En Russie un nom apparaît: le (possible) successeur de Poutine

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(Rome, 23 mai 2022). Les élections présidentielles de 2024, tant attendues, sont désormais à nos portes et la guerre en Ukraine, en plus d’avoir définitivement catalysé l’entrée du monde dans l’ère multipolaire, semble avoir rouvert un dossier ancien mais toujours d’actualité : la question de la succession de Vladimir Poutine.

Sur fond de retour en scène de Dmitri Medvedev, le dauphin tombé en disgrâce après avoir reçu l’honneur de diriger le Kremlin de 2008 à 2012, et du nettoyage en cours des forces armées, des services secrets et de la classe dirigeante, emblématisé par la mort de cadres et de magnats étroitement liés au cercle de Poutine, un nom correspondant à un visage semi-inconnu, semble se frayer un chemin dans les salles de contrôle. Il s’agit de Dmitrij Kovalev, comme rapporté par Pietro Emanueli dans le quotidien «Il Giornale/Inside Over».

L’apparition dans le défilé de la victoire de 2022

Dmitry Kovalev, un nom plus qu’inconnu en dehors de la Fédération de Russie jusqu’à la veille de la guerre en Ukraine, a attiré les projecteurs internationaux le 9 mai 2022 et, qu’on le veuille ou non, n’a jamais pu s’en défaire.

Kovalev est devenu l’homme du moment en mai, au plus fort de la guerre en Ukraine et des tensions entre les blocs, car il a été capturé par des caméras en compagnie de Vladimir Poutine lors du défilé de la Victoire. Pas n’importe quel bavardage, anonyme et fugace, mais celui qui magnétise l’attention des spectateurs, des regards indiscrets. D’un Sergueï Choïgou étonné, qui assiste avec curiosité au dialogue Poutine-Kovalev, au pilote espiègle Igor Sushko, qui partage sur Twitter et rend virale la vidéo de la conversation.

Retrouver l’identité du personnage mystérieux qui a volé la vedette aux sages, aux cheveux gris entourant Poutine le 9 mai, n’avait pas été facile. En effet, Kovalov était inconnu en dehors de la Russie car il était, jusque-là, peu connu même dans la mère patrie.

Un travail minutieux a été effectué de la part des internautes, des journalistes étrangers et des chaînes Telegram pour donner un nom à l’interlocuteur du président. Un nom identifié plus tard comme étant Dmitry Kovalev, un membre brillant et relativement jeune du département de l’administration présidentielle. Et depuis lors, compte tenu de l’interminable lutte de succession, les rumeurs se sont multipliées selon lesquelles Kovalev serait le possible héritier de Poutine.

Qui est-t-il ?

Des détails intéressants, utiles et/ou même intrigants sur la figure de Dmitry Kovalev ne sont pas trouvés dans la presse occidentale. De lui, de cet homme au cursus énigmatique, il y a peu ou rien. Il s’agit d’une relance continue des quelques informations dont nous disposons : âge, (né en 1986 ou 1987), poste occupé, le 09/05/22 (membre du Département de l’administration présidentielle) et le lieu présumé de la première rencontre avec Poutine (un match de hockey sur glace).

Mais il y a (beaucoup) plus sur Kovalev, outre son âge, ses préférences professionnelles et sportives. Et ce plus, qui est nécessaire pour dresser un portrait-robot de lui et pour comprendre s’il pouvait effectivement être l’héritier de Poutine, se trouve sur les portails d’information en langue russe. Des portails qui, semble-t-il, ont été ignorés par le journalisme occidental dans sa recherche convulsive d’informations à son sujet.

De Planet Russia, nous apprenons que Kovalev serait proche du général Ivan Tkachev, un membre dirigeant de la section K du FSB – le département spécialisé dans le renseignement financier, la recherche de cinquièmes colonnes et la lutte contre la corruption. Et bien que Tkachev soit l’un des nombreux sécurocrates opérant dans les coulisses, ce qui compte, selon les médias russes, c’est la relation étroite qui le lierait au numéro deux du système Poutine : Igor Sechin.

Le site 9111.ru, permet de connaître l’arbre généalogique de l’homme de 36 ans : il est ce que l’on pourrait définir comme un « fils de l’art », une personne anonyme de poids, en tant que fils d’un certain Vitalij Kovalev, qui en mai 2022 était le directeur général de Gazprom Mezhregiongaz Kaluga. Par ailleurs, selon le site, l’homme de 36 ans aurait fermé ses profils sociaux après la diffusion de la vidéo en compagnie de Poutine.

Héritier possible ?

Poutine cherche un héritier. Il en est ainsi depuis 2008, année où il a confié le sceptre du Kremlin au prometteur Medvedev. Mais Medvedev, qui en quatre ans s’est révélé être un automate dépourvue de toute initiative, peu ou pas charismatique et, surtout, politiquement myope (la guerre de Géorgie, les désaccords avec les oligarques dirigés par Poutine, etc) a «contraint» ce dernier à se présenter aux élections de 2012. Depuis lors, grâce également à l’aggravation de la concurrence entre les grandes puissances, Poutine n’a jamais abandonné la barre du commandement.

La Russie a besoin d’un leader aussi charismatique que clairvoyant. Et aussi clairvoyant que ferme et décisif. Il en va de l’intégrité territoriale de la Fédération, constamment menacée par le spectre du séparatisme ethno-religieux, et de sa sécurité nationale, qui s’étend des glaces arctiques aux déserts du Turkestan. Un rôle de responsabilité. Un rôle qui ne peut être confié à n’importe qui.

Kovalev, en tant qu’homme proche des services secrets et de la soi-disant « oligarchie amie », autrement dit, fidèle au Kremlin, ainsi que pour son âge, pourrait effectivement être un candidat attrayant aux yeux de Poutine. Plus que Medvedev, qui a été «grillé» lors de l’épreuve du feu. Et plus que Patrushev, qui est certes un silovik (Un silovik est un représentant d’organismes étatiques chargés de veiller à l’application de la loi, d’organismes de renseignements, des forces armées et autres structures auxquels l’État délègue son droit d’utiliser la force. Un «Etat profond»), mais il est et reste une classe de 1951, donc : il est âgé.

Les scénarios qui envisagent un concours de succession régulé et encadré par le haut, impliquent clairement l’extension et la stabilisation du système Poutine de l’après-guerre jusqu’aux élections de 2024. Une vision déterminante qui exclut a priori l’avenir des rebondissements, comme le détrônement de Poutine, mais l’issue de la guerre pour l’Ukraine pèsera comme un rocher sur sa réalisation. En résumé : d’ici 2024 et au-delà, tout est possible.