(Rome, Paris, 18 octobre 2022). La révélation de «The Observer» : des campagnes anti-panique sont mises en place pour éviter le chaos suite à l’utilisation de l’arme nucléaire en Ukraine. Les critiques des organisations de désarmement rappellent celles, grotesques, de la guerre froide. Le système Twister capable d’arrêter les missiles hypersoniques de Poutine prendra huit ans
« Nous n’avons aucune indication que la Russie se prépare à utiliser des armes nucléaires ». Ainsi, la semaine dernière, le directeur du renseignement technique britannique (GCHQ) Jeremy Fleming avait commenté l’intensification des menaces en provenance de Moscou. Mais les paroles des agences de renseignement ne suffisent pas à vaincre la peur déclenchée par les menaces belliqueuses de Poutine. Pour le prouver une fois de plus, la nouvelle selon laquelle les pays occidentaux préparent des « plans d’urgence civile » pour faire face au chaos interne que l’utilisation d’une bombe sur le terrain ukrainien (ou à l’extérieur) pourrait engendrer. Depuis un certain temps déjà, des réunions à huis clos sont en cours sur la manière dont l’OTAN répondra à cette éventualité. Des responsables occidentaux de haut niveau international, cités par plusieurs journaux dont l’Observer, préparent une « planification prudente », en coulisses, visant à contenir la panique. La révélation, selon le décryptage de Thomas Mackinson dans les colonnes du quotidien italien «Il Fatto Quotidiano», a eu lieu vendredi dernier en marge d’un point de presse d’un responsable à qui l’on demandait si des mesures étaient à l’étude pour empêcher les achats «par panique» ou la fuite en masse des villes par crainte d’une escalade suite à un éventuel événement nucléaire.
Le « plan », même dans ses grandes lignes, est top secret. Le Times, cependant, fait référence à certaines actions typiques qui ont aussi une sorte de « tradition », comme les campagnes d’information publique et les exercices scolaires sur la façon de survivre à une guerre nucléaire, caractéristiques de la guerre froide, notamment la campagne «Duck and Cover» aux Etats-Unis dans les années 1950, «Protect and Survive» au Royaume-Uni à la fin des années 1970 et «Everyone has a chance» en Allemagne de l’Ouest au début des années 1960.
Ces campagnes ont également fait l’objet de nombreuses critiques et de parodies pour leur suggestion selon laquelle il pourrait être possible de survivre à un conflit nucléaire « total », bien que dans ce cas, l’objectif doive être d’empêcher la panique du public face à la peur d’une escalade nucléaire incontrôlée qui pourrait conduire à la prise pour cible de grandes villes.
Kate Hudson, secrétaire générale de longue date de la Campagne britannique pour le désarmement nucléaire (CND), a déclaré: «Cette planification prudente» rappelle la campagne «Protéger et Survivre» de l’époque de la guerre froide du gouvernement britannique, qui a été fermement condamnée par la Campagne comme étant trompeuse, suggérant que l’on pouvait survivre à une attaque nucléaire en blanchissant les vitres et en prenant d’autres mesures non pertinentes ».
Sur un plan strictement militaire, l’Occident ne veut pas préciser comment pourrait-il réagir en cas d’utilisation d’ogives nucléaires, tactiques ou autres, « pour préserver une ambiguïté délibérée » – écrit l’Observer – et vendredi, le responsable ne semblait pas séduit par les hypothèses sur que pourraient faire des pays dotés d’armes nucléaires. On attend à ce que, pour éviter une escalade rapide, toute réponse initiale ne soit pas nucléaire ».
Jeudi, le Président Macron a rompu les rangs et a déclaré qu’il n’ordonnerait pas de représailles en cas d’attaque nucléaire russe en Ukraine. Le président français a souligné que les intérêts fondamentaux du pays « ne seraient pas directement affectés si, par exemple, il y avait une attaque nucléaire balistique en Ukraine, ». Une autre question fondamentale derrière cette prudence généralisée : l’Europe est en effet loin de disposer d’un bouclier de défense capable de faire face à la puissance de feu de Moscou, avec ses 6.000 ogives, soit plus que celles des États-Unis, de la France et de l’Angleterre réunies. Elle en prévoit un, mais il ne sera pas prêt avant 2030, c’est pourquoi le chef du Parti populaire européen (PPE) Manfred Weber, avait appelé à la nécessité de préparer immédiatement un « parapluie nucléaire » européen.
En effet, l’Europe ne dispose que du système de protection antimissile de l’OTAN, le BMD (Ballistic missile defense) développé depuis 2010 avec son centre logistique sur la base de Ramstein en Allemagne. En fait, il s’agit d’un système radar avec des intercepteurs qui, à partir de différents pays, répondent par terre et par mer, mais pas aux missiles hypersoniques comme le Zircon montré par Poutine la veille de Noël, capable de traverser l’atmosphère à 11 mille km/h et d’échapper aux systèmes de défense tels que la BMD. Le projet de bouclier européen a déjà démarré en 2019 mais n’en est qu’à sa phase initiale. Il s’appelle Twister, acronyme de « Timely warning and Interception with space-based theatre surveillance », et est financé par le Fonds européen de défense avec six pays leaders dont l’Italie. Dans une note de la MBDA, le groupe européen chargé du développement, détenu à 25% par l’italien Leonardo, le définit comme « un intercepteur endo-atmosphérique européen pour faire face aux menaces aériennes émergentes et complexes (missiles de croisière hypersoniques, appareils de vol hypersonique, missiles balistique de manœuvre) ». Mais comme mentionné, il ne sera prêt à s’intégrer à l’OTAN que dans huit ans.