Les leçons et les enseignements des révolutions passées

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(Rome, Paris, 16 octobre 2022). « Pour comprendre l’ampleur réelle des événements de ces dernières semaines, déclenchés par la mort de Mahsa Amini, il faudra comprendre l’extension possible de la contestation, la ténacité de l’appareil sécuritaire et notamment la posture des forces armées », explique Matteo Bressan, analyste à la Fondation du Collège de défense de l’OTAN

Hier soir, une épaisse colonne de fumée s’est échappée d’un des bâtiments de la prison d’Evin à Téhéran, en Iran, un établissement où sont emprisonnés des opposants politiques, des journalistes et des citoyens étrangers. Des centaines de personnes arrêtées par la police lors des manifestations, selon la BBC, se trouvent dans cette prison. L’Italienne Alessia Piperno, détenue à la prison d’Evin, va bien, a annoncé le ministère des Affaires étrangères, lit-on dans le décryptage de Gabriele Carrer dans le quotidien italien «Formiche».

Dans les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, on peut entendre des tirs qui ressemblent à des coups de feu et des explosions. La situation a été maîtrisée dès samedi soir, ont indiqué les autorités iraniennes. Mais, selon plusieurs témoins, la situation est loin d’être réglée. Selon le système judiciaire iranien, 4 morts et 61 prisonniers blessés ont été signalés dans l’incendie d’Evin, ajoute Gabriele Carrer.

Les causes de l’incendie sont encore inconnues. Selon Irna, l’agence de presse du régime, un groupe de détenus avait mis le feu dans un magasin de vêtements à l’intérieur de la prison. Mais une autre hypothèse ne peut être écartée, que les faits soient liés aux manifestations anti-gouvernementales qui ont balayé le pays ces dernières semaines.

« En partant des manifestations de décembre 2017, considérées par extension et implication des centres urbains iraniens les plus importants comme les plus pertinentes depuis le Mouvement vert de 2009, on peut identifier certains traits distinctifs des récentes manifestations qui traversent l’Iran », explique Matteo Bressan, professeur et analyste à la Fondation du Collège de défense de l’OTAN. « Il ne fait aucun doute que l’engagement militaire en Syrie, au Liban et au Yémen estimé par l’Institut international d’études stratégiques à 16 milliards de dollars, conjugué à la pandémie et aux perspectives désormais improbables de reconstitution du JCPOA (l’accord sur le nucléaire), constituent un fort motif de mécontentement, en particulier pour la génération d’Iraniens qui n’a vécu directement ni la révolution de 1979 ni la soi-disant « guerre imposée » avec l’Irak. Pour cette génération, préoccupée par les perspectives économiques de l’Iran, ainsi que pour les éléments les plus dynamiques de la société iranienne, le récit officiel a peu de prise. Cependant, pour comprendre l’ampleur réelle des événements de ces dernières semaines, déclenchés par la mort de Mahsa Amini, il faudra comprendre l’éventuelle extension des protestations, la fermeté du dispositif sécuritaire et notamment la posture des forces armées, l’«Artesh». Les juxtapositions avec 1979 semblent inappropriées, en raison de la multiplicité de la composition des forces politiques et sociales qui se sont opposées à Mohammad Reza Pahlavi et dont le clergé chiite représentait une partie des protestations, mais pas la plus importante. Par ailleurs, l’apparente dimension acéphale de la contestation rend prématurée toute évaluation du rôle éventuel des deux forces d’opposition à la République islamique d’Iran présentes à l’étranger et représentées par Reza Pahlavi et les moudjahidines du peuple », conclut Bressan.

« Il ne s’agit pas d’une protestation, c’est le début de la révolution contre le régime des ayatollahs ». Limiter les manifestations à une demande de droits accrus pour les femmes, est une erreur. Ce sont les voix que nous avons recueillies auprès des proches, résidant en Italie, de certaines personnes qui, depuis des semaines, défient les forces de sécurité iraniennes de protester contre la mort de Mahsa Amini, décédée, selon les autorités de Téhéran, de maladie et non de coups portés lors de son arrestation par la police religieuse qui l’a battue pour ne pas avoir correctement porté le voile.

La réaction du régime a été « classique » : accuser un ennemi extérieur fantôme. L’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême, a accusé les États-Unis et Israël d’avoir fomenté les protestations. Le président Ebrahim Raïssi a porté des accusations similaires. Le problème est interne et concerne l’avenir de la communauté iranienne : ces jeunes ne seront pas satisfaits dans l’immédiat, et on ne sait pas combien de temps, encore, il sera possible de les réprimer.