(Rome, Paris, 10 décembre 2022). Eva Kaili, l’une des vice-présidentes du Parlement européen, a été interpellée ce vendredi soir dans le cadre d’une enquête sur des soupçons de corruption impliquant le Qatar. La police belge a mené une vaste opération perquisitionnant les domiciles d’assistants parlementaires et de secrétaires.
Vendredi, cinq personnes dont Eva Kaili, une de 14 vice-présidents du Parlement européen, et Pier-Antonio Panzeri, ancien eurodéputé italien, ont été arrêtés à Bruxelles.
L’élue grecque est la cinquième personne à avoir été interpellée vendredi en Belgique. L’eurodéputée social-démocrate a été arrêtée quelques heures après son compagnon, Francesco Giorgi, également assistant parlementaire, selon une source proche de l’enquête. Des sacs d’argent en liquide ont été retrouvés au domicile d’Eva Kaili à Bruxelles.
Trois autres personnes sont entendues depuis vendredi par les enquêteurs belges, notamment l’ancien eurodéputé italien Pier-Antonio Panzeri et le dirigeant syndical italien Luca Visentini.
Un demi-million en liquide
La police belge essaie de savoir s’ils ont bénéficié de cadeaux ou de sommes d’argent de la part du Qatar pour influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen, précise le parquet dans un communiqué de presse.
Au cours de l’opération, la police a mis la main sur « environ 600.000 euros en liquide », ainsi que « du matériel informatique et des téléphones portables » dont les contenus seront analysés.
Les cadeaux ou avantages offerts pourraient être liés à la volonté du Qatar d’améliorer sa réputation décriée en matière de droits humains et de traitement des travailleurs étrangers.
Parmi les réactions, l’eurodéputée Renew Nathalie Loiseau a tweeté : « La démocratie n’est pas à vendre ». Et d’ajouter : « Il est temps de mettre à jour les failles de notre Parlement et d’envoyer un signal clair », lit-on dans le site du média «France-bleu».
Selon l’agence italienne «AGI», les journaux belges Le Soir et Knack ont été les premiers à annoncer la nouvelle de l’enquête qui a déclenché une avalanche qui menace de submerger l’ensemble du groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D). L’enquête, désormais entre les mains du juge d’instruction Michel Claise qui devra bientôt décider de valider ou non les détentions, porte sur une affaire présumée de corruption, d’organisation criminelle et de blanchiment d’argent.
« Depuis plusieurs mois, les enquêteurs de la police judiciaire soupçonnent qu’un Etat du Golfe a tenté d’influencer les décisions économiques et politiques du Parlement européen », a confirmé le procureur fédéral de Bruxelles, sans toutefois fournir ni le nom du pays ni encore moins l’identité des personnes concernées. La corruption aurait eu lieu « en versant de grosses sommes d’argent et en offrant des cadeaux importants à des tiers, occupant une position politique ou stratégique importante au sein du Parlement européen », a expliqué le bureau du procureur, toujours selon AGI.
«Notre Parlement européen est fermement opposé à la corruption. À ce stade, nous ne pouvons commenter les enquêtes en cours que pour confirmer que nous coopérons pleinement avec les autorités policières et judiciaires compétentes. Nous ferons tout notre possible pour que la justice suive son cours», a ainsi twitté la Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, commentant l’enquête.
Dans le cadre de l’opération, menée par la brigade anti-corruption de la police judiciaire, seize domiciles ont été perquisitionnés (dont celui de la vice-présidente Kaili) et environ 600.000 euros en espèces ont été saisis, dont 500.000 ont été retrouvés, toujours selon les médias cités, au domicile de Panzeri, aujourd’hui président de l’association «Fight Impunity», dédiée à la lutte contre l’impunité des violations graves des droits de l’homme ou des crimes contre l’humanité.
Selon des sources bien informées, ajoute AGI, les investigations portent sur le Qatar et notamment sur l’organisation de la Coupe du monde en cours. Entre-temps, les premières réactions politiques se sont déclenchées. Le Parti socialiste grec a expulsé la députée européenne Kaili. Le groupe S&D au Parlement européen a pris ses distances, appelant à une « tolérance zéro envers la corruption » et promettant « une collaboration maximale avec les autorités ».
L’opposition est déjà à l’attaque : le «PPE» et «Lega/La Ligue» appellent à la clarté ; le M5S réclame la démission de Kaili en tant que vice-présidente ; à ce stade, une conclusion courue d’avance.