(Rome, Paris, 17.04.2023). Le 22 mars dernier, une voiture part d’une résidence de luxe dans une petite commune au sud de Milan, en Italie. A bord, se trouve Artem Uss, le fils d’un oligarque russe, proche de Poutine. Il a été arrêté quelques mois plus tôt par la police italienne. Les Etats-Unis ont émis un mandat d’arrêt international à son encontre. Ils l’accusent d’association de malfaiteurs, d’escroquerie et de blanchiment d’argent. Pourtant, son arrestation passe inaperçue dans la presse italienne et étrangère. Après un passage express en prison, Artem Uss est assigné à résidence dans son palace italien, bracelet électronique au pied.
Le véhicule file vers l’est. En quelques heures, il traverse la frontière avec la Slovénie. Il poursuit sa route vers la Russie. Le 4 avril, le fugitif refait surface, arrivé à bon port. « Je suis en Russie ! », déclare Artem Uss à l’agence de presse russe proche du pouvoir, RIA Novosti. C’est la fin de sa cavale et le début d’un scandale. En Italie, son évasion a déclenché une crise politique interne mais aussi diplomatique avec les Etats-Unis.
Derrière le fils : le père, proche de Poutine
Pour comprendre qui est Artem Uss et pourquoi il intéresse tant la justice américaine, il faut d’abord situer qui est son père. Artem est le fils d’Alexander Uss, un homme politique russe. Depuis 2018, il est le gouverneur de Krasnoyarsk, une région de Sibérie aux sols riches en métaux, comme le nickel ou le cobalt.
Mais il est surtout l’architecte du plus grand projet de développement pétrolier au monde : Vostok Oil. L’exploitation, située à l’extrême Nord de la Sibérie, appartient à Rosneft, la compagnie pétrolière de l’Etat russe. Avec à sa tête : Igor Setchine, ancien vice-Premier ministre de Vladimir Poutine, encore souvent présenté comme son bras droit.
Vostok Oil a été lancé en 2020 et prévoit de commencer à expédier son pétrole en 2024. Son ambition : produire près de 2 millions de barils par jour en 2030, soit environ 2% de la production mondiale d’or noir. En clair, pour la Russie, c’est la perspective d’une rentrée colossale d’argent.
Les Russes ne sont pas les seuls à s’y intéresser. Rosneft a cherché des partenaires à l’étranger… Y compris en Italie. Selon le journal «La Repubblica», l’entreprise italienne « Maire Tecnimont » a par exemple remporté un contrat à 1,1 milliard d’euros pour la construction d’une raffinerie en Sibérie.
Et c’est ici qu’intervient Artem Uss. Il aurait rencontré personnellement les représentants des entreprises italiennes désireuses de participer au projet Vostok Oil, toujours d’après «La Repubblica». Il aurait donc été un intermédiaire entre la Russie et l’Italie.
Les deux demandes d’extradition
C’est dans ce contexte que débarquent les Etats-Unis. Artem Uss est arrêté le 17 octobre en Italie, suite à la délivrance d’un mandat d’arrêt international de l’autorité judiciaire de New York à son encontre. Selon les médias italiens, il est accusé d’association de malfaiteurs, d’escroquerie et de blanchiment d’argent.
Le Russe est d’abord placé en détention provisoire, dans l’attente de la demande d’extradition des Etats-Unis, qui arrive le 11 novembre… Soit deux jours après la demande d’extradition de la Russie. Et c’est là que ça se complique, comme l’explique le « Corriere Della Sera ». Pour chaque demande d’extradition, le consentement du prisonnier a été demandé.
Artem Uss l’a bien entendu donné pour la Russie. Il a donc accepté d’être extradé dans son pays natal. Dans ce cas, c’est le gouvernement italien qui a l’unique responsabilité de trancher si oui ou non il peut être extradé.
Quant à la demande américaine, Artem Uss n’a pas donné son consentement. Comme l’expliquent nos confrères italiens, c’est alors d’abord à la justice italienne de vérifier si les bases légales existent pour permettre – ou non – son extradition. Et c’est seulement après que le gouvernement italien intervient.
Dans les deux cas, Artem Uss a pu rentrer chez lui avant que le gouvernement italien ne tranche. Pour la demande russe, le dossier est resté sur la table du gouvernement de Meloni ces 4 derniers mois. Celui-ci a préféré ne pas décider. Et la demande américaine a suivi le parcours judiciaire, jusqu’à la veille de l’évasion d’Artem Uss, quand la cour d’appel a autorisé son extradition. Bref, Artem Uss a bénéficié d’un allié considérable : du temps.
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