(Rome, 6 décembre 2024). La chute de Hama «comme la prise de la Bastille». Pendant ce temps, Israël surveille les événements en Syrie et espère un affaiblissement des deux belligérants
«Lorsque quelque chose se passe à Hama, cela signifie que quelque chose se passe en Syrie». C’est ce qu’a déclaré dans un entretien au quotidien italien «Corriere della Sera» l’écrivain Chady Hamadi, né en Italie d’une mère italienne et d’un père syrien. Ce dernier arrêté et torturé à plusieurs reprises dans son pays parce qu’il était membre du Mouvement nationaliste arabe. Hamadi commente la prise de la quatrième ville de Syrie par les rebelles islamistes, la qualifiant de «bastille» : «si vous prenez Hama, tout change», affirme l’écrivain.
A lire : Syrie : les djihadistes entrent dans Hama, l’heure la plus difficile pour Assad
Et en effet la chute de la ville qui fut en 1982 le théâtre d’un siège lancé par l’armée syrienne pour étouffer la révolte d’une aile radicale des Frères musulmans (40 mille victimes selon les estimations) semble bien marquer un tournant dans la résurgence soudaine de la guerre civile en Syrie, écrit pour sa part Valerio Chiapparino dans «Il Giornale».
Pour le «Wall Street Journal», la prise de Hama signifie qu’une seule ville importante, Homs, reste (pour l’heure, Ndlr) aux mains du gouvernement de Bachar al-Assad sur la route reliant le nord contrôlé par les rebelles à la capitale Damas. «S’ils continuent à ce rythme, explique Dareen Khalifa de l’«International Crisis Group», nous devons sérieusement envisager que le régime pourrait véritablement s’effondrer. À ce stade, c’est une réelle possibilité».
La prise de Homs intervient moins d’une semaine après la conquête d’Alep par le groupe islamiste sunnite et ancien qaïdiste «Hayat Tahrir al-Cham» (HTS), qui, par son avancée fulgurante, a volé la vedette à l’alliance des milices dirigées par les Kurdes de Syrie, les Forces démocratiques (FDS) soutenues par les Américains et en mauvais termes avec les mêmes rebelles pro-turcs dirigés par Mohammad al-Joulani.
Ces dernières heures, face à la perspective d’un effondrement du régime d’Assad, la Russie et l’Iran sont montés au créneau pour apporter leur soutien à leur allié dans la région Bachar (fils de Hafez) al-Assad. Moscou a en effet lancé une série de raids dans le bastion rebelle d’Idlib tandis que Téhéran a envoyé des miliciens chiites d’Irak et le Hezbollah du Liban.
A lire : C’est ainsi que la Syrie peut devenir un terrain d’essai pour Poutine
Plusieurs analystes ont expliqué la débâcle des forces régulières syriennes par le moment de relative fragilité que traversent leurs soutiens internationaux : la Russie aux prises avec la guerre en Ukraine et l’Iran de plus en plus impliqué dans un affrontement direct avec Israël. C’est précisément l’affaiblissement de «l’axe de la résistance» soutenu par Téhéran qui est l’un des facteurs qui a pu avoir la plus grande influence sur l’effondrement de l’armée d’Assad.
A lire : Syrie : l’arme clé des rebelles anti-Assad
«L’Iran est là pour nous et protège les opprimés. Nous sommes des alliés et nous le serons toujours», a déclaré au Washington Post un membre du Hezbollah, dont la direction a récemment été décapitée par Tsahal, démentant ainsi ceux qui affirment que le groupe libanais est trop faible pour aider efficacement le régime syrien. Même s’il n’a déployé, pour l’instant, que ses mandataires au Moyen-Orient et les conseillers militaires des Gardiens de la révolution, le régime des ayatollahs n’exclut pas d’envoyer des éléments de son armée «si Damas le demande».
L’État hébreu s’inquiète également du succès des rebelles islamistes. «Nous surveillons constamment ce qui se passe en Syrie», a déclaré ces derniers jours le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Les généraux de Tsahal lui font échos et affirment qu’ils se préparent à tous les scénarios. Pendant des années, Israël s’est engagé dans une «guerre entre deux guerres» sur le territoire syrien afin de briser le trafic d’armes vers le Hezbollah et a toujours préféré ce que les experts appellent «le diable qu’il connaît» à la victoire des groupes islamistes en Syrie.
«Il est tout à fait clair pour nous qu’il y a d’un côté les djihadistes, et de l’autre, l’Iran et le Hezbollah. Nous voulons qu’ils s’affaiblissent mutuellement», déclare au «Times of Israel» un responsable du gouvernement israélien. C’est toute la stratégie de Netanyahu qui, après Gaza, le Liban et l’Iran, doit tenir compte de la réouverture d’un autre front d’instabilité imprévisible au Moyen-Orient.