(Rome, 05 novembre 2024). «Exit» Yoav Gallant, «inside» Israel Katz : Benyamin Netanyahu change de ministre de la Défense et envoie un message clair, à savoir qu’en Israël, les faucons politiques sont aux commandes et la marge de manœuvre, réservée à la composante des forces armées la plus disposée à contenir l’escalade de la guerre au Moyen-Orient, se réduit de plus en plus, écrit Andrea Muratoré dans «Inside Over».
La nouvelle a fait l’effet d’un coup de tonnerre, tant en raison du caractère soudain de l’éviction de Gallant, après des mois de frictions, qu’en raison du nom de son successeur.
Gallant s’est longtemps efforcé de rappeler au Premier ministre qu’en Israël le pouvoir militaire est tout sauf subordonné à la logique du pouvoir politique, notamment dans sa version ultranationaliste incarnée par la coalition au pouvoir. Le ministre de la Défense avait déjà fait l’objet d’une première mesure de destitution en 2023, après avoir critiqué la réforme de la justice de l’extrême droite au gouvernement, et début 2024 il s’était heurté à Netanyahu sur la volonté du Premier ministre de poursuivre jusqu’au bout la guerre à Gaza.
Gallant a dû assumer un fardeau croissant ces dernières semaines avec l’ouverture du front libanais, l’augmentation des pertes à Gaza et les échanges de coups entre Israël et l’Iran. Face à une guerre qui a vu Israël, depuis les massacres du 7 octobre 2023, payer un lourd tribut en sang, le général qui a dirigé la Défense israélienne a toujours maintenu une attitude pragmatique. Gallant a toujours mené le conflit contre le Hamas en mettant l’accent sur l’objectif de créer un tampon de sécurité pour Israël. Non pas pour des raisons humanitaires, étant donné que l’armée israélienne n’a pas lésiné sur les raids contre les civils et les infrastructures non militaires à Gaza, mais par prudence d’un soldat qui considère la guerre comme une activité destinée à atteindre des objectifs de sécurité. D’où son aversion pour ceux qui, à l’instar des personnalités gouvernementales messianiques et ultranationalistes comme Itamar Ben-Gvir, proposaient d’annexer la bande de Gaza à l’État hébreu une fois la guerre terminée.
Pour gagner une guerre, la stratégie nécessite des objectifs clairs qui tiennent compte des moyens disponibles et des résultats attendus. Yoav Gallant est un exemple de commandant ayant cette approche rigoureuse. Agé de 65 ans, il est diplômé en économie, il s’est forgé un caractère à travers de diverses expériences avant de rejoindre le Shayetet 13, le corps d’élite de la marine israélienne.
En 2009, à la tête des forces israéliennes dans le sud, il dirige l’opération «Plomb durci», l’une des principales opérations contre le Hamas, un ennemi qu’il connaît parfaitement. Depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, Gallant a tenté d’arbitrer entre la nécessité d’une action militaire réaliste et une forte pression en faveur de représailles. Toutefois, il a également critiqué la tendance de Netanyahu à favoriser les divisions internes au sein de la direction de la sécurité, limitant ainsi les contacts directs entre Gallant et des personnalités clés telles que le chef du Mossad, David Barnea, et le chef du Shin Bet, Ronen Bar. En bref, avec son départ du gouvernement, Israël perd une voix qui n’est pas en phase avec la marée montante des faucons millénaristes et messianiques actifs sur tous les fronts.
«Malheureusement, bien que dans les premiers mois de la guerre il y ait eu une confiance et un travail très fructueux, cette confiance s’est fissurée entre moi et le ministre de la Défense au cours des derniers mois», a déclaré Benyamin Netanyahu après le limogeage du ministre de la Défense, cité par la presse locale. Et le Premier ministre d’ajouter : «la plupart des membres du gouvernement étaient d’accord avec moi».
La nomination de Katz est un signe incontestable en ce sens. L’ancien ministre des Affaires étrangères est l’architecte de la campagne politique de détachement entre Tel-Aviv et la communauté internationale. Cependant, cette même communauté à laquelle le Corps des Gardiens de la révolution (CGRI), les soi-disant Pasdarans iraniens, a fait appel en mars en tant qu’organisation terroriste, en publiant sur les profils du ministère l’image de missiles iraniens pleuvant sur le Colisée. Député du Likoud depuis 1998, ancien ministre des Finances et coordinateur des services de renseignement dans les gouvernements précédents de Netanyahu, autrefois partisan de l’installation de colons dans le Golan occupé, de l’annexion de la Cisjordanie et de l’expulsion des familles de terroristes présumés, il a récemment déclaré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, «persona non grata» en Israël. Sa nomination au ministère de la Défense témoigne de la mainmise totale des faucons nationalistes sur les militaires pragmatiques. Avec l’éviction de Gallant, il perpétue une tendance qui, des États-Unis à l’Ukraine, voit les soldats de nombreux pays faire preuve de prudence, par rapport aux politiciens, dans les scénarios de guerre. En envoyant des leçons de pragmatisme qui leur ont souvent coûté leur travail juste pour avoir réellement su ce que sont la guerre et les morts.