Israël à la croisée des chemins, se prépare à l’ère post-Netanyahu

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(Rome, Paris, 14.11.2023). Depuis le 7 octobre, Benyamin Netanyahu, autrefois surnommé «King Bibi» et «Monsieur Sécurité», dirige la réaction militaire d’un pays accablé par l’assaut du Hamas, un choc qui n’est que partiellement comparable à l’attaque surprise lancée simultanément par l’Égypte et la Syrie en 1973. Pour de nombreux analystes, le Premier ministre – en poste depuis plus de 15 années non consécutives, un record qui a échappé même à David Ben Gourion, le père de la nation – est un homme politiquement mort, et 75% des Israéliens le tiennent pour responsable du carnage perpétré par le groupe islamiste, écrit Valerio Chiapparino dans le quotidien «Inside Over». L’erreur impardonnable qui lui est imputée est celle d’avoir distrait le pays pendant des mois avec une réforme judiciaire contestée et avec ses procès pour corruption. Une époque dont les ennemis d’Israël ont mis à profit pour préparer leurs assauts contre les kibboutz et les rave-parties en s’entraînant à quelques kilomètres de la frontière avec la bande de Gaza et en échappant aux radars des services de renseignement les plus puissants du Moyen-Orient.

Les chances et les malheurs de Netanyahu

Ironiquement, c’est précisément le thème du terrorisme qui a assuré le succès politique de Netanyahu et de son parti, le Likoud, qui l’ont porté au pouvoir en 1996, dans le sillage de la réaction à la série d’attentats qui ont suivi les accords d’Oslo de 1993. Ainsi est né le mythe d’un leader conservateur capable de représenter la seule alternative possible aux gouvernements de gauche jugés trop complaisants face aux menaces qui pèsent sur la sécurité de l’État hébreu.

« Bon sang, donnons-lui une chance et voyons ce qui va se passer » a écrit Bibi dans son autobiographie publiée l’année dernière à propos de l’attitude qui l’a distingué dans ses choix de vie. Peut-être née du même esprit, sa stratégie « diviser pour régner » visant à utiliser le Hamas, qu’il considérait presque inoffensif, pour affaiblir l’Autorité palestinienne (AP) a conduit Israël dans une impasse et dans une crise dangereuse qui pourrait bientôt impliquer d’autres acteurs de la poudrière du Moyen-Orient.

Netanyahu, qui est également assiégé en raison des négociations pour la libération d’environ 240 otages détenus par le Hamas et d’autres groupes affiliés, pourrait quitter les lieux à la fin de la première phase de l’opération terrestre à Gaza. Joe Biden, le membre «fantôme» du cabinet de guerre israélien, pourrait décider du sort du Premier ministre. Selon diverses reconstitutions de presse, le président américain, historiquement un «grand électeur» dans les moments les plus délicats de l’histoire de l’État hébreu, aurait en effet commencé à discuter avec Netanyahu de la possibilité d’un changement au sommet, l’invitant à « envisager les scénarios à laisser à son successeur ». « Pour ce qui s’est passé, la société israélienne devra faire ses comptes et la chaîne des responsabilités s’étendra directement jusqu’au bureau du Premier ministre », ont déclaré aux médias des sources de l’administration Biden.

Les options pour le futur gouvernement

Mais qui pourrait alors prendre la place de Bibi ? La principale alternative, bien vue à Washington, serait Benny Gantz, ancien chef d’État-Major de Tsahal et leader centriste ayant rejoint le gouvernement d’union nationale. Un sondage du journal Maariv lui donne 52% des préférences comme possible Premier ministre, contre 26% à Netanyahu et, selon des simulations de vote, son parti, l’Union nationale, remporterait 40 sièges contre 18 pour le Likoud. Les chemins des deux hommes politiques se sont déjà croisés en 2020 lorsque, en partie en raison de la pandémie, Gantz avait accepté d’être nommé ministre de la Défense dans le gouvernement Netanyahu, obtenant la promesse d’un relais pour le poste de Premier ministre. Un engagement non respecté qui a conduit à des élections anticipées, fermant les portes à l’ancien général.

Les autres options pour succéder à Bibi sont les deux anciens Premiers ministres Naftali Bennett et Yair Lapid. Bennett, millionnaire dans le domaine de la haute technologie et issu d’une famille d’origine juive de San Francisco, est réputé pour ses références nationalistes. Issu d’un milieu militaire, il s’est engagé comme réserviste à la suite des attaques du 7 octobre et a donné à son premier-né le nom du frère de Netanyahu, Yoni, tué lors d’une opération israélienne de sauvetage d’otages à Entebbe, en Ouganda. Toutefois, son soutien à l’expansion des colonies en Cisjordanie et son opposition à la naissance de l’État palestinien qu’il a qualifié de « suicidaire » pour la sécurité d’Israël ne font pas de lui le favori à la succession.

Le centriste Lapid, ancienne star du journalisme télévisé, qui a choisi de se tenir à l’écart du gouvernement, a en revanche obtenu de meilleurs scores. Ces derniers jours, il s’en est pris au ministre des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, en l’attaquant pour le soutien économique apporté aux colons et aux écoles ultra-orthodoxes. Son rôle de modéré en faveur de la solution à deux États pourrait en tout cas lui garantir une place de choix dans un futur exécutif dirigé par Gantz.

Même si certains commentateurs estiment que Netanyahu, homme politique aux sept vies, pourrait encore réserver des surprises, il sera difficile pour le Premier ministre d’arrêter le compte à rebours entamé le 7 octobre. La «redde rationem» annoncée promet d’être un tournant qui, pour une nation, pendant de nombreuses années, pensait se sentir en sécurité avec le King Bibi au pouvoir, au point que Sara Netanyahu a déclaré que le pays se perdrait sans son mari aux commandes. Une illusion brisée à jamais à l’aube de ce qui semblait être un Shabbat comme tant d’autres.