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Israël en territoire syrien : une opération qui redessine la carte des risques au Moyen-Orient

(Rome, Paris, 06 novembre 2025). Alors que la Syrie peine à se relever du chaos politique et militaire crée par la chute du Tyran de Damas, Israël renforce sa présence au plateau du Golan (et au-delà) en franchissant à nouveau la ligne de séparation de 1974. Un geste qui rebat les cartes régionales, et qui ouvre une zone d’incertitude dangereuse au cœur du Moyen-Orient

Les troupes israéliennes ont de nouveau franchi la frontière syrienne, installant un point de contrôle dans la province de Quneitra. Un geste en apparence anodin, mais politiquement explosif : une violation directe de la souveraineté de la Syrie et de l’accord de désengagement de 1974, signé après la guerre du Kippour, qui avait instauré une zone tampon sous contrôle de l’ONU. Cet accord avait tenu bon, malgré les crises et les affrontements, pendant un demi-siècle. Aujourd’hui, avec la chute du régime de Bachar al-Assad en décembre 2024, Israël déclare l’accord «caduc» et considère son contrôle temporaire du Golan comme légitime. En réalité, rien n’est temporaire : le point de contrôle de Jubata al-Khachab, deux chars et quatre véhicules militaires, symbolisent la formalisation d’une présence permanente qui modifiera le visage la frontière, écrit Giuseppe Gagliano dans «Notizie Geopolitiche», le portail italien spécialisé de l’Actualité Géopolitique.

Le nouveau président syrien, Ahmed al-Charaa, qui a succédé à Bachar el-Assad après des années d’effondrement politique et militaire, tente de restaurer la légitimité internationale de Damas. Les chiffres, cependant, sont éloquents : plus d’un millier de frappes aériennes et quatre cents incursions terrestres israéliennes depuis début 2025, selon des sources syriennes. La Syrie, soutenue par la Turquie et certains États arabes, a lancé une campagne diplomatique pour retrouver la reconnaissance de sa souveraineté sur le plateau du Golan. Mais les institutions internationales semblent paralysées. La résolution 497 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui en 1981 déclarait la loi israélienne sur le Golan «nulle et non avenue», est restée lettre morte. Depuis 2019, les États-Unis sont le seul pays à avoir officiellement reconnu l’annexion. Et aujourd’hui, avec le retour de Trump à la Maison-Blanche, Washington semble davantage préoccupé à utiliser la question syrienne comme monnaie d’échange qu’à défendre le droit international.

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D’un point de vue stratégique et militaire, l’expansion israélienne au-delà de la ligne de 1974 poursuit un double objectif. D’abord, empêcher la réorganisation des groupes pro-iraniens dans le sud de la Syrie. Ensuite, consolider une ceinture de sécurité protégeant l’État hébreu de toute future instabilité syrienne. Mais ce faisant, Israël crée un précédent : légitimer une occupation permanente sous couvert de sécurité préventive.

La Syrie, quant à elle, n’a pas les moyens de riposter militairement. Son armée est épuisée, la reconstruction vient à peine de commencer et la présence turque au nord limite la marge de manœuvre de Damas. De fait, le pays demeure une mosaïque de zones d’influence : russe, turque, israélienne et américaine. Le risque est que le sud, comme l’est, devienne une «zone grise» où la souveraineté est un concept négociable et la sécurité une affaire entre puissances extérieures.

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La question du Golan est non seulement territoriale. Des voies énergétiques cruciales, des ressources en eau et des infrastructures de communication traversent ce plateau. Le contrôler, signifie disposer d’un levier économique stratégique pour la future Syrie et de l’ensemble du Levant. Israël, qui a intégré le plateau du Golan à son économie agricole et touristique depuis 1981, n’a aucune intention d’y renoncer. Les États-Unis, qui ont rebaptisé une colonie «Trump Heights» en 2019, confirment leur soutien symbolique à cette politique de facto.

Or, chaque pas dans cette direction érode un principe fondamental du droit international : l’interdiction de l’acquisition de territoire par la force. Si la communauté internationale accepte aujourd’hui l’occupation israélienne comme «temporaire», demain d’autres États pourraient utiliser le même modèle pour justifier des annexions, des frontières mouvantes et des occupations préventives.

Le voyage du président al-Charaa à Washington, le premier d’un chef d’État syrien depuis plus de quatre-vingts ans, marque une tentative de repositionnement. Trump et son envoyé spécial, Tom Barrack, évoquent une «nouvelle phase de dialogue» et l’éventuelle adhésion de la Syrie à la coalition anti-Daech. Mais le véritable objectif est un accord qui réduise la pression israélienne et définisse, sous supervision américaine, le nouvel équilibre dans le sud de la Syrie. Pour Damas, il s’agit d’un pari risqué : mettre fin aux frappes israéliennes en échange de concessions politiques, voire économiques. Pour Washington, c’est un moyen de ramener la Syrie dans l’orbite occidentale et de limiter l’influence iranienne et russe.

En toile de fond demeure la question centrale : la fin de la souveraineté syrienne. Depuis 2011, le pays est devenu le laboratoire de toutes les guerres contemporaines : civiles, par procuration, technologiques et idéologiques. Israël agit aujourd’hui dans un vide politique et juridique, s’affranchissant des limites fixées par la communauté internationale. Si l’occupation du Golan se généralise, la Syrie post-Assad risque de naître déjà mutilée, dépendante des pactes et des intérêts d’autrui. Dans un Moyen-Orient où les cartes se redessinent à coups de drones et de zones tampons, la paix est devenue un langage qui ne connaît plus de frontières.

Cette incursion israélienne «confirme la fragilité d’un équilibre régional déjà mis à rude épreuve par les guerres croisées et les rivalités d’influence», souligne un expert régional. «Au-delà de la riposte militaire, c’est l’architecture stratégique du Moyen-Orient qui se trouve de nouveau ébranlée. En pénétrant sur le sol syrien, Israël franchit une ligne qui pourrait redéfinir les rapports de force au Moyen-Orient», ajoute-t-il.

Derrière cette démonstration de puissance, se joue aussi une bataille d’influence où Damas, Téhéran et Washington observent avec inquiétude la montée des risques d’embrasement. En définitive, au-delà du théâtre syrien, cette escalade interroge la capacité des puissances régionales et internationales à contenir un conflit susceptible d’embraser à nouveau la région.

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