Ce que révèle l’avertissement russe à Kiev : «la mer ? Perdue à jamais»

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(Paris, 26 mai 2022). Les messages des autorités russes de Crimée et de Zaporizhzhya constituent des avertissements très clairs adressés au gouvernement ukrainien : la mer d’Azov restera russe à jamais et les ports de la mer Noire, passés sous le contrôle de Moscou, ne reviendront pas à Kiev. Cela a été rapporté par l’agence «Ria Novosti», qui a rapporté ce que Vladimir Rogov, membre du conseil d’administration de Zaporizhzhya, a dit au média russe. La mer d’Azov est perdue à jamais pour l’Ukraine. Les ports des régions de Zaporizhzhya et de Kherson ne seront plus jamais ukrainiens », a-t-il déclaré. « Je suis sûr, a poursuivi Rogov, qu’après la réunification de nos régions avec la Russie, la mer d’Azov reviendra exclusivement une mer intérieure de la Fédération de Russie ». Ces propos font écho à ceux prononcés il y a quelques jours par le vice-Premier ministre du gouvernement de Crimée, Georgy Muradov, qui, après la chute de Marioupol aux mains des Russes, avait annoncé que la mer d’Azov deviendrait définitivement un plan d’eau partagé par la Russie et la République populaire de Donetsk, comme le rapporte Lorenzo Vita dans les colonnes du quotidien «Il Giornale/Inside Over».

Les paroles provenant des territoires sous contrôle russe sont donc sans équivoque. Les ports de la mer Noire, éléments fondamentaux de la stratégie du Kremlin dans l’attaque contre l’Ukraine, ne sont pas de simples champs de bataille, mais les objectifs d’une stratégie à long terme. Les déclarations des séparatistes pro-russes, rappelant ce qui a déjà été dit par certains responsables russes sur le fait que Moscou est là pour y rester, ne peuvent être réduites à une simple propagande de guerre, mais constituent des indications précises. Des signes qui doivent se traduire par le fait que le soi-disant « Novorossija », autrement dit, l’espace territorial qui tente de rétablir les territoires de l’ancien empire russe dans la région sud de l’Ukraine, devient lentement mais sûrement un réalité effective. Une nouvelle conformation régionale qui passe inévitablement par la conquête des principales villes portuaires et parmi lesquelles, pour le moment, manque la véritable perle de la mer Noire ukrainienne : Odessa.

Le front de la mer Noire, bien que sous-estimé dans les premières semaines de la guerre, s’est avéré fondamental au fil du temps, sinon le véritable objectif russe à long terme. La guerre, en effet, avait initialement ces objectifs exprimés par Vladimir Poutine comme un leitmotiv : dénazification, démilitarisation, neutralité de Kiev et reconnaissance des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk ainsi que de la Crimée comme territoire russe. Mais les finalités de cette opération étaient aussi celles qui se déroulent dans le sud du pays. La première était de rattacher la Crimée (considérée comme le territoire de la Fédération de Russie à tous égards par Moscou) aux nouvelles réalités autoproclamées du Donbass et donc à la Russie. Marioupol, ville martyre devenue centrale lors du siège d’Azovstal, a servi cet objectif : en d’autre terme, construire définitivement une ceinture terrestre qui unissait ces deux régions et empêcher que la mer d’Azov ne soit même disputée. Un objectif qui a également été renforcé par la précédente prise de Melitopol, utile pour étendre la ceinture territoriale aux mains des Russes.

Mais il existe autre objectif qui était et reste prioritaire dans la logique russe : exclure l’Ukraine de la mer. Un plan qui a toujours été fondamental pour la Russie puisque le débouché de la mer Noire, stratégiquement vital pour Moscou, ne devait pas être contesté par un adversaire potentiel dans l’orbite de l’OTAN, à savoir Kiev. Mais évincer un pays de tout débouché sur la mer, c’est aussi, de facto, en faire un acteur beaucoup moins influent sur le plan international et particulièrement dépendant d’autres États sur le plan commercial. La recherche d’un moyen d’accéder à la mer a toujours été fondamentale pour toute puissance ancienne et récente : couper les approvisionnements, évincer un pays des routes commerciales et sous-marines, l’empêcher de recevoir de l’aide quel que soit le consentement d’un voisin, sont des facteurs fondamentaux pour la survie et le statut de souveraineté d’une réalité étatique. Un choix donc non seulement contingent, comme en témoigne la possibilité ou non de décider du flux de céréales afin d’éviter ou non une crise alimentaire mondiale, mais aussi de long terme : sans la mer, le destin de Kiev apparaît bien différent de celui auquel il peut également être destiné, ne serait-ce qu’avec la survie d’Odessa et d’autres ports.