(Rome, Paris, 11 juin 2024). A 20 jours des élections législatives en France, un premier sondage donne le Rassemblement National (RN) à 34% mais les manifestations contre l’extrême droite ont lieu dans le pays. Le président des Républicains (LR) veut signer un accord avec le RN
Alors que le ton monte en France, les sondages donnent le Rassemblement national (RL) vainqueur et le président des Républicains (LR), Eric Ciotti, a confirmé vouloir signer un accord avec le parti de Marine le Pen au JT de 13 heures de TF1 en vue des élections législatives anticipées du 30 juin. Plus tôt dans la journée, il avait déclaré au Figaro qu’il envisageait ce rapprochement avec le Rassemblement national (RN). Ce serait la première fois dans l’histoire de France qu’il y aurait un accord entre le parti héritier des néo-gaullistes et l’extrême droite. Sur le front opposé, des manifestations ont lieu dans toute la France contre ce qui est considéré comme l’arrivée inévitable et imminente de l’extrême droite au pouvoir, tel que rapporté par la «Rai News».
Dans son message aux militants du parti (LR), Ciotti a tenu à expliquer «la décision qui a été la mienne face au contexte politique exceptionnel que nous traversons, car je n’ai jamais cessé de vous parler avec honnêteté et franchise».
«La France et les Français souffrent. Nous le voyons chaque jour : violence dans la rue, explosion de l’insécurité, remise en cause de notre souveraineté, déclin de notre économie, naufrage de nos finances. Le désordre est à la fois dans la rue et dans nos comptes».
Depuis sept ans, «l’immobilisme et l’impuissance du macronisme nous menaient à l’impasse. Depuis deux ans, la situation de majorité relative avait ajouté de dramatiques atermoiements à cette situation», a-t-il expliqué.
La France a besoin de clarté, d’action et de stabilité.
Par la dissolution de l’Assemblée, «Emmanuel Macron a redonné la parole au peuple français. Je ne laisserai pas la parole du peuple être regardée de haut par les commentateurs habituels».
Ce n’est pas nous, mais «les échecs d’Emmanuel Macron et les compromissions de la gauche, qui ont placé le Rassemblement national au niveau où il est aujourd’hui». «Nous en prenons acte. À droite, il y a désormais l’espérance d’une alternance», a-t-il dit.
«Voilà pourquoi j’ai pris mes responsabilités en annonçant une alliance avec tous ceux qui partagent les vraies valeurs de la droite française. Depuis trop d’années, notre famille politique est paralysée par l’existence de courants internes contradictoires. D’aucuns auraient voulu gouverner avec M. Macron, d’aucuns auraient voulu gouverner avec M. Bardella. Depuis deux ans, l’existence de ces deux tendances nous a condamnés à être inaudibles», a ajouté Eric Ciotti.
Aujourd’hui, nous devons parler avec clarté.
«M. Macron ne disposera jamais des forces suffisantes pour construire une majorité. Nous ne pouvons pas poursuivre sur le chemin, intolérable pour le pays, d’une majorité relative instable. Et nous ne pouvons certainement pas abandonner le pays à la nouvelle ‘NUPES’. Pour moi, jamais les Insoumis (au cœur de cette alliance honteuse avec les autres partis de gauche) ne doivent gouverner le pays. Je mesure les réticences soulevées par cette décision, elles sont la conséquence inéluctable de nos trop longues contradictions internes. Mais je mesure aussi l’espérance que cette décision fait naître dans le peuple de droite, que je sais, comme vous l’êtes, majoritairement favorable à cette union d’alternance, où nous ne perdrons ni notre âme ni notre identité, ni – surtout – l’avenir du pays».
«Je mesure les réticences soulevées dans le microcosme politico-médiatique, mais je ne me suis pas engagé en politique pour renoncer à mes convictions. Je suis entré en politique pour porter la voix des Français de droite, et pour porter la voix des militants que vous êtes. Tel est le combat que je veux porter».
«En 2022, vous m’avez élu à la présidence de notre famille politique pour incarner une opposition ferme à Emmanuel Macron. Je tiens cette ligne sans m’en détourner».
Et Ciotti de conclure : «Ma conviction profonde a toujours été que la politique demande clarté, honnêteté et sincérité. Assez des circonvolutions, avançons !
Pour la France, j’ai besoin de votre confiance !».
La volonté d’Eric Ciotti d’établir une alliance avec le Rassemblement national a fait réagir dans les rangs des Républicains, de nombreux cadre fustigeant sa décision.
Des élus menacent de rendre leur carte
«Je suis furieux ! Je me sens trahi. C’est inacceptable» tempête Nicolas Forissier. Le chef de file des Républicains dans l’Indre, figure historique de la droite, député sortant et candidat à sa réélection, ne décolère pas. Il annonce se mettre immédiatement en retrait de sa famille politique, en attendant la démission du président des LR, et prévient qu’il ne restera pas « dans une famille politique dirigée par Eric Ciotti».
Même colère pour la sénatrice LR Frédérique Gerbaud. «Je demande la démission d’Eric Ciotti. Nous ne voulons ni d’une alliance avec le RN, ni avec Emmanuel Macron. C’est une question de valeur». La sénatrice menace de quitter le parti si Eric Ciotti devait en rester le président. Mais si LR en vient à négocier avec le RN, c’est que le parti de Marine Le Pen a su convaincre les électeurs de sa capacité à possiblement gouverner. Une situation dans laquelle la sénatrice Gerbaud reconnait avoir, à l’instar de l’ensemble de la classe politique, une part de responsabilité. «C’est notre échec à nous tous. Nous n’avons pas su convaincre et rassurer nos électeurs qui se sont détournés de nous».
