(Rome, 17 juin 2022). Un autocrate face au miroir, accuse le monde de provoquer des conflits pendant qu’il envahit un pays neutre : voilà en résumé l’analyse du discours de Poutine au forum de Saint-Pétersbourg. Une intervention qui révèle de nombreux antécédents
Haine et animosité, accusations et mépris contre les États-Unis et l’Europe. Vladimir Poutine utilise des termes et concepts de violence verbale sans précédent pour déverser une avalanche de mauvaise volonté et de rancœur contre Washington et Bruxelles, comme rapporté par Gianfranco D’Anna dans les colonnes du quotidien italien «Formiche».
« L’ère du monde unipolaire est terminée » et ce changement « fait partie de l’histoire » et « n’est pas réversible ». « Les changements qui se produisent dans l’économie et la politique internationale sont tectoniques et révolutionnaires ». Comme pour dire : « Je provoque un tremblement de terre international qui perturbe l’équilibre du monde », dit en substance le président russe qui n’a abordé l’invasion de l’Ukraine qu’avec ses habituelles autodéfinitions justificatives, en la décrivant comme « une opération spéciale qui représente la décision d’un État souverain fondée sur le droit de garantir sa sécurité et sur la construction et le renforcement d’un pouvoir fort et souverain : la Russie ».
Commencé avec plus d’une heure de retard en raison d’une cyber-attaque non spécifiée, qui aurait saboté l’équipement technique et informatique du Forum d’économie politique parrainé par le Kremlin à Saint-Pétersbourg, le discours de Poutine a souligné son agressivité monothématique résolue contre l’Occident. La base de données des participants et le système d’admission des badges ont été mis hors service. Les spécialistes travaillent à l’élimination du problème, a déclaré Dmitry Peskov, porte-parole du Kremlin, comme le relève le média américain Bloomberg.
Une agressivité qui, selon les psychologues et les analystes, traduirait la frustration et la colère face à la défense efficace des Ukrainiens et à la mobilisation européenne et américaine visant à défendre Kiev.
« Merci de nous faire l’honneur de venir, comme chaque année », a-t-il entamé son discours face à un auditoire composé des grands chefs d’entreprise russes, mais « sans présence de personnalités des pays inamicaux », avait prévenu un conseiller diplomatique du Kremlin.
Les tentatives de division des États-Unis et de l’Europe sont évidentes : « L’UE, a déclaré Poutine, a perdu sa souveraineté politique, car elle est soumise à des diktats extérieurs et exécute tout ce qui lui est dicté », notant que « la croissance de l’inflation dans certains pays de la zone euro a désormais dépassé le niveau de 20%. Le monde est arrivé à cette situation à la suite des mesures adoptées par les sept grands pays industrialisés, en matière économique et politique. Les sanctions occidentales ont été mises en œuvre sur la fausse thèse selon laquelle l’économie de la Fédération de Russie n’est pas souveraine ». Mais « la Russie ne suivra jamais la voie de l’autarcie, malgré les rêves de l’Occident et les sanctions retourneront contre ceux qui les ont imposées ». La situation actuelle en Europe pour le chef du Kremlin « conduira à une vague de populisme et de radicalisme et un changement dans l’élite au pouvoir ».
Il a révélé que « la Russie est intéressée à exporter 50 millions de tonnes de blé, une priorité pour les pays au Moyen-Orient et en Afrique », expliquant que « l’Occident poursuit la même vieille politique d’impérialisme et de pillage, mais d’une manière nouvelle ».
Hostilité et guerre ; jamais une référence aux perspectives de négociations ou à la mention de mots tels que trêve et paix. Un lance-flamme verbal, plutôt qu’une intervention sur les questions économico-politiques, visant davantage l’intérieur de la Russie que son extérieur. Comme si Poutine avait plus besoin de galvaniser les Russes que d’intimider l’Occident et voulait, surtout, rassurer les alliés qui l’écoutaient dans la salle ou par vidéo-conférence, comme le président chinois Xi Jinping et l’Égyptien Abdel Fatah al-Sissi. Les seuls chefs d’État présents étaient les présidents de trois pays post-soviétiques : le biélorusse Aleksander Lukashenko, le Kazakh Kassym-Jomart Takaev et l’Arménien Vahagn Khacharonjan. L’image dans le miroir de l’isolement international.