(Rome, Paris, 19 avril 2025). Les deux États entendent poursuivre les négociations sur le nucléaire. Les premiers résultats positifs vers une voie diplomatique commune émergent des discussions à Rome
La capitale italienne se trouve au cœur de la diplomatie internationale, non seulement en raison de la visite du vice-président américain, J.D. Vance, à la suite du voyage de la Première ministre Giorgia Meloni à Washington. En accueillant, bien que ce soit à l’ambassade du Sultanat d’Oman à Rome, le tout déplacé en Italie pour des raisons logistiques, le deuxième cycle de négociations confidentielles entre les États-Unis et l’Iran sur le dossier nucléaire, Rome gagne en importance dans la construction d’un cadre de négociation solide pour trouver une voie de cogestion du programme nucléaire iranien. La médiation omanaise, confiée au ministre des Affaires étrangères Badr al-Boussaïdi, reste centrale après le lancement des négociations à Mascate. Les délégations étaient dirigées par Steve Witkoff pour les États-Unis et Abbas Araghchi pour Téhéran. Une rencontre avec le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, était prévue pour les trois protagonistes, mais aucune information officielle n’avait été communiquée au moment de la rédaction de cet article, écrit Ferruccio Michelin dans «Formiche.net».
Au cœur des négociations se trouvaient la question de l’enrichissement de l’uranium, l’avenir des sanctions et, plus généralement, la crainte que le programme nucléaire iranien ne devienne une capacité militaire. Witkoff réaffirme que la ligne rouge pour Washington reste la «militarisation» du programme, tout en laissant une marge pour un usage civil sous des contrôles internationaux stricts. Mais au-delà des aspects techniques, le contexte reste compliqué en raison des dynamiques géopolitiques et des fragilités internes.
La rencontre romaine avait un objectif qui a apparemment été atteint : définir la suite des négociations, c’est-à-dire consolider les deux premiers contacts en un véritable parcours de discussions. Les détails suivront, les résultats sont attendus par toutes les parties, expliquent des sources bien au fait. «Le deuxième cycle de discussions a duré quatre heures aujourd’hui et a été fructueux», confie l’une des sources. «Les deux parties ont convenu de poursuivre les discussions pendant quelques jours supplémentaires au niveau opérationnel, après quoi une autre série de pourparlers de haut niveau aura lieu samedi prochain», sans précision sur le lieu.
Le ministère des Affaires étrangères d’Oman a publié une déclaration à l’issue des pourparlers, soulignant que les deux parties «ont convenu d’entrer dans la phase suivante» des négociations avec pour objectif la signature d’«un accord juste, durable et contraignant qui garantisse que l’Iran soit complètement exempt d’armes nucléaires et de sanctions, tout en conservant sa capacité à développer l’énergie nucléaire pacifique».
Tensions internes en Iran
Comme l’a souligné Sara Bazoobandi de l’Institut Giga, «l’Iran est confronté à une situation interne délicate», ce qui pourrait se refléter dans les discussions : «Outre une grave crise économique, le fossé entre les autorités et la population s’est creusé depuis 2022, notamment après la vague de protestations». Des tensions existent également au sein même de l’establishment : le conflit entre conservateurs et pragmatiques risque de compromettre la durabilité politique de tout accord.
Bazoobandi a également souligné une différence substantielle par rapport au JCPOA de 2015 : «À l’époque, un consensus multilatéral était garanti par le format P5+1. Aujourd’hui, ce cadre est absent, et les puissances régionales, notamment Israël et les pays du Golfe, continuent de voir avec méfiance toute ouverture envers Téhéran», a expliqué Bazoobandi lors de la table ronde «Prêts pour un accord ?» organisé par l’ISPI.
Les ambiguïtés stratégiques américaines
Du côté américain, la ligne semble moins claire, fruit de l’approche ambiguë bien connue de Trump, qui met sur le même plan les opportunités diplomatico-économiques et la pression, y compris militaire. Comme l’a expliqué Richard Nephew, de l’Université Columbia, «alors que les administrations précédentes avaient un objectif clair : contenir le programme nucléaire iranien, aujourd’hui, l’administration Trump affiche de profondes divisions internes. Certains appellent à l’élimination totale du programme, tandis que d’autres jugent cette position excessive». Ce désalignement rend plus difficile l’élaboration d’une stratégie cohérente, mais offre aussi une plus grande flexibilité dans les négociations.
Nephew ajoute que le véritable problème reste la transparence : «Le programme nucléaire iranien est né dans le secret, et même un retour au JCPOA ne rétablirait plus la «fenêtre d’un an» pour réagir à une éventuelle course à l’arme nucléaire, en raison des progrès technologiques réalisés par Téhéran».
Entre dissuasion régionale et calcul politique
L’aspect intérieur est étroitement lié aux considérations de sécurité. Ali Vaez, de l’International Crisis Group, a souligné comment les forces modérées en Iran gagnent du terrain, poussées par la crainte d’une nouvelle agitation sociale et par la perception d’un affaiblissement de la dissuasion régionale de l’Iran (au Liban, en Syrie et dans les territoires palestiniens). Néanmoins, Téhéran conserve des capacités défensives et offensives, notamment en Irak et au Yémen.
Vaez relève les divergences régionales : alors que de nombreux pays arabes soutiennent les négociations pour éviter l’escalade, Israël reste fermement opposé. «Il ne s’agit pas d’un enrichissement de l’uranium, mais de l’enrichissement de l’Iran», a-t-il déclaré. Pour Israël, tout accord qui confère des avantages concrets à un régime perçu comme hostile est inacceptable.
Que peut-on attendre après Rome ?
Malgré les distances et surtout le climat de méfiance qui pèse depuis des années, la volonté de poursuivre le dialogue semble partagée. L’Iran a intérêt à réduire la pression économique et politique intérieur, tandis que les États-Unis cherchent à éviter une escalade militaire au Moyen-Orient, dans une optique de poursuite des efforts de normalisation des relations lancée par l’Arabie saoudite (qui a envoyé ces derniers jours l’un des fils du roi Salman à Téhéran pour rencontrer l’ayatollah Ali Khamenei, porteur d’une lettre spéciale du royaume).
Dans un contexte aussi fragile, même un accord partiel pourrait représenter une avancée importante vers la stabilisation régionale. D’autant que Witkoff a rencontré à Paris le ministre israélien des Affaires stratégiques, Ron Dermer, également signalé à Rome aujourd’hui, bien qu’aucune annonce officielle n’ait été faite, ainsi que le chef du Mossad, David Barnea. Israël reste totalement opposé à tout accord, craignant que d’éventuelles concessions du président Trump ne finisse par «rétablir» indirectement l’Iran, considéré par l’État hébreu un ennemi permanant.