Les forces de Kiev près de la frontière russe

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(Rome, Paris, 11 septembre 2022). Encore une journée riche en rebondissement le long du front oriental de l’Ukraine, où les Ukrainiens ont réussi à reprendre des territoires conquis par les Russes avant l’été entre jeudi et samedi. La contre-attaque des forces de Kiev n’a cependant pas cessé. Au cours des dernières heures, l’attention s’est déplacée vers le nord de Kharkiv, l’armée ukrainienne ayant repris les zones entre la deuxième ville du pays et la frontière avec la fédération de Russie. Plusieurs sites ont été revendiqués par Kiev, les militaires étant désormais proches des frontières.

Dans la soirée, nous explique Mauro Indelicato dans les colonnes du quotidien «Il Giornale/Inside Over», une sorte de réponse est venue de Moscou. Des alertes aériennes ont été lancées dans l’ensemble du territoire ukrainien. Selon l’agence UNIAN, des explosions et des pannes d’électricité ont eu lieu dans diverses régions, notamment dans l’est du pays. Nexta (un média en ligne biélorusse, ndlr) fait également état de missiles russes lancés depuis la mer Noire, publiant également une vidéo. Pour Espreso TV, les coupures d’électricité et de distribution d’eau affectent massivement les oblasts de Soumy, Donetsk, Kharkiv et Poltava. Le maire de Kharkiv, Ihor Terekhov, a également confirmé qu’une attaque contre plusieurs infrastructures a eu lieu dans la région, où Kiev mène sa contre-offensive.

Les derniers développements ont peut-être encore clarifié la physionomie de la contre-attaque ukrainienne ces derniers jours. Les troupes de Kiev procèdent à la sécurisation de Kharkiv et à la récupération des zones de la région environnante, cette dernière étant stratégique pour faire reculer les Russes vers l’est et ramener les troupes de Kiev dans la partie nord de l’oblast de Lougansk.

L’avancée vers la frontière

En bref, avec les dernières contre-attaques, le match pour Kharkiv a été momentanément fermé. Une bataille qui a commencé aux premières heures du conflit en février dernier. La ville compte une importante communauté russophone et a été directement visée par Moscou. Les troupes envoyées par le Kremlin ont immédiatement tenté de la prendre, mais elles ont dû s’arrêter aux abords. Le résultat a été une impasse qui a duré au moins trois mois. Les Ukrainiens ont tenté contre les Russes une première poussée autour de Kharkiv en mai, lorsqu’une première contre-attaque a permis de récupérer l’arrière-pays. Entre-temps, cependant, Moscou s’était déplacée, avançant vers d’autres endroits importants de la région, à commencer par Izyum, la véritable porte d’entrée du Donbass. C’est précisément ce secteur qui a été touché par la récente contre-attaque ukrainienne et entre jeudi et samedi, Kiev a pris le contrôle d’Izym même, et a repoussé les Russes de plusieurs kilomètres.

Les hauts commandements sous les ordres du Kremlin ont préféré se retirer également des derniers secteurs, juste au nord de Kharkiv. Autrement dit, ceux qui ont été épargnés par la première contre-offensive ukrainienne en mai. Aujourd’hui, les drapeaux jaunes et bleus sont revenus flotter dans des endroits tels que Hoptivka, Lyptsi, Tokarivka, Yurchenkove, conquérant alors la quasi-totalité du territoire du district de Vovchansk, celui qui borde l’oblast russe de Belgorod.

Les Russes ont peut-être laissé cette bande de sécurité autour de leurs frontières. En milieu après-midi dimanche, certains soldats du 130e bataillon de l’armée ukrainienne ont écrit sur les réseaux sociaux qu’ils se trouvaient désormais à proximité du passage frontalier. Une circonstance qui n’a pas été confirmée par le commandement général de Kiev. Cependant, toute la région de Kharkiv est presque entièrement aux mains des Ukrainiens, tant au nord de la capitale que le long des frontières administratives avec l’oblast de Lougansk.

Ce qui va se passer maintenant ?

Les avancées ukrainiennes ce dimanche après-midi ne devraient pas trop affecter l’équilibre actuel sur le terrain. Sécuriser Kharkiv était un objectif important, mais l’attention devra être tournée vers le quadrant d’Izyum. En effet, la présence de soldats ukrainiens près des frontières russes pourrait représenter un succès médiatique et politique pour Kiev, mais les troupes sous les ordres du président Zelensky ne devraient pas aller plus loin. Franchir la frontière et causer des dommages directs au territoire de la Fédération de Russie donneraient en effet au Kremlin le prétexte d’une mobilisation générale et d’une réaction rugueuse.

En revanche, au sud de Kharkiv, sont encore ouverts plusieurs scénarios. En particulier, Kiev pourrait tenter de forcer davantage les défenses russes ou commencer à consolider les positions reprises ces derniers jours. En effet, grâce aux récentes avancées, les Ukrainiens ont eu l’opportunité de reprendre d’importants territoires, mais ils doivent désormais gérer de nouvelles voies de communication et d’approvisionnement et il est donc nécessaire de réorganiser la logistique. Ce n’est que dans les prochaines heures qu’il sera possible de comprendre les intentions des troupes ukrainiennes.

Ainsi que seulement dans les prochains jours que nous comprendrons mieux ce que sera la nouvelle stratégie russe dans la région. Dans ce cas également, les inconnues ne manquent pas : Moscou pourrait penser à consolider ses positions à l’est de la rivière Oskil, repousser les attaques contre Lyman et à esquiver les Ukrainiens dans la périphérie de Severodonetsk, ou il pourrait envoyer des renforts pour tenter de regagner immédiatement du terrain. Le match pour Kharkiv est terminé, mais se trouvent d’autres scénarios encore ouverts et sur lesquels il y a plus qu’un dilemme à l’avenir.