Le chef de la diplomatie européenne se rend en Chine pour inciter la Russie à changer de cap

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Joseph Borrell prolongera le rythme des visites des dirigeants européens qui pensent pouvoir influencer Moscou dans la guerre en Ukraine.

Le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, se rendra en Chine cette semaine, prolongeant le rythme des visites de dirigeants européens qui pensent que Pékin pourrait influencer Moscou dans la guerre en Ukraine.

Selon la presse portugaise, la visite de M. Borrell, entre le 13 et le 15 avril, intervient quelques jours seulement après celle du président français Emmanuel Macron et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen dans le pays asiatique. Pedro Sanchez, le Premier ministre espagnol, s’est également rendu en Chine il y a deux semaines. Le chancelier allemand Olaf Scholz était à Pékin en novembre dernier. Il a été suivi par Charles Michel, président du Conseil européen.

Les dirigeants européens ont à plusieurs reprises exhorté Pékin à user de son influence auprès de la Russie pour mettre fin à la guerre en Ukraine. « S’il n’y a qu’un pays qui peut amener Moscou à modifier sa position, c’est bien la Chine », a reconnu un responsable du cabinet de M. Macron, à la veille de la visite du dirigeant français.

Toutefois, la position de Pékin sur le conflit reste ferme. La Chine a déclaré qu’elle était neutre mais maintient une relation « sans tabou » avec la Russie et a refusé de critiquer l’invasion du pays voisin. Pékin a précédemment critiqué l’imposition de sanctions à Moscou et a ouvertement accusé l’élargissement de l’OTAN d’être à l’origine de la guerre.

Dans un document proposé en février dernier pour mettre fin au conflit, Pékin a souligné l’importance de « respecter la souveraineté de tous les pays », en référence à l’Ukraine, mais a également appelé à mettre fin à la « mentalité de guerre froide », un terme souvent utilisé par la Chine pour critiquer la politique étrangère des Etats-Unis.

« Aucun des dirigeants européens n’a réussi à lever le voile de l’ambiguïté sur les véritables intentions du président chinois Xi Jinping en Ukraine », a rappelé Sylvie Kauffmann, chroniqueuse au journal «Le Monde», après la visite du Président Macron.

Borrell arrive à Pékin confiant que le partenariat entre Pékin et Moscou a des limites, malgré la rhétorique officielle du contraire. Il a récemment souligné que la Chine, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, devait agir pour protéger l’ordre international fondé sur des règles. Pékin a des « obligations morales » et ne peut pas se ranger du côté de l’agresseur, a-t-il déclaré.

« Nous avons été clairs avec la Chine : sa position sur les atrocités et les crimes de guerre déterminera la qualité de nos relations avec Pékin », a relevé le chef de la diplomatie européenne.

La visite de Borrell intervient également après qu’Emmanuel Macron a défendu, en Chine, que l’Europe devait prendre ses distances par rapport aux tensions croissantes entre Pékin et Washington, soulevées par le dossier taïwanais, et se forger une « autonomie stratégique » à tous les niveaux, de l’énergie à la défense.

L’Europe doit rester concentrée sur ses propres objectifs, a-t-il souligné. « Est-ce dans notre intérêt d’accélérer [une crise] sur la question de Taiwan ? Non », a-t-il déclaré.

« Le pire serait de penser que nous, Européens, devrions devenir des suiveurs sur cette question et nous adapter à l’agenda américain et à une réaction exagérée du côté chinois », a-t-il noté.

Les déclarations de Macron ont été la cible de critiques de la part des membres du Congrès américain et des parlementaires des pays d’Europe orientale et centrale, au moment où Washington réaffirme son engagement pour la défense de l’Ukraine.

Le sénateur républicain Marco Rubio a déclaré que l’interview de Macron était « troublante » et a suggéré à Washington de repenser son soutien à l’Ukraine. « Si Macron parle au nom de toute l’Europe et que sa position est maintenant de ne pas choisir leur camp entre les États-Unis et la Chine sur la question de Taiwan, alors peut-être que nous ne devrions pas non plus prendre parti… et [les laisser] s’occuper de l’Ukraine eux-mêmes », a-t-il dit.

Les analystes considèrent également que les déclarations du Président français signalent la « désunion » de l’Europe vis-à-vis de la Chine, car elles contrastent avec la position exprimée par Ursula von der Leyen à Pékin, selon laquelle un changement du statu quo par la force dans le détroit de Taiwan serait « inacceptable ».

Josep Borrell devra ainsi « corriger certaines illusions [chinoises] sur la position de l’UE », soulevées par les déclarations de Macron, a souligné Reinhard Bütikofer. « Il devrait insister explicitement sur le fait que l’UE s’oppose à tout changement unilatéral dans le détroit de Taiwan », a-t-il déclaré.