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Explosion à Bandar Abbas : entre hypothèse d’un attentat contre l’Iran et soupçons de sabotage visant Trump

(Rome, Paris, 27 avril 2025). Nombreux sont qui ont pensé qu’il s’agissait d’une répétition de la catastrophe du port de Beyrouth il y a plus de quatre ans, lorsqu’une explosion dévastatrice avait frappé vendredi le port de Chahid Rajaï à Bandar Abbas, stratégiquement situé à l’embouchure du golfe Persique, en Iran. Le bilan, encore provisoire, fait état de 14 morts (29 selon une source locale, Ndlr) et plus de 750 blessés, aggravé par de multiples incendies toujours actifs dans la zone, générant un épais nuage toxique. Les causes de l’accident restent officiellement inconnues, mais des soupçons d’acte de sabotage commencent à émerger, amenant les observateurs internationaux à s’interroger sur l’avenir de la stabilité régionale, explique Paolo Mossetti dans «Inside Over».

Le timing de l’explosion est significatif. L’incident s’est produit alors que les négociateurs iraniens et américains se réunissaient à Oman pour un troisième cycle de discussions visant à réduire les tensions et à relancer les pourparlers nucléaires. Le port touché gère plus de 55 % des exportations et importations iraniennes et 90 % du trafic de conteneurs, ce qui représente une infrastructure vitale pour l’économie de la République islamique.
L’explosion a été provoquée par du perchlorate de sodium, une substance entrant dans la composition de carburants solides pour missiles, affirme une source locale anonyme. «L’incendie est sous contrôle mais n’est toujours pas maîtrisé», a indiqué dimanche un correspondant de la télévision d’État présent sur les lieux, tandis qu’une épaisse fumée noire était visible derrière lui. Les pompiers tentent de contenir les flammes, plus de 20 heures après le sinistre.

Les premières analyses indiquent trois foyers distincts : un dans l’entrepôt de Sina, un dans le parc à conteneurs et un dans l’entrepôt d’Onik. Une dynamique qui rend difficile l’attribution de l’événement à un simple accident industriel, alimentant l’hypothèse d’une action coordonnée.

Le contexte géopolitique : la théorie du «piège de guerre»

Au cours des 10 à 15 dernières années, alors que la guerre de l’ombre entre Israël et l’Iran s’est intensifiée, une théorie stratégique baptisée «le piège de la guerre» a fait son apparition à Téhéran : selon cette vision, Israël cherche à provoquer l’Iran afin qu’il réagisse militairement de manière ouverte, pour l’entraîner dans un conflit plus vaste et potentiellement dévastateur.

Dans ce cadre, les attaques de sabotage, les opérations secrètes et les assassinats ciblés seraient des instruments délibérés pour pousser l’Iran vers l’escalade.

Sur ce thème : «Ils savaient tout sur lui, même l’après-rasage qu’il utilisait». C’est ainsi qu’Israël a tué le chef du programme nucléaire iranien

Une dynamique que de nombreux analystes, comme l’Irano-Américain Sina Toossi du «Center for International Policy», estiment avoir déjà eu lieu lors de la campagne d’attaques contre les scientifiques travaillant sur l’énergie nucléaire et les infrastructures énergétiques iraniennes ces dernières années.

Jusqu’à présent, les dirigeants iraniens (des représentants «réformistes» jusqu’au Guide suprême Ali Khamenei) ont maintenu une ligne de prudence extrême. Même après que l’Iran a lancé des missiles sur Israël en 2024, suivi d’une réponse israélienne limitée, Téhéran est rapidement revenu à privilégier la maîtrise de soi pour éviter une guerre totale.

Mais le débat interne est houleux. Les critiques de cette ligne craignent qu’une trop grande retenue ne puisse fragiliser la dissuasion iranienne, encourageant de nouvelles attaques et porter atteinte à la position stratégique du pays. Certains observateurs, citant la relative passivité du Hezbollah après le début de la guerre de Gaza, avertissent que l’absence de réponse pourrait avoir des coûts similaires à ceux d’un conflit armé.

Un possible tournant ?

Si la preuve devait émerger que l’explosion de Bandar Abbas est le fruit d’un sabotage, et si, (comme beaucoup le soupçonnent, Israël en est derrière) la pression intérieure sur Téhéran pourrait augmenter de manière significative, et les ayatollahs les plus maximalistes gagneraient du terrain, incitant l’Iran à reconsidérer sa stratégie d’endiguement.

Selon Toossi, si les attaques occultes devaient se multiplier, «le débat interne pourrait se déplacer vers ceux qui réclament une réponse forte et ouverte». Une perspective qui risque non seulement de compromettre les négociations nucléaires en cours, mais aussi de déclencher une escalade régionale incontrôlable.

Il ne faut pas oublier que ce scénario se développe alors que l’administration Trump, de retour à la Maison Blanche, cherche un nouvel équilibre dans la gestion du dossier iranien. Si d’une part, Trump semble moins enclin à s’engager dans un conflit direct que lors de son premier mandat, de l’autre, il subit d’importantes pressions internes, notamment de la part de ses alliés pro-Israël, pour maintenir une ligne dure.

Pour l’heure, il n’existe toujours aucune preuve concernant les causes de l’explosion. Mais le climat diplomatique ne permet pas d’exclure même les hypothèses les plus sensationnalistes, à savoir qu’il s’agirait d’une tentative de sabotage des négociations. Téhéran ne serait pas la seule cible : même la tentative de Trump d’éviter une nouvelle «guerre éternelle» au Moyen-Orient, pourrait également être altérée.

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