(Rome, 02 juillet 2024). La stratégie de Macron contre la droite. Mais son hégémonie touche à sa fin
La France a voté, la démocratie a parlé. Mais le lendemain, on sait seulement avec certitude que, une fois la procédure électorale terminée, Gabriel Attal, le jeune Premier ministre recherché par le président Macron, perdra son siège. L’hégémonie de Macron s’estompe, marquant un tournant profond dans l’histoire de la Ve République. Depuis que la durée du mandat présidentiel coïncide avec celle du législatif, on n’a jamais vu un couple portant des maillots d’équipes différentes au sommet des institutions françaises. Il va falloir désormais que cela se produise et que chacun s’accommode d’une nouvelle forme de cohabitation, écrit Gaetano Quagliariello dans les colonnes du quotidien «Il Giornale».
La suite est en cours. Bien sûr : nous savons que la participation a été élevée, bien plus élevée que prévu. Nous savons aussi que la formation de Marine Le Pen a passé avec brio une épreuve de résistance ainsi qu’avec un «stress test», s’affirmant comme le premier parti. Enfin, nous savons qu’est né un nouveau bipolarisme, bien plus polarisée que celui que l’histoire de la Ve République nous a, jusqu’à présent, proposé. Mais au-delà de ces certitudes, nous ne pouvons cependant pas nous aventurer. Le système électoral français, uninominal à deux tours, ne le permet pas. C’est pour cette raison que les tenants du parti vainqueur, à commencer par le candidat au poste de premier ministre Jordan Bardella, sont restés extrêmement prudents : à l’image de ces boxeurs qui adoptent la «garde rapprochée française».
Nous en saurons davantage ce soir à 18 heures. C’est le délai dans lequel les candidats passés au second tour peuvent se retirer s’ils le souhaitent. En France, on appelle cela «le désistement». Cette fois, le passage est vraiment crucial. Un chiffre suffit à clarifier le concept : lors des dernières élections législatives, au second tour, il y a eu moins de 10 compétitions dites «triangulaires» ; dans le cas actuel, 297. Pour tenter d’empêcher le Rassemblement national d’atteindre la majorité absolue, Macron et Mélenchon ont tous deux demandé aux candidats de leurs partis respectifs arrivés troisièmes de s’abstenir, afin de concentrer les voix. Tous les candidats en lice seront-ils prêts à suivre «les conseils des chefs» ? Les inconnues ne se limitent pas à ce point d’interrogation. Car les partisans du Président et ceux de la France Insoumise, LFI (le parti de Mélanchon) se détestent «cordialement». Lequel d’entre eux votera pour quelqu’un qu’ils considéraient jusqu’à hier comme un dur adversaire ? Et combien, plutôt que de le faire, préféreront déserter les urnes ? Un politologue français, Alain Lançelot, a soutenu que les élections en France sont souvent décidées par ceux qui refusent de voter, pénalisant ainsi leur propre camp. Ce qui se passe aujourd’hui confirme sa théorie. Enfin, autre inconnue : que feront les restes des gaullistes, qui ont tout de même réussi à récolter quelques voix ? Il leur est difficile de voter pour les héritiers de Jean Marie Le Pen ; Mais plus encore pour soutenir un candidat d’extrême gauche. Bref, la tentative de Macron de rassembler tout le monde contre le danger de la droite (extrême), comme il était facile de le prévoir, se heurte à divers obstacles : il n’y a plus la «discipline républicaine» d’autrefois ! Aujourd’hui, c’est une voie étroite et à géométrie variable.
Selon les toutes dernières informations en provenance de Paris, deux cents candidats qualifiés pour le second tour, presque tous de gauche ou des macronistes, s’étaient déjà désistés cet après-midi, afin d’empêcher une triangulaire et de contrer le Rassemblement national, dans la plupart des cas. Cette liste peut encore évoluer jusqu’à 18 heures, limite fixée pour le dépôt des candidatures du second tour, qui va se dérouler dimanche 7 juillet.
Ce n’est que dimanche que nous saurons comment cela va se terminer. Les sondages ne manqueront certainement pas. Ils nous en diront moins que d’habitude. De nombreux électeurs se décideront au dernier moment, en fonction de leur ressenti lors de cette semaine cruciale. Si Le Pen obtenait la majorité absolue, nous connaîtrions une cohabitation sans précédent. Autrement, le jeu pour le gouvernement deviendra bien plus imprévisible. Et, si seulement la majorité absolue n’était que de justesse, une alliance entre la droite (extrême) et les gaullistes pourrait même voir le jour.
Ces derniers ne remporteront pas beaucoup de sièges, mais ils pourraient s’avérer décisifs. Quoi qu’il en soit, la Ve République telle que nous l’avons connue jusqu’à présent peut être considérée comme enterrée. Ce qui s’annonce sera à découvrir.