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Situation chaotique en France : Lecornu prévient, «je ne serai pas l’otage des partis»

(Rome, Paris, 12 octobre 2025). Rappelé par Emmanuel Macron pour former un nouveau gouvernement et faire adopter le budget, le Premier ministre désigné prône un «réalisme» budgétaire et promet de ne pas céder aux pressions partisanes. Mais entre divisions chez Les Républicains, méfiance à gauche et menaces de crise institutionnelle, la France reste suspendue aux équilibres précaires d’une majorité introuvable

Sur fond d’inquiétude, le Premier ministre français s’est exprimé hier devant la presse dans le Val-de-Marne. Sébastien Lecornu, rappelé par Emmanuel Macron pour respecter l’échéance budgétaire, reprend les rênes. L’Assemblée nationale attend le «Budget» dès demain, afin de disposer des 70 jours nécessaires à un débat démocratique en séance plénière. Mais déjà, des retards se profilent, et les turbulences sur les marchés sont scrutées par les agences de notation. Lecornu a donc appelé hier à un débat «réaliste» avec les partis qui entendent soutenir son budget ; tout reste à écrire, et sans gouvernement pour l’instant. En clair : il n’est pas question de suspendre la réforme des retraites, écrit Francesco De Remigis dans le quotidien italien «Il Giornale».

Et pourtant, c’est précisément de cette idée qu’il avait discuté avec l’aile gauche de l’hémicycle, ensuite exclue des consultations menées par le président Macron lors d’un ping-pong politique de cinq jours. Finalement, l’Élysée a écarté la gauche et les écologistes, expliquant qu’ils n’étaient pas assez nombreux pour revendiquer un mandat, et que la droite avait encore mathématiquement plus de chances de gouverner, aux côtés d’un centre macroniste à court d’idées, sinon celle de conduire Lecornu comme Premier ministre. Son premier gouvernement n’avait duré que 14 heures. À présent, la table des négociations se rouvre avec la droite néo-gaulliste, qui avait déjà fait chuter son premier exécutif en dénonçant la présence excessive de macronistes «purs et durs», malgré la promesse d’une «rupture» avec le passé.

Un nouveau gouvernement est attendu, selon les rumeurs du Palais, entre lundi et mardi. Et le Premier ministre, après avoir admis n’accepter la mission que «par devoir», face à une crise qui dure depuis 15 mois, espère attirer des noms venant de la droite. «Je ne serai pas prisonnier des partis», a déclaré Lecornu, reconnaissant qu’il n’y avait «pas beaucoup de candidats» pour ce poste, et qu’il pourrait ne pas y rester longtemps, cette fois-ci non plus. Il a insisté, malgré la douche froide de ses anciens alliés néo-gaullistes, menés aujourd’hui par Bruno Retailleau : le bureau politique des Républicains a décidé hier matin, à une «large majorité», que le parti ne participerait pas au gouvernement. Une nouvelle réunion s’est tenue hier soir pour confirmer cette décision avec les cadres et la base du parti, afin d’être certains du choix de quitter l’exécutif et d’ouvrir une nouvelle phase politique. Des dizaines de députés néo-gaullistes ont déjà entamé des discussions avec les lepénistes en vue d’éventuels accords de gouvernement. Si Lecornu échouait et que l’Assemblée est dissoute, un nouvel équilibre des pouvoirs seraient à envisager. Les urnes pourraient porter le coup de grâce à la «Macronie». Et si Macron décidait de convoquer des élections législatives anticipées, Bruno Retailleau pourrait ainsi se protéger de toute accusation de collusion avec le pouvoir macroniste, qu’il a lui-même, dans cette phase finale, contribué à affaiblir. Avec peu de répercussions internes, si ce n’est une fronde qui poussait encore hier soir à soutenir le Premier ministre ressuscité.

Lecornu a de nouveau piqué Retailleau : «Je n’ai pas de programme», a-t-il déclaré, «et je n’ai d’autre ambition que de sortir de cette phase difficile pour tous. Il y a des urgences à traiter. Mais soit on reste immobiles, soit on avance». L’accusation implicite portée contre son ancien ministre de l’Intérieur est qu’il cherche à tenir son parti à l’écart du gouvernement pour nourrir des ambitions présidentielles. Retailleau rejette cette insinuation d’irresponsabilité. Il affirme que les néo-gaullistes voteront le projet de loi à la Chambre, texte par texte.

Pas de motion de censure a priori, mais notre rôle, ajoute-t-il, est désormais d’«incarner le changement dont le pays a besoin, à travers un projet de droite véritablement solide et crédible». Pendant ce temps, le parti socialiste (PS) étant hors-jeu, déçu, il n’exclut pas de voter la défiance contre Lecornu.

«À la veille de la présentation du budget, Sébastien Lecornu avance sur une ligne de crête : composer un gouvernement crédible sans réelle majorité et sans appui solide des partis. En misant sur le pragmatisme et la loyauté institutionnelle, il espère éviter l’impasse politique qui menace l’Assemblée», déclare un observateur français. «Mais entre instabilité parlementaire, pressions des marchés et menace de dissolution, Sébastien Lecornu s’efforce d’éviter un nouvel échec politique et de préserver un semblant d’équilibre dans une Macronie affaiblie», ajoute notre interlocuteur.

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