernières sanctions économiques imposées à Damas

Pas de mise en scène médiatique ni formules choc, mais beaucoup de pragmatisme : la visite d’Ahmad al-Charaa à la Maison-Blanche s’est déroulée dans un climat plus sobre et discret que celui qui avait marqué d’autres déplacements de dirigeants étrangers à Washington depuis le retour de Donald Trump au pouvoir. Poignées de main dans le Bureau ovale, sourires et une ambiance détendue ont été suivis d’un entretien à huis clos, sans les traditionnels moments face caméra qui avaient caractérisé de nombreux sommets de l’ère Trump, écrit Andrea Muratore dans «Inside Over».

Le président par intérim syrien, arrivé dans le Bureau ovale moins d’un an après avoir lancé l’offensive de son groupe rebelle «Hayat Tahrir al-Cham» (HTC) qui a renversé le régime déchu de Bachar el-Assad, est passé du statut de djihadiste recherché à celui de chef d’État, en à peine onze mois, grâce notamment au soutien décisif et à la réhabilitation des États-Unis. Lors de la rencontre bilatérale, la première entre un chef d’État américain et un chef d’État syrien tenue au siège du pouvoir américain depuis l’indépendance du pays levantin, Trump a apporté une ultime aide dans le cadre d’un geste d’ouverture au gouvernement de Damas : les sanctions restantes liées au «Caesar Act», la loi César, ont été suspendues pour 180 jours.

Cette loi, adoptée en 2019 lors du premier mandat de Trump, visait un large éventail d’entreprises, militaires et civiles, liées à l’ancien régime du tyran de Damas, et opérant dans des secteurs allant de la fabrication d’armements à l’énergie, du crédit aux entreprises à la gestion d’infrastructures, tout en invoquant, entre autres, la complicité avec la Russie et l’Iran pour justifier son renforcement.

Joe Biden avait décidé, en décembre 2024, de prolonger la loi César de cinq ans malgré la chute d’Assad. En mai, Trump, de retour à la Maison Blanche, en a assoupli certaines dispositions et, avec un moratoire de six mois, une nouvelle phase s’ouvre pour Al-Charaa : il lui faudra prouver qu’elle mérite une levée complète et définitive des sanctions imposées sous l’ère Assad.

À ce jour, seules les restrictions commerciales avec la Russie et l’Iran restent en vigueur. Comme le souligne Al-Jazeera, «le dirigeant syrien souhaitait une abrogation définitive, mais seul le Congrès peut la décider, ce qui est actuellement impossible étant donné sa suspension des travaux budgétaires (shutdown). Par conséquent, le Département du Trésor, qui relève de l’administration Trump, a donc pris toutes les mesures possibles. Il s’agit clairement d’un acte symbolique, intervenu immédiatement après la fin de la réunion».

Désormais, «le transfert de la plupart des biens civils d’origine américaine, ainsi que des logiciels et des technologies, vers ou à l’intérieur de la Syrie est autorisé sans licence». La Syrie demeure encore officiellement inscrite sur la liste des États soutenant le terrorisme, comme sous le régime d’Assad, mais on s’attend à ce que cette disposition soit la prochaine à disparaître. Trump a réhabilité al-Charaa. Il s’agit d’un nouvel appui à cet ancien djihadiste devenu, en onze mois, le chef d’un pays réintégré sur la scène internationale. Il va maintenant devoir trouver comment utiliser une ligne de crédit jamais accordée auparavant par l’Occident à aucun de ses prédécesseurs.

«Un bon travail»

Jeudi dernier, Donald Trump, qui se voit en grand pacificateur du Moyen-Orient, avait estimé que son invité faisait «un très bon travail» en Syrie. «C’est un gars dur. Je me suis très bien entendu avec lui» lors d’une entrevue en Arabie saoudite en mai dernier, a-t-il dit.
Il faut rappeler qu’en mai dernier aussi, le locataire de la Maison-Blanche avait pressé son homologue syrien de rejoindre les accords d’Abraham, qui ont vu plusieurs pays arabes reconnaître l’Etat d’Israël en 2020.

A lire : Ahmed Al-Charaa et la vision d’une nouvelle Syrie

Avec cette rencontre, Donald Trump envoie un signal fort : celui d’une diplomatie américaine plus opportuniste que dogmatique, prête à tourner la page du passé pour miser sur la stabilité et l’influence dans la région. Pour Ahmed Al-Charaa, l’enjeu est désormais de prouver que la Syrie post-Assad peut s’affranchir de son héritage autoritaire et se réinventer comme un partenaire fiable. La trêve des sanctions ouvre une fenêtre d’opportunité, mais aussi une période d’observation étroite où chaque geste comptera.

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