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«Les États-Unis font partie de la guerre»: après l’explosion du pont, Moscou fixe de nouvelles lignes rouges

(Rome, Paris, 09 octobre 2022). Le pont de Kertch n’a pas été détruit et n’a pas été endommagé par un missile, mais par un mystérieux saboteur. La « ligne rouge », l’une des nombreuses fixées par Moscou ces derniers mois, n’a pas été franchie. En effet, le Kremlin a déclaré à plusieurs reprises qu’un raid contre le viaduc qui relie la Crimée à la Russie pouvait être interprété comme un acte de guerre. Cependant, Kiev ne dispose pas dans ses entrepôts, du moins officiellement, d’armes d’une portée suffisante pour atteindre le pont de Kertch. Alors que le trafic sur le pont ayant repris presque régulièrement après le sabotage de samedi, la capitale russe a tenu à rappeler le concept : livrer à l’Ukraine des armes plus lourdes capables d’atteindre des endroits sensibles, comme le pont en question, signifie franchir le tristement célèbre ligne rouge. C’est ce qu’a souligné au cours des dernières heures Aleksey Polishchuk, directeur du deuxième département de la CEI du ministère russe des Affaires étrangères, comme rapporté par le quotidien italien «Inside Over».

« Quant aux soi-disant lignes rouges, nous les avons déjà esquissées. Il s’agit principalement de la fourniture d’armes à longue portée ou plus puissantes à Kiev », a-t-il déclaré dans une interview accordée à Tass. Ses propos ressemblent fort à un avertissement : l’attaque du pont, cette fois, n’a pas eu de conséquences irréparables, mais donner à l’Ukraine la possibilité de détruire le viaduc pourrait également constituer un danger pour les alliés de Kiev. Les alliés ont d’ailleurs été mis en cause, au cours de l’interview, par Polishchuk : « Les États-Unis, a-t-il souligné, aident les Ukrainiens en leur fournissant des armes et des informations et doivent donc être considérés comme une partie active au conflit ».

L’avertissement de Moscou

Lorsque des images de Kertch endommagé, avec des flammes faisant toujours rage le long du tronçon ferroviaire, ont commencé à faire le tour du monde samedi matin, on craignait une nouvelle escalade du conflit. Pour Moscou, le pont est bien plus qu’une importante construction routière. C’est un symbole du lien retrouvé entre la Crimée et la fédération, c’est la fierté de l’administration de Vladimir Poutine et c’est aussi, d’un point de vue purement logistique, le seul corridor pour acheminer par voie terrestre des renforts vers les territoires occupés du sud de l’Ukraine. Mais c’est aussi une structure très vulnérable. On l’a constaté précisément à l’occasion du sabotage : un camion ayant échappé au contrôle, bourré d’explosifs, risquait d’endommager à jamais l’ouvrage et a de toute façon causé des dégâts considérables.

La crainte pour le Kremlin est désormais donnée par la possibilité qu’un jour le pont soit à portée de missiles. Dans son entretien avec TASS, Polishchuk n’a pas explicitement fait référence au détroit de Kertch, mais a laissé entendre que si un jour l’armée de Kiev devait avoir des missiles à longue portée, alors Moscou n’hésiterait pas à répondre. « La fourniture d’armes à longue portée ou plus puissantes à Kiev par l’Occident, peut-on lire dans les déclarations du diplomate russe, est une ligne rouge pour la Russie ». Autrement dit, le Kremlin ne tolérera pas la fourniture de missiles que les Ukrainiens pourraient utiliser non seulement pour défendre leur territoire, mais aussi pour attaquer le territoire russe et des cibles plus sensibles. Les propos de Polishchuk pourraient être interprétés comme la volonté de Moscou d’agir de manière préventive, si nécessaire. Sans donc attendre un éventuel raid ukrainien contre Kertch ou d’autres lieux importants, mais immédiatement après s’être assuré de l’arrivée d’armes plus lourdes en Ukraine.

« Washington fait partie du conflit »

Pourtant, ces derniers mois, la Maison Blanche et le Pentagone ont toujours réitéré leur intention de ne pas fournir de missiles à longue portée à Kiev. Les hauts responsables américains de la défense n’ont jamais caché leurs craintes d’une escalade et, à cet égard, n’ont pas répondu favorablement aux demandes ukrainiennes. Cependant, Moscou continue de considérer le rôle de Washington avec une forte suspicion. En effet, l’autre partie de l’interview de Polishchuk était consacrée au rôle joué par les États-Unis dans le conflit.

« Washington continue de livrer des armes lourdes au régime de Kiev, a-t-il dit, de lui fournir des données de renseignement provenant de nombreux satellites militaires et commerciaux, de l’aider à recruter des mercenaires étrangers et de lui fournir des conseils sur la manière de mener des opérations militaires. Tout cela fait de lui un acteur direct du conflit. De nombreux experts occidentaux estiment également que les États-Unis mènent une guerre par procuration avec la Russie en Ukraine ». Des propos qui impliquent donc la préoccupation de Moscou quant aux futures actions de la Maison Blanche et des alliés de l’OTAN. Ce n’est peut-être pas un hasard si ces considérations ont été émises dans les 24 heures suivant le sabotage de Kertch.

Poutine convoque le conseil de sécurité

Pendant ce temps, des nouvelles ont émergé de Moscou selon lesquelles un nouveau conseil de sécurité a été convoqué par le président Vladimir Poutine. C’est ce qu’a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov. « Demain, peut-on lire dans un communiqué, le président devrait se réunir avec les membres permanents du Conseil de sécurité ». Parmi les membres figurent l’ancien président Dmitri Medvedev, les ministres les plus importants du gouvernement de la fédération et les chefs des agences de renseignement. Il est probable, du moins d’après ce qui a fuité de la capitale russe, que le principal point à l’ordre du jour concernera ce qui s’est passé dans le détroit de Kertch.

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