(Roma, 11 juillet 2025). Fait rare pour le militaire le plus haut gradé de France, le chef d’état-major des armées tient une conférence de presse ce vendredi 11 juillet. Il doit donner un discours «structurant pour l’avenir de nos armées», deux jours avant de nouvelles annonces «majeurs» en matière de défense par Emmanuel Macron
Un discours «structurant pour l’avenir de nos armées»
L’objet du discours du chef de l’état, «c’est bien de reparler des menaces et d’en tirer les conclusions en matière d’efforts de défense et de financement associés», a indiqué l’Élysée, pour qui ce sera un «discours structurant pour l’avenir de nos armées».
Une prise de parole rare pour un chef d’état-major
Une telle prise de parole pour le chef d’état-major des armées est très rare. En effet, c’est la première fois depuis septembre 2021 que ce militaire, le plus haut gradé en France, se prête à cet exercice.
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En outre, cette conférence de presse intervient quelques jours après une autre intervention inédite du patron de la DGSE Nicolas Lerner à la télévision.
Vers une hausse de l’effort de défense
Ces dernières années, en Europe comme de l’autre côté de l’Atlantique et d’autres pays dans le monde, la tendance est à l’augmentation du budget consacré à la défense.
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En France, la loi de programmation militaire se chiffre à 413 milliards d’euros pour les armées entre 2024 et 2030, avec des augmentations budgétaires annuelles de 3 milliards. Le mois dernier, les pays de l’OTAN se sont engagés à investir 5% de leur PIB en faveur de la défense et de la sécurité en 2035.
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Dans le détail, les alliés veulent allouer «au moins 3,5 % du PIB annuellement» pour les dépenses militaires, et 1,5% supplémentaire pour la sécurité au sens plus large comme la «protection des infrastructures critiques» et la défense des «réseaux».
Qui est le général Thierry Burkhard ?
Il est le militaire le plus haut gradé du pays. Thierry Burkhard, 60 ans, est devenu chef d’état-major des armées le 7 juillet 2021.
Saint-cyrien, il a d’abord choisi de servir dans l’arme de l’infanterie, indique le ministère des Armées sur son site.
Parachutiste en Corse puis «promu capitaine en 1992, il est successivement officier adjoint puis commandant de compagnie», détaille le ministère. Thierry Burkhard est projeté en Guyane, en Irak, en Ex-Yougoslavie, au Tchad, au Gabon ou encore en Afghanistan. En septembre 2013, il était devenu conseiller du coordonnateur national du renseignement à la présidence de la République.
«Pas de retour en arrière» : le chef d’état-major des armées fait un «tour d’horizon des menaces»
Thierry Burkhard fait un «tour d’horizon des menaces» et parle d’un «environnement stratégique marqué par des crises qui se superposent les unes aux autres et s’additionnent sinon se multiplient». «Il y a 30 ans, le CIRC estimait qu’il y avait 30 conflits, contre 120 aujourd’hui», illustre-t-il, parlant de «changement de référentiel».
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Le chef d’état-major des armées «peine à discerner quelles pourraient être les portes de sortie ou de stabilisation à court terme». Il dit ne pas voir «de retour en arrière à échéance visible», concède-t-il.
Thierry Burkhard affirme que «la menace terroriste reste présente»
«La menace terroriste reste présente» sur le territoire national, affirme le général. «Même si nos forces de sécurité intérieure et de sécurité et les services de renseignement ont beaucoup progressé et sont aujourd’hui plutôt capables de déjouer les attaques prévues plutôt que de devoir les traiter et en gérer les conséquences», ajoute-t-il toutefois.
Le chef d’état-major des armées met en garde contre «les risques liés au changement climatique»
Listant les menaces qui planent sur la France, le chef d’état-major des armées met en garde contre «les risques exogènes liés au changement climatique».
«Le changement climatique joue un rôle et ses effets se feront sentir de plus en plus dans l’avenir», ajoute Thierry Burkhard, affirmant qu’on «le ressent nous-même sur le territoire national».
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C’est «forcément quelque chose qui met en tension les moyens de l’État», «les armées doivent l’anticiper», affirme le général. «Le mode privilégié est la désinformation» : Thierry Burkhard affirme que la «cohésion nationale» est ciblée. Pour lui, les menaces qui planent sur la France ciblent «la cohésion nationale», «le centre de gravité de notre pays».
La cohésion nationale «fait notre force mais peut être source de faiblesse», affirme Thierry Burkhard.
