(Paris, Rome, 16 octobre 2022). La guerre en Ukraine a montré la nécessité de continuer à considérer les guerres conventionnelles comme une menace réelle ; Quatorze pays de l’OTAN, plus la Finlande, ont signé une lettre d’intention en vue de créer un cadre de défense partagée, une mission ardue mais nécessaire
Jeudi 13 octobre, lors de la conférence des ministres de la défense à Bruxelles, quatorze pays de l’OTAN et la Finlande ont signé une lettre d’intention visant à renforcer la défense aérienne et antimissile du continent. Comme le souligne Matteo Turato dans le quotidien italien «Formiche», les pays signataires sont la Belgique, la Bulgarie, l’Estonie, l’Allemagne, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie. L’initiative, appelée «European Sky Shield Initiative», vise à consolider la défense du domaine aérien de l’Europe par l’acquisition conjointe d’équipements et de missiles par les nations européennes, renforçant ainsi la défense aérienne et antimissile intégrée (IAMD) existante.
Les nouveaux systèmes à acquérir seront l’Arrow-3 israélien, le Patriot américain et l’IRIS-T allemand, comme l’a rapporté la ministre allemande de la Défense Cristine Lambrecht. Des systèmes qui garantissent la défense aérienne à la fois dans les couches moyennes et longues, ainsi qu’à courte portée, pour protéger de petites zones, tels que les convois militaires. Au cours des vingt dernières années, les pays de l’OTAN ont accordé une faible priorité à la défense aérienne à courte portée, en raison de l’absence de telles menaces. Le résultat est que les systèmes de défense basés au sol (comme les désormais célèbres Patriots) sont en nombre insuffisant.
Tous les pays de l’OTAN n’ont pas décidé d’adhérer au nouveau système. La Pologne a déclaré vouloir créer son propre système, tandis que la France mise sur la dissuasion de son arsenal nucléaire.
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Les États-Unis ne devraient pas jouer un rôle important dans ce projet et gèrent déjà deux sites de missiles balistiques «AEGIS Ashore» en Roumanie et en Pologne. Il convient de noter que la construction de ces deux sites, dans le cadre de la défense antimissile de l’OTAN, faisait partie des contentieux entre les États-Unis et la Russie, cette dernière ayant par ailleurs eu du mal à digérer la décision de Washington de dénoncer le «Traité relatif à la limitation des systèmes contre les missiles balistiques» (ou ABM) en 2002.
Il faudra certainement des années pour développer et déployer un réseau opérationnel, car les systèmes de défense aérienne sont extrêmement sophistiqués, coûteux et lents à construire. Le principal élément de difficulté ne sera pas la construction elle-même, mais l’interopérabilité des systèmes et, notamment, la définition de règles communes de partage des données et des informations, éléments extrêmement sensibles que les nations ont tendance à ne pas partager entre elles.
Naturellement, la question est liée au dossier ukrainien. Les pays occidentaux se trouvent dans la position délicate de devoir penser à la fois à leurs propres défenses antimissiles et à celles de Kiev, qui depuis un certain temps demande avec insistance davantage de systèmes de défense pour faire face à la nouvelle campagne de bombardements russes.
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Au cours des dernières vingt-quatre heures, une quarantaine d’agglomérations ont été touchées par des missiles lancés par Moscou, sans compter les nombreuses attaques menées par des drones.
« Cet engagement est encore plus crucial aujourd’hui alors que nous assistons aux attaques de missiles impitoyables et aveugles de la Russie en Ukraine, tuant des civils et détruisant des infrastructures essentielles », a déclaré le secrétaire général adjoint de l’OTAN, Mircea Geoana, après l’annonce. Le sommet de Bruxelles est également l’occasion pour les initiés de faire le point sur le matériel restant dans les entrepôts européens après des mois de fournitures d’artillerie, de systèmes antichars, de munitions, dont Kiev fait un usage intensif.