Le chef de la junte, Assimi Goïta, a désigné dimanche soir Abdoulaye Maïga, lui aussi colonel, pour assurer l’intérim à ce poste stratégique.
Jusqu’alors ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga a été désigné dimanche soir Premier ministre par intérim, par le chef de la junte au Mali, le colonel Assimi Goïta, en remplacement du civil Choguel Kokalla Maïga, hospitalisé depuis quelques jours, d’après un décret lu à la télévision d’État. Une annonce qui ne surprend pas les observateurs de la vie politique malienne. Cependant, avec cette désignation du colonel Maïga aux fonctions de chef du gouvernement, les deux têtes de l’exécutif sont, au moins provisoirement, des militaires, alors que les colonels s’étaient résignés sous la pression internationale après le putsch de 2020 à confier les deux postes à des civils, tout en conservant la haute main sur les décisions.
Discours antifrançais
Outre l’important portefeuille de la Décentralisation, Abdoulaye Maïga, âgé d’une quarantaine d’années, était aussi le porte-parole du gouvernement. Peu connu avant sa nomination à ce poste fin 2021, il a régulièrement fait à ce titre au cours des derniers mois, revêtu de son treillis, à la télévision nationale certaines des annonces les plus marquantes du gouvernement et des déclarations les plus abruptes contre la France. Il avait ainsi « exigé » fin juillet du président Emmanuel Macron qu’il quitte « définitivement sa posture néocoloniale, paternaliste et condescendante ».
Le colonel Maïga passe pour ne pas avoir fait partie du cercle des officiers qui ont pris le pouvoir par la force avec le colonel Goïta en août 2020. Mais il est considéré comme proche de l’homme fort malien et est devenu la voix de la politique de rupture avec la France et ses alliés engagée après un deuxième putsch qui, en mai 2021, a écarté le président et le Premier ministre civils. Le colonel Goïta s’est ensuite fait investir en tant que président de transition.
Choguel Maïga de plus en plus critiqué
Choguel Kokalla Maïga, un vétéran de la politique malienne, avait été choisi pour être le chef du gouvernement après le second putsch de mai 2021. Il a été hospitalisé il y a huit jours après un malaise, cardiaque, selon un responsable hospitalier. Ses services s’étaient alors contentés d’indiquer qu’après « 14 mois de travail sans répit, [il avait] été mis en repos forcé par son médecin ». Ils annonçaient son retour au travail la semaine suivante. Mais aucune autre nouvelle de lui n’a été donnée officiellement depuis lors.
Il est depuis plusieurs mois critiqué par de nombreux cadres politiques qui demandent sa démission et par nombre de ses anciens alliés du Mouvement du 5 juin, dont il est l’un des fondateurs et qui a joué un rôle de premier plan dans la contestation ayant précédé la prise du pouvoir par les militaires en 2020.
Une coalition de partis maliens a jugé « catastrophique » samedi, dans un communiqué, le bilan de la junte après deux ans d’exercice du pouvoir, faisant entendre une rare voix dissonante. Les expressions dissidentes sont devenues exceptionnelles, étouffées par les injonctions à l’unité nationale et les mesures répressives. « Le bilan est catastrophique et la situation est inquiétante », dit la coalition regroupée sous le nom de Cadre d’échange, dans un communiqué. Le Cadre d’échange réunit une dizaine de partis et regroupements de partis, dont le Rassemblement pour le Mali de l’ancien président Keïta et le Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara. Pour lui, « la situation se dégrade dans presque tous les domaines et de graves menaces pèsent sur l’unité et la souveraineté nationales ». La « presque totalité du territoire » est sous le contrôle des djihadistes qui « montent visiblement en puissance » ; « le panier de la ménagère n’a jamais été aussi vide » ; « les libertés fondamentales sont régulièrement violées », détaille-t-il. Par ailleurs, le Mali « s’enfonce dans un isolement diplomatique inédit », dit-il.
C’est après le putsch de 2021, l’investiture du colonel Goïta comme président et la nomination d’un nouveau Premier ministre qu’a été engagée une politique de rupture. La junte s’est tournée vers la Russie et a rompu avec la France et ses alliés. Le dernier soldat de l’opération anti-djihadistes française Barkhane a quitté le Mali lundi. Les autorités s’enorgueillissent d’avoir résisté aux pressions internationales et restauré la souveraineté du pays et d’acculer les djihadistes à la défensive. L’état-major a revendiqué, samedi dans un communiqué, d’avoir « neutralisé » depuis début août 81 djihadistes lors de différentes opérations. Il a fait état de quelques blessés dans les rangs de l’armée. Il a rapporté les premières frappes d’un Soukhoi-25 livré en août par le partenaire russe.
Vendredi, les partisans de l’imam Mahmoud Dicko, influent personnage public qui avait été la figure tutélaire de la contestation en 2020, avaient jugé que « la situation politique et sécuritaire du pays [restait] préoccupante, malgré quelques avancées dans certains domaines ». « Le pays est en train de s’enliser dans un mode de gouvernance caractérisé par la promotion de la propagande, la diversion, le bâillonnement de la liberté d’expression, les crises diplomatiques avec nos partenaires, la distinction [entre] bons et mauvais Maliens », disaient-ils dans un communiqué.