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Iran : Vladimir Poutine fait pression pour abandonner l’uranium enrichi

(Rome, Paris, 12 juillet 2025). Moscou change de cap et propose de jouer le rôle de médiateur entre les États-Unis et l’Iran sur le dossier nucléaire, tandis que Téhéran revendique son droit à l’enrichissement et met en garde l’Europe

À la veille du dixième anniversaire de l’accord historique sur le nucléaire iranien (JCPOA), Vladimir Poutine est monté au créneau pour convaincre Téhéran de négocier avec les États-Unis un nouvel accord, excluant l’enrichissement de l’uranium. Cette pression diplomatique jusque-là impensable pour Moscou, qui a traditionnellement soutenu le droit de Téhéran à l’énergie nucléaire civile.

Cette nouvelle approche s’inscrit dans une stratégie plus souple que Poutine adopte vis-à-vis des États-Unis, nous explique Sabrina Bellosi dans les colonnes de l’agence italienne «AGI» : il est inflexible sur la question ukrainienne, mais disposé à jouer un rôle de médiateur sur le dossier iranien. Au point de se proposer comme facilitateur et se limite à une condamnation générale après l’attaque ordonnée par Donald Trump contre trois centrales nucléaires iraniennes.

Selon le portail «Axios», Poutine a explicitement appelé le régime iranien à abandonner l’enrichissement d’uranium et a informé Trump et Israël de sa position. L’Iran, cependant, ne compte pas céder, et continue de s’impliquer dans le conflit ukrainien, notamment par le biais de drones Shahed, utilisés dans les offensives.

La position du gouvernement iranien

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a réaffirmé que Téhéran n’acceptera aucun accord sans possibilité d’enrichissement. Il a réuni le corps diplomatique étranger et réaffirmé sa volonté d’engager le dialogue : «L’Iran est prêt à négocier, mais ces négociations doivent être équilibrées».

Les limites des négociations

Araghchi a précisé que les futures négociations porteront exclusivement sur le programme nucléaire, afin de garantir son caractère pacifique. Il a également exclu toute discussion sur le programme balistique ou ses capacités militaires de défense.

Le ministre a mis en garde l’Europe contre une éventuelle réintroduction de sanctions fondées sur le JCPOA : «Cela signifierait la fin du rôle de l’Europe dans le dossier nucléaire iranien». Malgré quelques tentatives, l’UE n’a pas joué un rôle clé dans les récentes négociations.

La négociation historique et la naissance du JCPOA

Cependant, l’Europe avait joué un rôle clé dans les 20 mois de négociations qui ont conduit au JCPOA, annoncé au monde entier le 14 juillet 2015 (et torpillé par Trump en mai 2018). Et Araghci connaît parfaitement les 100 pages de cet accord, tant sur le plan technique que politique, puisqu’il l’a lui-même négocié, aux côtés de son adjoint Majid Takht-Ravanchi, alors que le ministre des Affaires étrangères était Javad Zarif.

Araghchi et Ravanchi ont mené des négociations pendant des mois avec Wendy Sherman, représentante des États-Unis, et Helga Schmid, diplomate au Service européen pour l’action extérieure et bras droit de la Haute Représentante – d’abord Catherine Ashton, puis Federica Mogherini – à qui les Nations Unies avaient confié le rôle de facilitatrice des négociations entamées en 2013.

Le premier véritable tournant a eu lieu le 2 avril 2015, sur les rives du lac Léman à Lausanne, lorsque les paramètres du futur accord furent établis. Mais c’est le marathon de deux semaines de négociations à Vienne entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne d’une part, et l’Iran de l’autre, qui a conduit à l’accord.

Outre Araghchi, alors en second plan, les seules personnalités clés de cette période sont encore en activité politique : le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi. A la table des négociations à l’hôtel Coburg, mis à leur disposition par le gouvernement autrichien, siégeaient également l’Américain John Kerry, représentant Barack Obama, l’Allemand Frank-Walter Steinmaier (aujourd’hui président de la République), le Français Laurent Fabius et le Britannique Philip Hammond, ainsi que Zarif et Mogherini.

Il a fallu plus de quinze jours (et de nuits) en plein Ramadan, pour finaliser les détails des différentes phases de mise en œuvre de l’accord, y compris la délicate question de la levée (et de la possible réintroduction) des sanctions de l’ONU. Et pour rédiger le préambule politique, dans lequel l’Iran s’engageait formellement à ne jamais chercher à se doter de l’arme nucléaire.

Après de multiples crises et discussions parallèles, l’accord a finalement été conclu le 13 juillet. Mais son annonce officielle fut retardée pour finaliser la déclaration conjointe et régler les aspects protocolaires, malgré les réticences françaises, certains préférant rentrer à Paris pour la fête nationale. On ne pouvait toutefois pas attendre un jour de plus. Il fut donc décidé d’annoncer l’accord le matin du 14 juillet, laissant à Fabius le temps de rentrer à Paris pour les célébrations de la prise de la Bastille dans l’après-midi.

Il avait été convenu que tous les ministres monteraient sur la scène du siège de l’ONU à Vienne, mais que seuls Mogherini et Zarif prendraient la parole, lisant le même texte, en anglais et en farsi.

«Aujourd’hui est un jour historique», furent les premiers mots. «Personne n’a jamais pensé que ce serait facile. Les décisions historiques ne le sont jamais. Mais malgré les rebondissements, les difficultés rencontrées lors des négociations et les nombreux reports, l’espoir et la détermination nous ont permis de surmonter tous les obstacles. Nous avons toujours eu conscience de notre responsabilité envers notre génération et celles à venir».

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