«Inimitié contre Dieu». Et l’Iran pend le premier manifestant

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(Rome, Paris, 08 décembre 2022). Il s’appelait Mohsen Shekari et il n’avait que 23 ans. Il était le premier jeune garçon accusé des émeutes de ces derniers mois, à être condamné à mort par les autorités de Téhéran

Ces derniers jours, Gholamhossein Mohseni Ejei, chef de la justice iranienne, l’avait ouvertement dit : désormais, les principales figures des protestations qui déferlent sur le pays vont commencer à être pendues. Cette tragique promesse a malheureusement été tenue, souligne Mauro Indelicato dans le journal italien «Il Giornale».

Ces dernières heures, les autorités de Téhéran elles-mêmes ont annoncé l’exécution de la condamnation à mort d’un jeune homme de 23 ans. Il s’appelait Mohsen Shekari et, selon l’acte d’accusation, il était coupable « d’avoir combattu et dégainé son arme dans l’intention de tuer, de semer la terreur et de troubler l’ordre et la sécurité de la société ».

Qui était le manifestant tué

Les manifestations en Iran durent depuis maintenant trois mois. Une période qui commence à effrayer les dirigeants de la République islamique. À partir de 1979, année de la révolution qui a porté les ayatollahs au pouvoir, les moments de tension ont été nombreux et ont abouti à de grandes manifestations de rue. Mais les émeutes n’ont jamais duré plus d’un ou deux mois.

D’où sans doute l’idée d’appliquer un poing dur contre les visages les plus populaires des manifestations. Lorsqu’Ejei a annoncé lundi le début des exécutions parmi les manifestants accusés et condamnés, dans les mêmes heures, la main du bourreau s’est déplacée pour pendre quatre personnes accusées d’être des espions israéliens. Cependant, il s’agissait d’accusés arrêtés en mai et qui n’avaient donc rien à voir avec les manifestations actuelles, qui ont au contraire commencé en septembre après la mort dans un commissariat de la jeune Masha Amini.

Une action démonstrative afin de montrer comment le pouvoir judiciaire est désormais définitivement acquis aux autorités de la République islamique. Aujourd’hui, avec la pendaison de Mohsen Shekari, nous sommes donc entrés au cœur de la phase la plus dure de la répression iranienne.

Shekari avait été arrêté à Téhéran lors d’un des blocages organisés dans les rues de la capitale. Selon ses accusateurs, il a intentionnellement sorti un poignard de sa poche pour s’en prendre à l’un des Gardiens de la révolution présents dans la zone. Non seulement cela, mais étant l’un des jeunes les plus engagés dans les soulèvements, les allégations comprennent d’autres infractions.

Le jeune homme, notamment, a également été accusé d’avoir troublé l’ordre social et d’avoir porté atteinte à la sécurité. En outre, son comportement étant considéré comme contraire aux lois morales, c’est pourquoi Shekari a également été accusé d’«inimitié contre Dieu». D’où la condamnation à mort contre laquelle son avocat avait fait appel ces derniers jours. Toutefois, l’appel a été rejeté dans la matinée, et la peine a dramatiquement été exécutée immédiatement après. Shekari, selon le récit de son dernier compagnon de cellule, était un garçon âgé de 23 ans passionné de jeux vidéo et occupant un emploi tranquille dans un café de Téhéran. Une vie normale, écourtée si tôt dans une tentative iranienne de terroriser les manifestations en cours.

Réactions à l’intérieur du pays des Mollahs

Evidemment de l’extérieur, les réactions sont toutes négatives. Les gouvernements européens ont demandé à l’Iran de ne plus procéder à de nouvelles exécutions. Amnesty International a parlé de dizaines de citoyens toujours enfermés dans des cellules auxquelles pèse le risque de la peine capitale.

Mais même en Iran, les réactions ont été marquées par la condamnation. De nombreuses figures bien connues du monde des médias sociaux et du divertissement ont exprimé leurs inquiétudes face à ce qui s’est passé. La réaction la plus forte à cet égard, est peut-être celle du rappeur Soroush Lashkari, connu sous son nom de scène Hichkas.

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« Si les Iraniens en quête de liberté décidaient de prendre les armes, a-t-il écrit sur Twitter, ils auraient parfaitement le droit de le faire et l’Occident devrait faire tout ce qu’il peut pour les soutenir. Nous avons un ennemi commun qui a tué des centaines d’Iraniens ces derniers mois et qui cherche à déclencher des exécutions massives ».

Hichkas se trouve à l’étranger depuis des années mais son nom est très populaire auprès des plus jeunes, c’est pourquoi ses déclarations ne manqueront pas de faire sensation.