(Rome, Paris, 12 septembre 2025). Alors que plusieurs drones ont survolé le territoire polonais, à proximité de la frontière ukrainienne, l’incident suscite une vague de réactions à l’échelle internationale. Pour sa part, la Pologne appelle ses alliés de l’OTAN à la consultation, tout en choisissant de contenir la tension. Elle privilégie la désescalade, alors que Moscou nie toute responsabilité et s’apprête à lancer de vastes exercices militaires conjointes avec la Biélorussie. L’incident, plus proche d’un test politique que d’une agression ouverte, met à l’épreuve la cohésion et la réactivité de l’OTAN
La Russie a-t-elle attaqué l’OTAN ? Que va-t-il se passer maintenant ? Alors que les autorités polonaises poursuivent leurs enquêtes sur les drones abattus dans la nuit de mardi à mercredi, les Alliés atlantiques se concertent sur la conduite à tenir et font le point sur les provocations russes. L’hypothèse d’une attaque directe contre l’Alliance semble peu probable ; plus vraisemblable est l’idée d’un test visant à évaluer la réactivité opérationnelle et la cohésion politique de l’OTAN, écrit Riccardo Leoni dans «Formiche.net».
Dans la nuit du 9 au 10 septembre, des drones russes ont violé l’espace aérien polonais et ont été abattus par les forces aériennes de l’OTAN. Les drones, principalement des Shahed-136 et des Geran-2 de conception iranienne, ont pénétré l’espace aérien polonais sur plusieurs kilomètres avant d’être interceptés par des F-16 polonais et des F-35 néerlandais, appuyés par des avions italiens et allemands. Alors que l’enquête visant à déterminer la provenance, la trajectoire et les objectifs des drones, une question demeure : s’agissait-il d’une attaque intentionnelle ou d’un autre objectif de Moscou ?
La France mobilise ses Rafale
Pour sa part, Paris a décidé de «mobiliser trois avions de chasse Rafale pour contribuer à la protection de l’espace aérien polonais» ainsi que de l’Europe de l’Est avec l’OTAN, après les «incursions de drones russes en Pologne», a annoncé jeudi Emmanuel Macron. «Je m’y étais engagé hier auprès du Premier ministre polonais» Donald Tusk, a dit le président français dans un message sur le réseau X, précisant s’être aussi entretenu avec le Secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte et le Premier ministre britannique Keir Starmer.
Une attaque intentionnelle ?
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a déclaré au Parlement que les drones étaient entrés dans le pays depuis l’espace aérien biélorusse, ce qui contredirait les versions selon lesquelles les appareils se seraient initialement dirigés vers l’Ukraine et auraient «dérivé» à l’intérieur des frontières de l’OTAN.
Bien que les autorités polonaises ne soient pas encore en mesure de déterminer avec certitude l’origine des drones, le chef d’état-major de Varsovie, le général Wiesław Kukuła, a révélé que Minsk avait signalé une possible violation de l’espace aérien polonais.
A lire : L’assaut de Doha, prélude à un éventuel retour du conflit OTAN-Russie
Alors, s’agissait-il d’un accident ? Difficile à dire. Si, d’une part, ce ne serait pas la première fois que des appareils russes destinés à frapper l’Ukraine franchissent l’espace aérien polonais, de l’autre, la profondeur de pénétration, les sites d’abattage (près de Varsovie, Lublin, Cracovie et Gdansk) et le calendrier choisi sont pour le moins suspects. On ne peut pas non plus exclure que les drones en question (entre 19 et 23) faisaient effectivement partie de l’essaim qui a frappé l’Ukraine cette nuit-là, mais qu’ils aient été intentionnellement déviés afin d’appuyer la rhétorique de l’incident.
La réaction de Varsovie
Dès la fin de l’urgence et le début de la récupération des débris des drones, Varsovie a activé ses canaux militaires et diplomatiques. Dans la matinée du 10 septembre, elle a invoqué l’article 4 du Pacte de Washington pour convoquer une réunion du Conseil de l’Atlantique Nord (CAN) afin de consulter les Alliés. Ce seul fait suffit à démontrer que le risque d’escalade entre l’OTAN et la Russie est actuellement considéré comme faible. A titre de comparaison, il y a exactement 24 ans, après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, il a fallu moins de 24 heures aux États-Unis pour invoquer l’article 5, sans même consulter le «CAN».
Cependant, par mesure de précaution, Varsovie a relevé le niveau d’alerte de ses systèmes de défense aérienne, fermé quatre aéroports civils dans l’est du pays et mobilisé des réservistes des Forces de défense territoriale. Il s’agissait davantage d’une mesure visant à rassurer l’opinion publique, les forces régulières polonaises restant en état d’alerte standard.
Risque d’escalade ?
Vraisemblablement, non. Si la provenance des drones depuis l’espace aérien biélorusse était confirmée, et avec elle la désignation effective du territoire polonais comme cible, cela qualifierait techniquement l’incident d’attaque de la Russie (avec la Biélorussie comme co-belligérant) contre un membre de l’Alliance atlantique, ce qui pourrait déclencher l’article 5 du Traité de Washington. Cependant, au-delà des effets d’annonce, il est difficile de croire que la Russie ait eu l’intention de déclarer la guerre à l’OTAN avec une poignée de drones.
Il est toutefois plausible que l’incident/l’attaque ait constitué à la fois un test et un message. Un test pour évaluer la réactivité de l’OTAN (notamment politique) et un message adressé à l’Europe, juste à la veille du discours sur l’état de l’Union d’Ursula von der Leyen à Strasbourg. Matthew Whitaker, ambassadeur des États-Unis auprès de l’OTAN, a réitéré le soutien des États-Unis, rappelant que ceux-ci restent déterminés à défendre chaque centimètre du territoire allié. La réaction de Donald Trump a été plus tiède, se limitant à demander «ce qui se passe» dans un message sur Truth. Autant d’interactions et de signaux que le Kremlin analyse, tout en niant toute responsabilité dans l’incident. Le calendrier interpelle néanmoins : l’incursion aérienne en Europe a coïncidé avec l’imminence du discours de Mme von der Leyen à Strasbourg. Au Parlement européen, elle avait tenu un ton sévère envers Moscou et Vladimir Poutine, déclarant que ce dernier «ne s’arrêtera pas même si la guerre en Ukraine devait prendre fin».
Pour l’heure, la situation reste sous contrôle et, du moins du côté atlantique, rien n’indique une volonté d’escalade. La Russie, pour sa part, doit entamer aujourd’hui l’exercice Zapad 2025 avec les forces armées biélorusses. Une coïncidence ! sans doute.