(Rome, Paris, 23 février 2025). L’inquiétude concernant la santé du pape François est liée à la crainte de voir l’Église catholique privée de son chef et le monde d’un leader spirituel et politique porteur d’un message de paix et de raison dans une période de chaos et de tensions. Jamais auparavant le vide laissé par Sa Sainteté n’a semblé aussi difficile à combler, tant sur le plan religieux et dévotionnel que dans le rôle global de la plus grande institution religieuse de la planète, écrit Andrea Muratore dans «Inside Over».
François et l’espérance de la paix
Dans un monde en proie aux flammes, l’Église de François s’est affirmée comme un véritable architecte, un authentique apostolat de paix. Elle s’inscrit dans la continuité de celle des Papes qui l’ont précédée : celle de Benoît XVI, qui, avec sa «Caritas in Veritate» a façonné l’image d’une doctrine sociale au service de l’humanité ; celle de Jean-Paul II, opposé à toutes formes de totalitarisme et aux guerres au Moyen-Orient du début des années 2000 ; ou encore celles de Paul VI et de Jean XXIII, capables de lire les signes des temps. Avec son pontificat, François a su résumer et intégrer l’héritage de tous les pontificats précédents.
Son action pour la paix a été pleinement «géopolitique» car il a dû se confronter à un monde qui n’avait jamais été aussi chaotique, imprévisible et marqué par des rivalités qui ne l’avait été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un monde engagé dans un affrontement hégémonique entre grandes puissances (États-Unis, Russie, Chine) avec des conflits le long des lignes de fracture stratégiques, une violence omniprésente et des affrontements locaux et identitaires, dans lesquels les périphéries ont pris une place centrale. Et François a su comprendre cette dynamique, en remettant ces périphéries au centre dans ses voyages apostoliques, de la composition du Collège des cardinaux, et de son inlassable action pour la paix. «Spes contra spem», «l’espérance contre toute espérance», a été son moteur pour promouvoir le dialogue partout et incarner «le sel de la terre» faisant de l’Église catholique l’une des dernières grandes institutions émancipatrices encore actives aujourd’hui.
De la médiation entre les États-Unis et Cuba en 2015 à la tentative diplomatique pour arrêter le conflit entre la Russie et l’Ukraine, des prières quotidiennes lors des appels avec les paroisses de Gaza aux efforts de dialogue pour le Soudan du Sud et la stabilisation du Venezuela, sans oublier son attention aux guerres oubliées, du Soudan à la Birmanie, et ses visites pastorales marquantes comme celles en Irak (2021) et en République centrafricaine (2015), l’influence du pontife venu «du bout du monde» s’est fait sentir partout.
François contre la logique de la guerre et de la peur
Conscient que la «Guerre mondiale par morceaux» ou «la Guerre froide 2.0» alimentait un profond désordre mondial de 2013 à aujourd’hui, le Pape François a mobilisé tous les outils de la diplomatie vaticane pour aller à contre-courant dans un monde en feu, promouvant la paix là où la guerre semblait inévitable.
Son objectif ? Travailler à réparer les fractures, apaiser les crises, favoriser le dialogue dans des contextes problématiques car, comme il aimait à le rappeler, «Dieu nous veut en marche». Le programme du pape François a été mis en œuvre en valorisant à la fois le poids moral et diplomatique du Saint-Siège, souvent incarné par le secrétaire d’Etat Pietro Parolin, et sur une action de persuasion spirituelle et idéologique autour du «scandale de la paix». Il n’a cessé de dénoncer les marchands de peur, les financiers des guerres ensanglantant la planète, et les semeurs de discorde.
Jorge Mario Bergoglio, jésuite par formation mais franciscain par son nom, a combiné sa vocation de «pèlerin de la paix» avec la nécessité de dialoguer, sans exclusion, avec les «sultans» du monde entier. Il a promu une vision multipolaire des relations internationales et une conception nuancée d’un ordre mondial fondé sur le dialogue. «Dans le monde, mais pas du monde», du moins pas du monde tel qu’il est aujourd’hui, l’Église de François a construit des ponts là où l’on dressait des murs et des tranchées. Et cela suffit à nous rappeler, comme digne d’attention et de continuité, une action qui, ces derniers temps, a été une piqûre de rappel pour le monde.