Le duo Hezbollah-Houthis. A l’heure actuelle, la propagande est synchronisée, la suite…

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(Rome, Paris, 28 août 2024). Au désordre produit par les Yéménites succède la morphologie de la nouvelle mondialisation. Le risque est désormais que les activités des Houthis soient coordonnées avec celles du Hezbollah. Après tout, le récit et les intérêts se recoupent

Le Hezbollah et les Houthis travaillent pour un projet commun : la guerre dans la bande de Gaza ouverte avec l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 a montré les caractéristiques de ce trait de terreur, qui s’étend du Liban au Yémen, renforçant l’accord entre les deux groupes armés de l’Axe de la Résistance iranienne. Au niveau régional, l’objectif est de produire du prosélytisme et du consensus, renforçant ainsi la base opérationnelle et le contrôle sur des masses et du pouvoir. Au niveau international, cette revigoration de l’entente pourrait être encore plus problématique, ayant des répercussions sur le trafic qui jalonne la route tourmentée Europe-Asie qui passe par la mer Rouge, mais aussi sur les plans de connexion indo-méditerranéens tels que l’IMEC (le Corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe), explique Emanuele Rossi dans son analyse dans les colonnes de «Formiche.net».

Après que le Hezbollah a lancé, il y a trois jours, trois cents missiles contre Israël (presque tous interceptés, les Israéliens ayant procédé à des frappes préventives au Liban), les Yéménites se sont précipités pour célébrer le succès de l’organisation dirigée par Hassan Nasrallah, «satisfaisant» en guise de vengeance de l’élimination de Fouad Chukr, milicien modèle pour les Yéménites, l’un des fondateurs du Hezbollah.

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Le guide spirituel libanais exerce une influence significative sur l’ensemble de l’Axe, notamment sur Abdel Malak Al Houthi, le chef des Zaydites du nord du Yémen. De plus, la dimension narrative antisémite, la lutte contre l’État hébreu au nom des frères palestiniens, a une emprise sur le consensus intérieur endoctriné.

En revanche, les Houthis exploitent «la cause» depuis novembre 2023 : alors que la guerre israélienne dans la bande de Gaza venait de commencer, les Yéménites ont procédé à pilonner les routes indo-méditerranéennes qui passent par Bab el Mandeb et au-delà de Suez. Le prétexte était de frapper des navires liés à Israël en représailles à la guerre contre les «frères palestiniens». Cela a eu pour effet de déstabiliser la connectivité Europe-Asie et de perturber la géo-économie mondiale. Il ne se passe pas un jour sans que l’opération américaine «Poséidon Archer» ne frappe des systèmes d’armes d’attaques au Yémen. Mais les Houthis ne s’arrêtent pas là : ils continuent de tirer des missiles iraniens sur des navires dans la région depuis près d’un an (le dernier en date il y a quelques jours, avec un potentiel désastre environnemental). Ce qui se passe contribue également à l’idée de savoir qui a l’intention de tracer les prochaines routes de la nouvelle mondialisation : un vaste sujet qui implique les pays dits «révisionnistes». À moyen terme, la révision de la gouvernance internationale qu’envisagent la Russie, la Chine et l’Iran (chacun à sa manière, dans son propre intérêt) passe aussi par les nouveaux itinéraires des chaînes d’approvisionnement.

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Mais entre-temps, le coup porté au système de production est évident dans l’avenir immédiat. Selon une étude de «Federmeccanica» (la fédération syndicale de l’industrie métallurgique italienne) citée par le quotidien «Sole 24 Ore», 67% de l’échantillon (analysé parmi les membres) considèrent actuellement les problèmes liés au transport et à la logistique comme «importants», et 40% subissant des coûts et des retards liés à la déstabilisation produite par les Houthis en mer Rouge (qui pèse actuellement dix points de plus que les effets négatifs liés à la guerre russe en Ukraine). D’après les données, 40 % des entreprises interrogées en subissent les conséquences. En particulier, 47 % des entreprises souffrent de délais de livraison plus longs, 41 % d’une augmentation des coûts, 9 % perçoivent une perte de compétitivité et 2 % font état de difficultés accrues pour accéder aux marchés. En général, et non seulement dans le secteur de la métallurgie, une augmentation des coûts logistiques affecte l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement jusqu’au consommateur final. En fin de compte, les Houthis contribuent déjà aux augmentations de prix que nous constatons dans notre vie quotidienne.

