Des manifestants anti pouvoir au Liban ont laissé éclater leur colère notamment à Tripoli, dans le nord du pays, face à la profonde crise économique ayant alimenté à l’automne un puissant mouvement de contestation et qui continue de s’aggraver en pleine pandémie du Covid-19. Un jeune homme de 26 ans a été tué dans la nuit de lundi à mardi, selon une organisation de secouristes à Tripoli, durant de violents affrontements entre l’armée et des centaines de manifestants. Fawaz Fouad al-Saman est tombé dans le coma après avoir été blessé à une cuisse par un tir à balle réelle, a indiqué à l’AFP sa sœur Fatma, accusant l’armée d’en être responsable. « Il était descendu (dans la rue, ndlr) pour réclamer ses droits, il n’était pas armé et n’a pas jeté de pierres sur l’armée », a-t-elle assuré, le qualifiant de « martyr de la révolution ».
Des scènes de guérilla urbaine se sont poursuivies jusqu’à tard dans la nuit, dans une ville – la deuxième plus importante du pays – envahie par la fumée des gaz lacrymogènes et où retentissaient des tirs de semonce, d’après un vidéaste de l’AFP.
Un vingtaine de personnes ont été blessées, tout comme 40 militaires selon l’armée. Cette dernière a annoncé que trois banques avaient été incendiées et neuf individus interpellés pour des jets de pierre. Depuis plusieurs jours, le Liban connaît un regain de tensions et les manifestants ont relancé leur mobilisation pour dénoncer, en plein ramadan, une inflation galopante et une dépréciation sans précédent de la livre libanaise, tandis que plusieurs banques ont été vandalisées à travers le pays.
Mardi, le ministre de l’Economie Raoul Nehmé a reconnu une hausse des prix de 55 %. Cette inflation est quotidiennement dénoncée sur les réseaux sociaux, alors que par exemple les couches pour bébé sont passées de 20.000 à 30.000 livres libanaises (de 5 à 6 dollars environ), et le kilo de viande de 18.000 à 32.000. Au marché noir, la monnaie locale a dépassé le seuil des 4.000 livres pour un dollar, tandis que le taux officiel de 1.507 livres est resté inchangé. Le gouvernement planche sur un plan de relance économique, mais celui-ci n’a toujours pas été finalisé.
« Jusqu’à maintenant, le gouvernement n’a rien fait, si ce n’est suspendre le paiement des eurobonds », déclare à l’AFP l’économiste Sami Nader, en référence au défaut de paiement de la dette du Liban. Le pays se dirige « vers une explosion sociale inévitable, avec une monnaie qui a perdu près de 200 % de sa valeur, et la baisse du pouvoir d’achat », ajoute-t-il.
L’Association des Banques du Liban a annoncé la fermeture des agences à Tripoli, en raison « des attaques et actes de vandalisme ».
De son côté, le Premier ministre Hassan Diab a néanmoins récemment annoncé que, durant les deux premiers mois de l’année, les banques avaient perdu 5,7 milliards de dollars (5,2 mds EUR) dont la majeure partie aurait été transférée vers l’étranger. (Médias/AFP)