(Rome, Paris, 08.12.2023). En Russie, la date de l’élection présidentielle a été fixée. Bien qu’il n’y ait pas d’annonce officielle, la réélection de Poutine semble acquise. Il n’y a qu’un seul rival à battre : lui-même
Non seulement aux États-Unis et en Europe, 2024 sera également une année électorale pour la Fédération de Russie. La date des prochaines élections présidentielles a en effet été officiellement fixée au 17 mars 2024. Et, bien qu’il ne soit pas encore officielle, la réélection de Vladimir Poutine est plus qu’attendue. Certaines sources anonymes ont déjà confirmé à l’agence Reuters que «la décision est prise : il se présentera». En cas de victoire, le dirigeant russe âgé de 71 ans resterait au sommet de la hiérarchie de la Fédération jusqu’en 2030, pour son cinquième mandat présidentiel. Sa troisième candidature consécutive (rendue possible grâce à la réforme constitutionnelle qu’il a lui-même promue en 2020) lui permettrait de franchir le cap des trente ans de présidence, sans compter l’intermède 2008-2012, au cours duquel le poste a été assumé par son dauphin Dmitri Medvedev, tandis que Poutine assumait le rôle de Premier ministre, comme le rapporte Lorenzo Piccioli dans les lignes du quotidien «Formiche».
La seule question n’était pas de savoir si Vladimir Poutine serait candidat en mars prochain à sa réélection, mais quand il se déclarerait. Le chef de l’État a choisi une cérémonie de remise de médailles à des militaires ayant combattu en Ukraine. La mise en scène a été aussi discrète que les bulbes multicolores de la basilique Saint-Basile-le-Bienheureux, rapporte la presse française. Poutine a par ailleurs indiqué ce vendredi ne pas avoir «d’autre choix» que d’être candidat à la présidentielle en mars 2024 pour un cinquième mandat.
Si la candidature était confirmée, l’issue des élections ne ferait aucun doute. L’année dernière déjà, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, s’était exprimé dans ce sens, affirmant que «les élections présidentielles ne sont pas une véritable démocratie, mais une bureaucratie coûteuse», voire une nuisance. Puis ajoutant que Poutine «sera réélu l’année prochaine avec plus de 90% des voix». Pourtant, malgré les paroles et l’optimisme de Peskov, le déroulement des élections aura des répercussions importantes.
Ben Noble (maître de conférences en politique russe à l’University College London) et Nikolai Petrov (professeur à l’Ecole supérieure d’économie de Moscou), tous deux membres du programme «Russie et Eurasie» de Chatham House (un club de réflexion dédié aux affaires internationales), soulignent que l’adversaire à battre pour Poutine est Poutine lui-même : un résultat inférieur à celui obtenu en 2018, tant en termes de préférences que de participation, serait vécu comme un revers et un échec au sein du régime autocratique de Moscou, raison pour laquelle l’appareil du Kremlin se mobilise déjà pour capitaliser autant que possible sur le consensus disponible à travers ce qui est défini comme le «menu de manipulation» par Andreas Schleder, auteur de «Electoral Athoritharism», un essai à succès sur la manière dont les régimes autoritaires électoraux pratiquent l’autoritarisme derrière les façades institutionnelles de la démocratie représentative.
Ces élections verront, entre autres, pour la première fois la participation au vote des habitants des oblasts de Donetsk, Lougansk, Zaporizhia et Kherson, annexés par la Russie après leur occupation militaire dans le cadre du conflit ukrainien. Selon toute vraisemblance, le résultat qui sortira des bureaux de vote dans ces régions sera l’un des plus importants de toute la consultation.
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Peu d’informations sont disponibles sur les autres candidatures. L’ancien législateur Boris Nadejdine, qui siège au conseil municipal de la région de Moscou, et la journaliste et avocate Ekaterina Duntsova ont officialisé leur course à la présidentielle, mais il est difficile de croire qu’ils seront en mesure d’obtenir des résultats significatifs, et encore moins de constituer une menace concrète pour la victoire de Poutine. La réélection de Guennadi Ziouganov, leader du Parti communiste et concurrent historique de l’actuel président, est également très probable. Mais là encore, au vu des résultats obtenus par Ziouganov dans le passé, rien ne permet de penser que le Tsar sortira triomphant du scrutin.
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Les seules personnalités capables d’obtenir des résultats pertinents sont toutes deux emprisonnées. D’une part, il y a Alexeï Navalny, l’opposant de Poutine à la connotation désormais mythologique, a fait circuler un communiqué en ligne dans lequel il invite à prendre parti contre l’actuel occupant du Kremlin : «Poutine voit ces élections comme un référendum sur l’approbation de ses actions. Un référendum sur l’approbation de la guerre. Renversons ses plans et faisons en sorte que, le 17 mars, personne ne s’intéresse au résultat truqué, mais que toute la Russie voie et comprenne : la volonté de la majorité est que Poutine s’en aille», peut-on lire dans le communiqué.
De l’autre, Igor Girkin, connu sous le nom de Strelkov : un ancien officier des forces de sécurité à la retraite, il a dirigé les séparatistes soutenus par Moscou dans l’est de l’Ukraine en 2014 et a été reconnu coupable de meurtre aux Pays-Bas pour son rôle dans l’abattage d’un avion de ligne de Malaysia Airlines la même année. Ses critiques à l’égard de Poutine, le qualifiant comme un «moins que rien» et une personne d’une «médiocrité infâme», lui ont valu d’être arrêté en juillet de cette année pour extrémisme. Ce qui rend difficile son éventuelle candidature.
Le président de la chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine, a quant à lui réagi en insistant sur les «qualités uniques» de Vladimir Poutine, tandis que pour son homologue à la chambre haute, Valentina Matvienko, le chef de l’État «ne fuira jamais ses responsabilités».
À l’heure actuelle, le chemin vers la reconduction de Poutine semble être une pente descendante. Bien qu’il ne soit pas possible de prédire exactement quelle dynamique entrera en jeu dans les mois à venir.