(Paris, Rome, 28 avril 2024). Pékin accueille des pourparlers d’unité nationale entre le Hamas et le Fatah. La Chine de Xi Jinping tente d’accroître son influence au Moyen-Orient en jouant les équilibristes
Pour une superpuissance comme la Chine, il n’existe pas de test plus important que le Moyen-Orient pour mettre à l’épreuve les capacités diplomatiques des États-Unis. Conscient des enjeux, Pékin cherche à exploiter à son avantage l’instabilité consécutive à l’attaque islamiste du 7 octobre pour afficher l’influence acquise par le pays du dragon sur la scène internationale. L’agence Reuters rapporte ces heures-ci que le Hamas et le Fatah ont convenu de participer à des pourparlers sans précédent en Chine visant à rétablir l’unité politique dans les territoires palestiniens, écrit Valerio Chiapparino dans «Il Giornale».
La rivalité entre les deux organisations palestiniennes remonte à 2007, année où le Hamas a chassé par la force le Fatah de la bande de Gaza. Cette dernière faction appartient à Mahmoud Abbas (Abou Mazen), l’impopulaire président de l’Autorité palestinienne qui contrôle la Cisjordanie. Une fois terminée la brève guerre civile entre les deux mouvements, les États-Unis ont décidé d’inclure le Hamas dans la liste des groupes terroristes, s’opposant dès lors à toute tentative de réconciliation entre les Palestiniens.
Xi Jinping s’aventure donc sur la scène du Moyen-Orient dans un contexte exacerbé par les conséquences du massacre perpétré par les feddayin et par la guerre dans la bande de Gaza, qui, ces dernières semaines, a risqué de dégénérer en conflit direct entre Tel-Aviv et Téhéran. « Nous soutenons le renforcement de l’Autorité nationale palestinienne et nous soutenons toutes les factions dans la réalisation de la réconciliation et de la solidarité par le dialogue », a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Pékin, sans toutefois confirmer explicitement la rencontre entre le Hamas et le Fatah.
L’initiative organisée par la Chine n’est pas isolée. Ces derniers mois, en effet, le géant asiatique s’est exprimé à plusieurs reprises en faveur d’une conférence de paix israélo-palestinienne et a déclaré soutenir l’entrée de la Palestine à l’ONU pour mettre fin à une « injustice historique ». De plus, un envoyé chinois a rencontré le mois dernier le chef du Hamas Ismail Haniyé au Qatar.
En réalité, l’offensive diplomatique de Pékin au Moyen-Orient a débuté en 2018 lorsque Xi Jinping a exposé sa vision de la stabilité dans la région, par opposition à celle garantie au cours des dernières décennies par les États-Unis. Un intérêt vital si l’on considère que 53 % du pétrole importé par le Pays du Dragon provient de cette zone. Toutefois, les experts préviennent que, malgré les critiques adressées aux Américains, la Chine n’est pas disposée à évincer ses rivaux de la région, car elle ne peut pas se permettre d’étendre son influence en dehors du Pacifique.
Quoi qu’il en soit, les ambitions de Xi Jinping au Moyen-Orient concernent non seulement la vieille question israélo-palestinienne, mais aussi l’instabilité engendrée par les relations entre la puissance chiite de l’Iran, ses voisins sunnites et Israël. L’année dernière, la Chine, alliée du régime des ayatollahs, avait favorisé un rapprochement entre Téhéran et Riyad. Un succès éclipsé par les tensions entre l’Iran et l’État hébreu, qui placent désormais les Chinois dans une position quelque peu inconfortable vis-à-vis de Tel-Aviv.
Et la tentative maladroite de maintenir une équidistance entre deux ennemis historiques pourrait bientôt faire sombrer le rêve d’une Chine véritablement mondiale dans les sables mouvants du Moyen-Orient.