Gaza : des tirs et des morts lors d’une distribution d’aide. La guerre des chiffres

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(Paris, Rome, 29 février 2024). Des versions contradictoires. Les autorités palestiniennes affirment que l’armée israélienne a tiré sur la foule lors de la distribution de l’aide humanitaire. Israël affirme cependant que les civils sont morts à la suite d’un mouvement de foule

Tirs israéliens sur des civils palestiniens qui attendaient la réception d’une aide humanitaire. L’armée israélienne parle d’un incident dû au fait que la foule était en train de « piller du matériel » alors que la distribution de nourriture avait lieu, mettant les troupes dans une situation dangereuse. Le Hamas affiche sa colère : « Les négociations sont en danger ». Le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (Abou Mazen) parle d’un « massacre ignoble ». Pour la Maison Blanche, il s’agit d’un «grave accident». Les Etats-Unis sont, par ailleurs, très préoccupés par le risque qu’Israël prépare une opération terrestre au Liban pour la fin du printemps, écrit Orlando Sacchelli dans «Il Giornale».

Les faits

L’attaque contre un convoi d’aide humanitaire, l’une des nombreuses attaques survenues ces derniers jours, s’est transformée en massacre. Les tirs de l’armée israélienne (accusent les Palestiniens), ont fait au moins 104 victimes et plus de 700 blessés. Selon une première enquête de Tsahal, les tirs n’ont fait que 10 des centaines de victimes signalées par les Palestiniens. La guerre, comme nous le savons, se joue aussi sur des chiffres et des informations. Les versions des faits sont également contradictoires.

Un témoin a déclaré que les violences ont éclaté lorsque des milliers de personnes, désespérément à la recherche de nourriture, se sont dirigées vers des camions humanitaires au rond-point ouest de Naplouse. « Les camions remplis d’aide se sont trop rapprochés de certains chars de l’armée qui se trouvaient dans la zone et la foule, des milliers de personnes, a pris d’assaut les camions », a déclaré le témoin, « et les soldats ont tiré sur la foule parce que les gens s’approchaient trop près des chars ». Un autre témoin a déclaré s’être rendu sur les lieux de la fusillade ce matin, après avoir appris que de la nourriture allait être livrée. Les soldats israéliens auraient tiré pour disperser la foule. Peu de temps après, les civils palestiniens revenaient en masse pour apporter davantage de denrées alimentaires, mais l’armée a de nouveau tiré.

Ce que dit la version israélienne : « Lors de l’entrée des camions d’aide humanitaire dans le nord de la bande de Gaza, les habitants de Gaza ont encerclé les camions et pillé les fournitures livrées ». Une partie du convoi a continué sa route, poursuivi par «des dizaines de civils» qui se sont approchés des chars et des forces israéliennes, selon un responsable de Tsahal. «Les soldats ont tiré des coups de semonce en l’air, puis ont tiré sur ceux qui représentaient une menace», a-t-il ajouté, soulignant qu’ils avaient eu «une réponse limitée, des tirs limités».

Ce même responsable n’a pas précisé à quelle organisation était liée ces camions d’aide. Le chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini, a indiqué sur X «qu’aucune agence de l’ONU n’était impliquée dans cette distribution», rapporte la presse transalpine.

Les morts et les blessés ont été transportés dans les quelques hôpitaux encore fonctionnels à Gaza, tels que Al Shifa et Kamal Adwan.

Ce qui s’est passé aujourd’hui autour des camions humanitaires à Gaza est « une tragédie », a déclaré aux journalistes le porte-parole du gouvernement israélien, Avi Hyman, ajoutant que, selon les premières indications, de nombreux morts ont été causés par les camions qui ont foncé sur la foule. « À un moment donné, les camions ont été débordés et les conducteurs, des conducteurs civils gazaouis, ont écrasé les gens, tuant des dizaines de personnes. C’est évidemment une tragédie ».

La réaction de Paris

Le ministre français des Affaires étrangères a appelé à une enquête indépendante sur la mort (annoncée par le Hamas) de plus de 110 personnes lors d’une distribution d’aide alimentaire à Gaza-Ville après des tirs israéliens. « Je veux être très clair aujourd’hui, nous demanderons des explications et il faudra une enquête indépendante pour déterminer ce qu’il s’est passé », a déclaré Stéphane Séjourné à l’antenne de radio France.
« La France dit les choses. Elle dit les choses quand il s’agit de qualifier de terroriste le Hamas. Mais elle doit dire les choses aussi quand il se passe des atrocités à Gaza », a-t-il ajouté.
Le locataire du Quai d’Orsay a par ailleurs souligné que si une enquête devait conduire à qualifier ces faits de crimes de guerre, « évidemment, il faudra que la justice se prononce ». Il a en outre exprimé son indignation à l’idée de penser que des personnes étaient en train de mourir de faim à Gaza. C’est « insupportable pour nous ».

Giorgia Meloni : « Profond désarroi »

« J’ai appris avec une profonde consternation et inquiétude la nouvelle dramatique de ce qui s’est passé à Gaza », a déclaré la Première ministre italienne Giorgia Meloni. « Il est urgent pour Israël de déterminer la dynamique des faits et les responsabilités respectives. Les nouvelles et nombreuses victimes civiles nous obligent à intensifier immédiatement les efforts sur les négociations en cours pour créer les conditions d’un cessez-le-feu et de la libération des otages.

« Les morts tragiques à Gaza nécessitent un cessez-le-feu immédiat pour faciliter davantage l’aide humanitaire, la libération des otages et la protection des civils », écrit pour sa part le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani sur X. « Nous appelons fermement à Israël à protéger la population de Gaza et à vérifier rigoureusement les faits et les responsabilités ».

Pour la Maison Blanche, il s’agit d’un « Grave accident »

Un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche a qualifié le massacre de Gaza d’«incident grave». Dans une note citée par CNN, le porte-parole a précisé que la Maison Blanche examinait la situation et a renouvelé son appel au cessez-le-feu. « Nous déplorons la perte de vies innocentes et reconnaissons la situation humanitaire désastreuse à Gaza, où des Palestiniens innocents tentent simplement de nourrir leurs familles. Cela souligne l’importance d’élargir et de maintenir le flux d’aide humanitaire à Gaza, notamment par un éventuel cessez-le-feu temporaire. Nous continuons à travailler jour et nuit pour y parvenir.

Les estimations de l’ONU

Selon les Nations Unies, la grande majorité des 2,4 millions d’habitants de Gaza souffrent de la famine, notamment dans le nord, où les combats et les pillages rendent l’acheminement de l’aide pratiquement impossible. Selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, un peu plus de 2.300 camions humanitaires sont entrés dans la bande de Gaza en février, soit une baisse d’environ 50 % par rapport à janvier.