Gaz: la Russie ferme les robinets à la Pologne. Risque d’escalade

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(Rome, Paris, 26 avril 2022). Les opérateurs polonais rapportent que le gaz a cessé d’arriver de Russie depuis mardi matin. Le tout, alors que la Pologne répète qu’elle ne paiera pas en roubles, et annonce qu’elle soutiendra l’Allemagne pour se débarrasser du pétrole russe. Un avertissement de Poutine ?

La Russie aurait totalement coupé le flux de gaz vers la Pologne, le jour même (mardi 26 avril, ndlr) où Varsovie a réitéré qu’elle ne paierait pas le gaz en roubles. Cela a été rapporté par le site d’information polonais «Onet.pl », qui cite une source gouvernementale, et la confirmation de PGNIG, la plus importante compagnie de gaz du pays (une entreprise publique, basée à Varsovie, et spécialisée dans la production, l’extraction, le transport et le stockage de gaz naturel et de pétrole, ndlr). Selon Interfax, les flux se sont arrêtés depuis le matin. Ces rumeurs ont provoqué une envolée des stocks de gaz sur le marché européen : selon Bloomberg, certains contrats d’approvisionnement ont bondi de 17 %, nous apprend Otto Lanzavecchia sur les colonnes du média italien «Formiche».

Gaz System, l’opérateur du réseau gazier local, a indiqué se préparer au scénario d’arrêt complet des flux. Une réunion d’urgence du gouvernement polonais serait en cours ; aucune annonce officielle n’a encore été faite, qui selon «Onet.pl» interviendra dans la soirée. Aucun signal du côté russe non plus, qui n’a donc pas confirmé si l’interruption du flux avait un lien avec les développements de la journée ou avec la demande (ou plutôt, l’ultimatum qui ne s’est jamais concrétisé) de Vladimir Poutine, ignoré par les Européens et en violation des contrats existants.

Les soupçons augmentent au vu de ce qui s’est passé mardi, qui a marqué un tournant dans la position allemande : Berlin, jusqu’ici principal obstacle à l’embargo européen sur le pétrole russe, a déclaré être « très, très » proche de l’indépendance vis-à-vis des hydrocarbures du Kremlin. Merci à Varsovie : flanqué de son homologue polonaise, Anna Moskwa, le vice-chancelier Robert Habeck a expliqué que l’Allemagne aurait pu faire entrer des navires pétroliers dans le port de Gdansk et exploiter l’infrastructure polonaise (ainsi que le transport) pour ramener chez elle le pétrole obtenu auprès de nouveaux fournisseurs.

La déclaration commune avait ravivé l’espoir d’une inclusion du pétrole russe dans le sixième paquet de sanctions européennes, toujours en suspens. La nouvelle de l’interruption des approvisionnements russes en Pologne est arrivée quatre heures plus tard. Le gazoduc Yamal-Europe, qui fait l’objet de la nouvelle, traverse la Pologne et aboutit en Allemagne. Et si elle est confirmée, tout indique que Poutine adresse un avertissement à l’Allemagne : pas de sanctions, ou ce sera douloureux.

En cas de perturbation des flux de trésorerie européens, l’avenir du Kremlin serait encore plus incertain, ajoute Otto Lanzavecchia dans son décryptage. Pour sa part, la Pologne (ainsi que la plupart des pays d’Europe de l’Est) s’est toujours prononcée en faveur d’un embargo total sur les hydrocarbures russes, et a encore imposé mardi des sanctions supplémentaires à l’encontre de 50 oligarques russes. Dans les mêmes heures, le chef de Gaz System Tomasz Stempen, a déclaré que « la Pologne est prête à abandonner facilement l’importation de gaz russe ».

Dans la soirée, un porte-parole de la société a déclaré à Bloomberg que la Pologne était prête à faire face à une coupure d’infrastructure et que les consommateurs ne connaîtraient pas de pénurie dans l’immédiat. Vers 18h00, la ministre Anna Moskwa s’est également montrée rassurante. « La Pologne dispose des réserves de gaz et des sources d’approvisionnement nécessaires, qui peuvent protéger notre sécurité, nous sommes effectivement indépendants de la Russie depuis des années », a-t-elle tweeté. « Nos stocks [de gaz] sont remplis à 76 %. Il n’y aura pas de pénurie de gaz dans les foyers polonais ».