Les attaques des Houthis contre la navigation commerciale dans et autour de la mer Rouge ont eu un impact significatif sur l’architecture de sécurité (instable) de la région. La pression s’est déchargée sur la structure de dissuasion américaine (et en partie européenne). Le succès de la campagne yéménite, malgré la réponse américaine et européenne (avec l’opération «Aspides»), compromet la fiabilité de Washington en tant que fournisseur de sécurité régionale, ce qui pourrait affecter la confiance dans le rôle de l’Occident en général. Et c’est également sur cette base que se fonde l’effort en faveur d’une coopération interne au sein de l’axe iranien. Les échanges de coups entre Israël et le Hezbollah reposent en partie sur le concept de dissuasion ; et les Houthis, agissant en dépit du déploiement des forces occidentales, montrent qu’ils ne sont pas intimidés par celles-ci (et qu’ils considèrent cette situation comme une preuve de force).

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Le Hezbollah et les Houthis partagent les tons et les thèmes du discours anti-israélien et anti-occidental et, à cet égard, surmontent leurs différences. Les Houthis ont toujours été plus autonomes par rapport à Téhéran que les autres groupes, ils pratiquent la doctrine Zaydi, ils ont un agenda et une élite indépendants. Mais c’est grâce aux armes iraniennes qu’ils ont obtenu des résultats au cours des huit années de guerre civile et qu’ils ont joué un rôle central au cours de l’année écoulée. L’intégration dans le réseau iranien a été un processus constant, et désormais des organes tels que le Conseil du Djihad, centre de décisions stratégiques du groupe yéménite, sont dotés de conseillers iraniens et libanais (Hezbollah).

«L’assistance du réseau iranien a permis aux Houthis de construire leurs propres usines d’armement (drones), dans le cadre d’un complexe militaro-industriel dans des zones contrôlées», analyse Eleonora Ardemagni, l’une des principales expertes internationales sur le Yémen. Il existe également une assistance technique dans les médias, qui permet de coordonner la propagande. «Ils adoptent un discours politique populiste contre la corruption, avec une idéologie et un programme politique principalement élaborés en réaction contre quelqu’un, plutôt que pleinement exprimés d’un point de vue théorique», écrit Ardemagni dans une analyse pour l’«ISPI» (l’Institut pour les études de politique internationale).

«Ce sont des mouvements enracinés localement qui ont été en mesure de développer un récit national et in fine régional», ajoute l’experte. Le risque majeur est que cette coordination se transforme en une coopération militaire vers des objectifs et des rivaux communs, même communs à (ou pour) leur maîtres/donateurs. Les données en disent long sur le poids des effets de certaines activités. Ce qui se passe en mer Rouge montre que même un acteur non étatique et local peut créer des problèmes mondiaux dans des contextes sensibles, et le Hezbollah, qui surplombe le bassin de la Méditerranée orientale et pas trop loin au nord de Suez, est bien mieux armé que les Houthis.

Le véritable intérêt des Houthis est de se montrer fort aux yeux des interlocuteurs avec lesquels ils discutent de l’avenir du Yémen ; tout comme celui du Hezbollah est de se montrer crédible aux yeux des prosélytes libanais. Ils veulent qu’un territoire soit administré et qu’il soit reconnu d’une manière ou d’une autre. Mais l’opération dans son ensemble produit plus d’effets que prévu, peut-être parce qu’il faut penser que ceux qui ont utilisé les Houthis et leurs revendications pour leurs propres intérêts, tout comme les Yéménites l’ont fait avec les Palestiniens. La morphologie de la nouvelle mondialisation naît donc du désordre produit par les Yéménites.