Le maire de Châteauroux, Gil Avérous, se félicite de son côté d’avoir rendu sa carte LR il y a six mois. «Je ne comprends pas cette position, elle contribue à décrédibiliser les politiques nationaux là où on en avait vraiment pas besoin. C’est complétement inconséquent et ça fait du mal à la politique en général».
La presse transalpine rapporte que Jean-François Copé indique qu’«Eric Ciotti ne parle qu’en son nom personnel. Il doit démissionner immédiatement de la présidence des Républicains, son éloge de l’extrême droite est inacceptable et contraire à toutes les valeurs que nous défendons».
François Baroin, maire de Troyes et président des LR de l’Aube, a pour sa part déclaré que «l’annonce solitaire du président des Républicains d’un rapprochement avec le RN, à l’occasion de ces élections, est à l’opposé du pacte fondateur de notre famille politique. Cette décision l’engage personnellement et non Les Républicains. Je regrette profondément cette démarche».
Guilhem Carayon, président des Jeunes Républicains, indique quant à lui faire avec Eric Ciotti «et des milliers de militants LR le choix du courage et du bon sens».
Céline Imart, candidate aux européennes, soutient Eric Ciotti et précise que «face au danger de la Nupes V2 et face à l’impuissance du macronisme qui laisse la France exsangue, l’urgence est au redressement du pays !»
Laurent Castillo, candidat LR aux élections européennes, a publié sur X que «l’heure est au sursaut !»
Gérard Larcher, président du Sénat, a annoncé qu’«à la suite des déclarations d’Eric Ciotti, j’estime qu’il ne peut plus présider notre mouvement». «Il doit se démettre de son mandat de président», a-t-il estimé. Même son de cloche chez le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Olivier Marleix.
Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France et ancienne candidate à l’élection présidentielle, a opté pour une formule forte : «Vendre son âme pour un plat de lentilles et draper cela dans l’intérêt du pays. C’est ce que j’ai toujours refusé. L’honneur, la droiture, les convictions ne sont pas des vains mots. Tout ne s’achète pas. Les Républicains doivent dénoncer immédiatement l’accord proposé par Ciotti avec le RN».
Laurent Wauquiez, président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, a précisé que «le devoir de la droite républicaine est de proposer une parole claire et indépendante entre l’impuissance du «en même temps» et le saut dans l’inconnu du RN. Il n’y a aucun avenir pour les combinaisons d’appareil».
François-Xavier Bellamy, tête de liste du parti aux européennes, détaille sa position : «Abandonner aujourd’hui nos couleurs serait un choix inutile pour le pays : tout prouve déjà que la majorité actuelle sera défaite, et que nos candidats reconstruiront un groupe de droite fort et cohérent à l’Assemblée nationale, qui votera ce qui ira dans le sens de nos convictions et de l’intérêt de la France, sans qu’aucun accord d’appareil ne soit nécessaire pour cela. Je comprends les incertitudes, les impatiences ; mais je sais qu’en réalité, un tel accord serait contre-productif : il accomplirait en effet ce dont rêve Emmanuel Macron depuis toujours, qui veut faire croire que rien n’existe entre lui et le RN».
David Lisnard, maire de Cannes, a déclaré qu’ «Eric Ciotti ne pourra pas rester à la présidence des Républicains».
Christian Jacob, ancien ministre et ancien président de LR, signe une tribune contre la position d’Eric Ciotti dans «Le Figaro».
Philippe Bas, sénateur LR, a indiqué qu’«Eric Ciotti ne peut plus rester le président du parti créé par Jacques Chirac pour unir la droite et le centre après sa victoire de 2002 contre Jean-Marie Le Pen. Il ne peut plus parler en notre nom. Le groupe LR du Sénat s’est prononcé à l’unanimité contre tout accord avec le RN».
Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône, a partagé la position de Laurent Wauquiez.
Guillaume Larrivé, ancien député de l’Yonne et conseiller d’Eric Ciotti, affirme qu’«avec tristesse, je demande qu’Eric Ciotti quitte immédiatement ses fonctions de président des Républicains. Notre amitié personnelle ne l’emporte pas sur un désaccord politique absolument fondamental. La droite républicaine ne peut, en aucun cas, se soumettre au RN».
Michel Barnier, ancien député et négociateur de l’Union européenne, affirme qu’«Eric Ciotti n’a plus sa légitimité pour parler au nom de LR».
Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, écrit que «les sénateurs Les Républicains ont réaffirmé à l’unanimité ce qui doit être la ligne claire et responsable de la droite française : rester elle-même en gardant notre indépendance et notre autonomie, vis-à-vis du camp macroniste comme du camp lepéniste».
Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, détaille son avis : «Ceux qui se rangent derrière les extrêmes insultent nos valeurs. L’opportunisme politique ne justifie pas de trahir les électeurs». «Je désapprouve tout autant le ralliement du président des Républicains au RN que celui des socialistes à LFI», a-t-il ajouté.
Emmanuelle Mignon, ex-directrice du cabinet de Nicolas Sarkozy et vice-présidente du parti Les Républicains, assure que «si cette alliance reste la ligne du parti, elle va évidemment le quitter».