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Gaza : la crainte d’Israël que la force internationale de stabilisation ne «réduise l’autonomie stratégique de Tel-Aviv»

(Rome, 06 novembre 2025). Alors que les négociations internationales cherchent à transformer le fragile cessez-le-feu à Gaza en une paix durable, la création d’une force internationale de stabilisation suscite déjà de fortes tensions. Israël redoute que cette mission, encore floue dans ses contextes, ne limite sa liberté d’action dans l’enclave palestinienne et ne pave la voie à un retour de la souveraineté palestinienne sur le territoire

La Force de stabilisation, envisagée dans le cadre des accords de Charm el-Cheikh pour consolider les prochaines phases du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, n’a pas encore été mise en place, mais elle suscite déjà des débats. Son rôle reste entièrement à définir, à supposer qu’elle voie réellement le jour, écrit Andrea Muratore dans «Inside Over».

Du cessez-le-feu à la paix : beaucoup de flou et peu de certitudes

Dans le cadre des négociations menées sous l’égide de l’Égypte, du Qatar et des États-Unis, avec l’appui final de la Turquie, la présence de cette force de maintien de la paix visait à assurer la transition d’un simple cessez-le-feu (violé à plusieurs reprises le mois dernier à Gaza) aux fondements d’une paix durable. Elle contribuerait ainsi au transfert de l’administration de la bande de Gaza du Hamas à l’Autorité nationale palestinienne (ANP) ainsi qu’au dépôt des armes par les miliciens islamistes.

Sur le volet de la gouvernance de Gaza, le Hamas a négocié avec l’Autorité nationale palestinienne (ANP) la création d’un comité technique chargé de la sécurité et du contrôle des frontières, comme l’a indiqué Moussa Abou Marzouk, porte-parole du Hamas, à la chaine Al-Jazeera.

Concernant la force de stabilisation, en revanche, peu de progrès ont été réalisés. À ce jour, aucune certitude ne subsiste quant à ses règles d’engagement, au nombre de pays membres, ni à ses relations avec les Nations Unies ou d’autres organisations internationales. Pour l’heure, tout demeure flou. Il convient de noter que la presse semble surtout mettre l’accent sur les tensions au sein du gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu quant aux conséquences du déploiement d’une telle force.

Israël craint d’être «mis sous tutelle»

Selon «Channel 12» et le «Times of Israel», citant des sources sécuritaires à Tel Aviv, le gouvernement Netanyahu redoute qu’après plus de deux ans de guerre, la force de stabilisation ne «mette sous tutelle» Israël et sa liberté d’opérer (en toute impunité, cela va de soi) dans la bande de Gaza. La Force internationale de stabilisation (FIS) sera chargée de superviser le désarmement du Hamas et de la sécurité de Gaza, mais ses actions seront liées à un retrait de Tsahal d’autres zones de la bande de Gaza, dont il occupe encore environ 58 %.

Le ministre des Affaires stratégiques, Ron Dermer, exerce des pressions sur les États-Unis afin d’atténuer les dispositions du projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU par lequel Washington souhaiterait demander un mandat de deux ans à la FIS, craignant que l’«internationalisation» du conflit ne soit contraire aux intérêts israéliens. Ces intérêts coïncident largement avec le désir d’une occupation totale. De toute évidence, il est dans l’intérêt d’Israël d’empêcher l’ONU, comme le préconise le Secrétaire général António Guterres, de prendre la tête de cette force, car cela obligerait Tel-Aviv à respecter de nombreuses normes internationales, sous peine de violation d’une résolution promue par son allié américain.

Force de stabilisation : la pression d’Israël sur Washington

Selon le projet de résolution américain à l’ONU, cette force «sera chargée de protéger les frontières de la bande de Gaza avec Israël et l’Égypte, de garantir la sécurité des civils et des zones humanitaires, et de former de nouveaux policiers palestiniens», note pour sa part le «Times of Israel». La coordination entre Tel-Aviv et le Caire est jugée fondamentale pour gérer la transition, du Hamas vers une nouvelle gouvernance à Gaza. Pour Tel-Aviv, cela ouvrirait clairement la voie à un rôle accru de l’Autorité palestinienne, et donc à une souveraineté palestinienne : une perspective inacceptable pour l’exécutif nationaliste israélien.

«Bien qu’initialement opposé à un mandat de l’ONU, Israël a finalement cédé aux pressions américaines, mais continue toutefois d’exiger que le texte de la résolution soit ajusté à ses objectifs militaires et politiques», observe Middle East Eye.

Le cas de la Turquie

Israël s’oppose également à la participation de certains pays membres de cette mission. Au début du cessez-le-feu, l’hypothèse était qu’une task-force soit mise en place sous commandement égyptien, pour des raisons logistiques et géographiques, incluant des médiateurs du Moyen-Orient comme le Qatar et la Turquie. Cependant, Netanyahu a opposé son veto à une implication d’Ankara, redoutant la présence d’un rival encombrant et déployé sur le terrain à Gaza, tandis que la Turquie affirme quant à elle que les retards de la Force internationale ne sont dus qu’aux volte-face de Netanyahou concernant le cessez-le-feu.

À ce jour, l’hypothèse privilégiée est que deux pays, l’Azerbaïdjan et l’Indonésie, fournissent une part importante du contingent : ce sont deux États musulmans non arabes, liés respectivement à Tel-Aviv et aux gouvernements du Golfe, amis des États-Unis et considérés comme dignes de confiance par ces derniers, disposant des moyens matériels et d’un soutien politique national et international. Mais il ne s’agit, là encore, que de considérations préliminaires.

Tout est incertain dans un Moyen-Orient, où même le cessez-le-feu n’a souvent été qu’une façade.

D’après un diplomate régional bien au fait, «l’hypothèse d’une force de stabilisation internationale à Gaza suscite des réserves en Israël, où certains craignent qu’un tel mécanisme ne réduise l’autonomie stratégique de Tel-Aviv et son influence sur la reconstruction du territoire palestinien».
Et le chemin vers la paix s’annonce encore long et semé d’embûches.

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