(Rome, 22 juillet 2025). L’Italie et l’Algérie renforcent leur partenariat stratégique avec un sommet intergouvernemental et un forum économique dans la capitale italienne. Depuis Alger, l’analyste Abdelkader Slimani souligne que l’objectif est de dépasser les 20 milliards de dollars d’échanges commerciaux grâce au Plan Mattei. Depuis Rome, son homologue italien Umberto Profazio met en avance la délicatesse du dossier du Sahara occidental et le rôle d’équilibre joué par l’Italie
Un mois après avoir accueilli le sommet avec l’UE qui a marqué le lancement par le gouvernement italien de l’internationalisation du Plan Mattei, l’Italie remet l’Afrique au cœur de l’agenda politique, avec le sixième sommet intergouvernemental italo-algérien prévu demain, mercredi 23 juillet. La Présidente du Conseil, Giorgia Meloni, accueillera le président algérien Abdelmadjid Tebboune pour une réunion bilatérale de haut niveau, coprésidée par les deux dirigeants, en présence de nombreux ministres de leurs gouvernements respectifs. Avant le début de la réunion, le président Tebboune sera reçu au Quirinal par le président Sergio Mattarella, confirmant ainsi la solidité des liens politiques entre Rome et Alger, écrivent Emanuele Rossi et Massimiliano Boccolini dans le quotidien «Formiche.net».
Parallèlement au sommet politique, le Forum économique Italie-Algérie, organisé par le ministère des Affaires étrangères et l’Agence italienne pour le commerce (ICE), se tiendra à l’hôtel «Parco dei Principi». Environ 500 entreprises y participeront. Le programme comprend une séance plénière d’introduction, des tables rondes thématiques sur l’énergie, l’économie circulaire, les infrastructures, l’agriculture, l’industrie de pointe et la pharmaceutique, ainsi que plus de 130 rencontres B2B. La réunion se conclura par la signature d’accords et de protocoles d’entente.
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Cette réunion s’inscrit dans le cadre d’une relation bilatérale qui s’est renforcée ces dernières années, notamment après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’Algérie est devenue le principal fournisseur de gaz de l’Italie, dépassant la Russie dès 2022. L’accord signé le 10 juillet dernier entre Eni et Sonatrach, qui prévoit le développement du champ gazier de Zemoul El Kbar pour les trente prochaines années, marque une nouvelle étape dans leur coopération énergétique. Mais la relation se développe également sur le plan industriel, avec des missions d’entreprises italiennes en Algérie et un intérêt croissant pour des secteurs tels que l’automobile, l’agroalimentaire et les technologies vertes.
«L’Italie est considérée comme le premier partenaire commercial de l’Algérie. En termes d’échanges, on parle d’environ 14 milliards de dollars, notamment dans le secteur de l’énergie : Alger exporte d’importantes quantités de gaz vers Rome. Mais les échanges commerciaux d’équipements industriels et agricoles sont également importants», explique Abdelkader Slimani, analyste algérien spécialisé dans le secteur économique. «Le forum de Rome est très important pour nous, car il pourrait ouvrir la voie à une augmentation des investissements directs italiens en Algérie, y compris dans de nouveaux secteurs», a-t-il commenté. «Certaines entreprises italiennes investissent déjà dans le Sahara algérien, et avec le Plan Mattei, nous prévoyons un effet multiplicateur qui concernera aussi les secteurs pharmaceutique, technologique et, surtout les énergies vertes», ajoute-t-il. Pour Slimani, l’objectif affiché par Alger est de dépasser les 20 milliards de dollars d’échanges commerciaux, transformant ainsi la coopération en une véritable alliance économique structurée sur plusieurs axes.
Selon Umberto Profazio, analyste spécialiste du Maghreb à la «NATO Defense College Foundation» et chercheur associé à l’IISS, «la relation bilatérale repose sur une tradition solide, bâtie autour du pipeline géopolitique qui unit les deux pays à une époque de profonds changements». Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la coopération s’est considérablement développée à partir de février 2022. La diversification était cruciale pour l’Italie, tandis que le renforcement des exportations vers l’Europe était stratégique pour l’Algérie, notamment au vu des tensions avec le Maroc et l’Espagne. Profazio note également que «l’Italie reste le seul pays européen de poids à ne pas encore avoir exprimé de position favorable sur le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, signe que Rome comprend la sensibilité de la question pour Alger et agit en conséquence». Concernant les divergences sur le dossier israélien, Profazio souligne que «bien que l’Italie maintienne des relations avec Israël et que l’Algérie reste opposée à toute normalisation avec Tel-Aviv, la relation bilatérale reste stable grâce à des garde-fous diplomatiques qui garantissent l’équilibre et permettent une coopération concrète».
En général, la position de l’Italie est interprétée à Alger comme un signe de sensibilité politique et de respect. Dans un contexte marqué par la rivalité régionale entre l’Algérie et le Maroc, cette prudence contribue à maintenir des relations bilatérales stables, évitant les frictions sur un dossier au potentiel symbolique et stratégique considérable. Par ailleurs, Rome est aussi identifiée comme un acteur clé dans le dossier libyen, qui s’envenime et pourrait avoir des conséquences incontrôlables, notamment pour Alger. Avec le recul du leadership français de la région et l’incertitude générée par les droits de douane américains sur les exportations algériennes, Rome se positionne comme un partenaire alternatif crédible et pragmatique pour Alger. Le sommet du 23 juillet marque donc l’aboutissement d’un processus entamé il y a plusieurs années, devenu aujourd’hui plus stratégique que jamais, dans un Méditerranée redevenu central sur la scène internationale.