Pour le général, la cohésion nationale peut «dissuader» mais peut aussi «inhiber notre capacité de réaction et notre volonté de se défendre». «Donc on comprend pourquoi nos compétiteurs et nos adversaires ont intérêt à attaquer cette cohésion nationale», dit-il.
Et Thierry Burkhard d’ajouter : le «mode privilégié est la désinformation», affirmant que «ces menaces sont difficiles à contrer et à attribuer formellement».
Pour le chef de l’état-major des armées, il est «difficile de percevoir des voies de sortie de crise» au Moyen-Orient
S’exprimant à propos de la situation du Proche et Moyen-Orient, Thierry Burkhard affirme qu’on «assiste à une rupture stratégique des équilibres depuis le 7 octobre avec un déchaînement de violences». Selon lui, il est «difficile de percevoir des voies de sortie de crise».
Le chef de l’état-major des armées affirme que la France est «espionnée»
«On est espionné», confie Thierry Burkhard. «On n’est pas épargné par les effets de la compétition dans le domaine économique et technologique en particulier», explique le chef de l’état-major des armées.
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«On fait l’objet de campagnes de dénigrement», indique-t-il. Thierry Burkhard cite notamment une récente campagne menée par la Chine qui visait «à discréditer notre industrie d’armement, notamment le Rafale».
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Pour le chef de l’état-major des armées, la Russie «constitue une menace durable»
«La Russie est partie prenante de toutes les menaces», estime le chef de l’état-major des armées, qui juge qu’elle «constitue une menace durable, proche et la plus dimensionnante». «C’est une vraie puissance conventionnelle et nucléaire», ajoute Thierry Burkhard, parlant d’un «modèle d’armée complet jusqu’au bout des ongles». «Le Kremlin a fait de la France une de ses cibles prioritaires», souligne-t-il. La Russie juge «la France comme son principal adversaire en Europe», selon le chef d’état-major français.
La Russie mène une «guerre informationnelle» contre la France
S’exprimant sur la «guerre hybride» menée par la Russie contre la France, le chef de l’état-major des armées mentionne la «guerre informationnelle», notamment en Afrique. «Ils ciblent les pays où on est», ajoute-t-il.
Thierry Burkhard mentionne également les «proxys en France via des agents jetables», citant notamment «les Moldaves arrêtés dans l’affaire des étoiles de David», «les cercueils devant la Tour Eiffel» ou encore «les punaises de lit durant les JO». «C’est quelque chose qui sature l’espace et on ne peut pas nier une certaine efficacité», ajoute Thierry Burkhard.
Satellites, sous-marins, cyber… L’objectif de la Russie est «d’affaiblir l’Europe et démanteler l’OTAN»
Ciel, espace, mers et océans, cyber… Pour Thierry Burkhard, la menace russe se retrouve partout. «Les Russes avancent masqués», affirme-t-il.
Ils pointent par exemple la menace «préoccupante» des sous-marins russes ou encore «des indices de volonté de militarisation dans l’espace» avec l’introduction de satellites spécialisés». «Affaiblir l’Europe et démanteler l’OTAN, c’est l’objectif de Vladimir Poutine», martèle Thierry Burkhard.
Le chef de l’état-major des armées «ne craint pas un retrait total américain». «Ce n’est pas dans leur intérêt», assure-t-il.
«Néanmoins, la nécessité pour les Européens d’augmenter leur capacité de défense est quelque chose d’essentiel», ajoute Thierry Burkhard.
Thierry Burkhard pointe «une forme d’accoutumance à la violence qui augmente»
«Consciemment ou inconsciemment aujourd’hui», Thierry Burkhard pointe «une forme d’accoutumance à la violence qui augmente». «Est-ce qu’il y a cinq ans on aurait considéré normal qu’un État tire 300 missiles sur un autre et qu’on dise qu’en fait ce n’est pas très grave car il y en a 95% qui ont été interceptés ?», s’interroge-t-il. «En fait, c’est très grave et ce n’est pas normal», répond-t-il.
«La guerre en Europe est déjà là»: Thierry Burkhard souligne «une nécessité de prise de conscience»
«Le risque de guerre en Europe, ce n’est pas qu’il existe, c’est qu’il est déjà là», affirme le général Burkhard.
Le chef de l’état-major des armées ne veut pas «faire peur aux Français» mais pointe «une nécessité de prise de conscience». «La cohésion nationale ne peut pas se trouver s’il n’y a pas prise de conscience du monde dans lequel on vit», ajoute-t-il.