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Après le missile houthi sur Tel-Aviv : vers une riposte stratégique et des scénarios d’action

(Rome, Paris, 04 mai 2025). Les débris qui se sont abattus sur l’aéroport Ben Gourion constituent non seulement une urgence sécuritaire pour Israël, mais un signal d’alarme pour l’ensemble du système des équilibres régionaux. Le missile hypersonique Houthi, ayant échappé aux défenses les plus sophistiquées au monde, a brisé un tabou stratégique et amené le conflit yéménite aux portes de Tel-Aviv. Alors que Netanyahu convoque son cabinet de sécurité, le Moyen-Orient se prépare à une nouvelle escalade qui pourrait bouleverser à jamais les règles du jeu militaire dans la région

L’attaque au missile des Houthis contre l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv représente un tournant dans la stratégie militaire israélienne. Alors que Netanyahu convoque un conseil de guerre, les analystes militaires esquissent une série d’options susceptibles de redessiner les équilibres régionaux, avec de profondes implications pour la sécurité de l’aviation civile et la stabilité économique d’Israël, selon l’analyse du général Ivan Caruso dans les colonnes de «Formiche.net».

L’échec des systèmes Arrow 3 et THAAD à intercepter le missile hypersonique yéménite a révélé une vulnérabilité critique dans les défenses israéliennes, pourtant réputées parmi les plus avancées au monde. Selon des sources militaires, le missile aurait atteint des vitesses hypersoniques grâce à une technologie dérivée des systèmes iraniens, rendant les dispositifs d’interception conventionnels inefficaces. La rupture de l’accord tacite avec Washington – qui avait demandé à Israël de modérer ses attaques contre le Yémen pour favoriser une solution diplomatique – pourrait désormais ouvrir la voie à une opération conjointe anglo-américaine.

Les précédentes opérations d’Israël contre les Houthis fournissent un cadre instructif mais ne constituent qu’un prélude. Les raids de l’opération «Long Arm» (juillet-septembre 2024) ont frappé des infrastructures portuaires critiques telles qu’Al-Hodeïda et les dépôts de carburant de Ras Issa, détruisant des millions de barils de pétrole iranien. Mais ces opérations, bien qu’efficaces, n’ont pas empêché les Houthis de reconstruire et d’améliorer leurs capacités balistiques avec l’aide de l’Iran.

Les options les plus probables pour une riposte incluent une campagne systématique contre les bases de missiles cachées dans les montagnes yéménites. Les F-35 israéliens pourraient utiliser des bombes anti-bunker GBU-57 pour frapper des lanceurs souterrains, tandis que les F-15 Strike Eagles, armés de missiles Rocks à longue portée, resteraient à distance des défenses aériennes, démontrant ainsi une capacité de projection de puissance inédite dans la région.

Une escalade significative, ajoute le général Ivan Caruso, pourrait viser le port d’Al-Hodeïda, nœud vital pour les approvisionnements iraniens. Son blocus ou sa destruction paralyserait les capacités de combat des Houthis, mais aggraverait aussi la crise humanitaire dans un pays déjà ravagé par la guerre. La présence stratégique des KC-46 et KC-135, déjà positionnés pour soutenir les opérations américaines au Yémen, pourrait faciliter les raids conjoints à longue distance, les bases saoudiennes servant de hubs logistique pour les F-16CJ spécialisés dans la suppression des défenses aériennes.

La réponse israélienne devra trouver un équilibre entre l’impératif de représailles et le risque d’une escalade régionale impliquant l’Iran. L’association de la puissance aérienne et des forces spéciales pourrait être au cœur de la stratégie, un modèle d’opérations conjointes et intégrées susceptible de redéfinir les interventions militaires en mer Rouge. Le commando de «Shayetet 13», fort de son succès à Batroun (Liban), dispose désormais d’une précieuse feuille de route opérationnelle : les commandos pourraient s’infiltrer via sous-marin depuis la baie d’Aden, se déplaçant à la fois le long de la côte et pénétrant profondément dans l’arrière-pays montagneux yéménite, où se trouvent les principaux sites de lancement et dépôts de missiles. Ces opérations permettraient de recueillir des renseignements en temps réel et de désigner des cibles pour les F-35. Le scénario le plus probable verrait une opération synchronisée où les forces spéciales israéliennes, utilisant de petits avions furtifs comme ceux déjà testés en Iran, neutraliseraient les installations radar côtières, ouvrant la voie aux frappes aériennes. Les F-35 interviendraient avec des frappes sur les dépôts de missiles, tandis que les F-15 viseraient des objectifs secondaires à l’aide des missiles Rocks à 300 km de distance. Les unités «Shayetet» pourraient également mener des opérations sous-marines contre le port d’Al-Hodeïda, en utilisant potentiellement des mines ventouses sur les navires iraniens, à l’ancre, pour couper la ligne d’approvisionnement cruciale des Houthis.

La dimension anglo-américaine dépendra de la géographie et de la politique. Les 2.000 km de distance entre Israël et le Yémen rendent indispensable le soutien logistique américain : les KC-46 seraient essentiels pour ravitailler les F-35 en vol, tandis que la base Prince Sultan deviendrait le tremplin opérationnel. La présence de forces spéciales américaines et britanniques dans la région suggère une possible répartition des rôles : Israël frapperait des cibles prioritaires telles que des sites de lancement de missiles, tandis que les forces anglo-américaines se concentreraient sur la destruction de l’infrastructure logistique.

Une opération israélienne unilatérale reste techniquement possible, mais stratégiquement risquée. La principale vulnérabilité serait la longue ligne de communication, exposée aux attaques iraniennes tout au long du golfe Persique. Le soutien américain n’impliquerait pas nécessairement une participation directe : Washington pourrait se limiter à fournir des renseignements satellitaires et un soutien logistique, permettant à Israël de conserver le contrôle opérationnel tout en maintenant une posture politiquement défendable.

La décision finale dépendra du calcul de Netanyahu : démontrer la capacité d’Israël à agir de manière autonome ou accepter un soutien international pour assurer le succès de l’opération. Dans les deux cas, la combinaison de frappes aériennes et d’opérations spéciales représenterait un saut qualitatif dans la projection de puissance à long rayon d’action d’Israël.

Le facteur Trump complique l’équation stratégique. Le président américain, qui avait appelé à la retenue au Yémen pour tester une approche diplomatique, pourrait désormais voir l’échec de cette approche comme une opportunité de démonstration de force conjointe.

Sur cet échiquier complexe, où chaque mouvement peut entraîner des conséquences imprévisibles, la prochaine décision de Netanyahu pourrait redéfinir non seulement la sécurité israélienne, mais tout l’équilibre des forces au Moyen-Orient, établissant un nouveau paramètre pour les opérations militaires dans la région.

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